A Davos, un magnat australien du minerai plaide pour le verdissement de l'industrie

  • AFP
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Andrew Forrest, un milliardaire australien au style direct qui a fait fortune dans les mines de fer, a profité du grand rendez-vous de Davos pour dénoncer l'immobilisme du secteur des hydrocarbures qui pousse le monde dans "une course à la mort", appelant le monde industriel à passer aux énergies propres.

"Je le dis au monde industriel, si la bonne vieille industrie minière grincheuse et rétrograde peut le faire, tout le monde peut le faire", a exhorté M. Forrest dans un entretien à l'AFP dans la station suisse, au lendemain d'un échange public musclé avec la dirigeante d'une compagnie pétrolière américaine.

Surnommé "l'évangéliste du climat", cet habitué du Forum économique mondial s'efforce de décarboner ses propres activités et de faire pression sur ses confrères industriels pour qu'ils renoncent aux énergies fossiles, responsables des gaz à effet de serre et du dérèglement climatique.

L'exploitation minière étant par nature très énergivore, son entreprise Fortescue affiche comme objectif de remplacer le diesel et le gaz naturel utilisé pour ses activités par de l'électricité renouvelable.

Il investit également massivement dans des projets de production d'hydrogène vert et affiche d'importantes ambitions pour sa société d'énergie solaire et éolienne Squadron Energy. Il s'est ainsi engagé la semaine dernière à produire 14 gigawatts d'énergie propre à l'Australie d'ici la fin de la décennie avec Squadron Energy, de quoi alimenter six millions de foyers.

Ses détracteurs soulignent qu'il s'est enrichi grâce à des activités minières qui ont encore émis 2,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre l'année dernière.

M. Forrest plaide lui-même coupable: "Il y a environ 1.000 industriels qui sont responsables de la consommation de pétrole et de gaz dans le monde. Et je suis l'un d'eux. Je brûle un milliard de litres de diesel par an".

"Mais avant de me clouer au pilori tout seul, regardez les 999 autres, parce qu'au moins j'ai des projets tout à fait économiques pour éliminer tous les carburants fossiles de ma chaîne d'approvisionnement. Et c'est ce que je demande à tous les autres dirigeants".

- "Course à la mort" -

Andrew Forrest réserve ses critiques les plus acerbes à l'industrie pétrolière et gazière, accusée de "propager du poison". Selon lui, la planète est lancée dans une "course à la mort" et le secteur des énergies fossiles "entraîne le reste du monde vers le fond".

"Quand allez-vous permettre à vos clients d'arrêter de brûler des énergies fossiles?", interpelle-t-il.

"S'ils disent, +eh bien nous n'allons pas le faire+, alors vous dites +merci de dire la vérité+. S'ils disent +eh bien nous le faisons déjà+, alors vous dites +merci de ne pas me prendre pour un idiot+".

A la Conférence pour le climat COP28 de Dubaï en décembre, M. Forrest a payé des annonces publicitaires critiquant l'industrie pétrolière et gazière et appelant à une élimination progressive des combustibles fossiles.

A Davos, l'entrepreneur n'a pas non plus gardé sa langue dans sa poche. Lors d'une table-ronde sur la transition écologique, l'échange avec Vicki Hollub, PDG de la société américaine Occidental Petroleum, a été tendu.

Celle-ci a défendue l'industrie pétrolière en affirmant qu'elle jouerait un "rôle clé" dans la transition énergétique, en continuant à "fournir le carburant dont le monde a besoin", notamment pour les transports maritime, aérien et routier.

-"Molécule miracle"-

M. Forrest a même des adeptes parmi les militants pour la défense du climat. Quand bien même l'enthousiasme de M. Forrest pour l'hydrogène vert --il parle de "molécule miracle" pour la transition énergétique-- suscite des réserves car une production à grande échelle s'accompagne de coûts très élevés et que les infrastructures ne sont pas encore là.

"Andrew Forrest souligne l'urgence de mettre fin à l'expansion des énergies fossiles et critique résolument les compagnies pétrolières", salue auprès de l'AFP Harjeet Singh, un responsable de l'Initiative pour un Traité de non-prolifération des énergies fossiles.

"Nous avons besoin qu'un plus grand nombre de chefs d'entreprise reconnaissent pleinement l'importance de la crise climatique et investissent dans des vraies solutions", dit-il.

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