Début de la fin ce samedi pour la centrale de Fessenheim, après des années de débat

  • AFP
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Après des années de débat qui ont fait de sa fermeture un serpent de mer de la vie politique française, le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim doit être définitivement arrêté samedi, première étape sur le long chemin du démantèlement.

Mise en service en 1977, la doyenne des centrales françaises en activité aura connu six présidents de la République, de Valéry Giscard d'Estaing à Emmanuel Macron, en passant par François Hollande, qui scella son sort en promettant sa fermeture dès 2011, mais aussi des grèves de la faim et d'innombrables manifestations d'opposants.

Une fermeture qui n'entraînera "aucune perte d'emploi", a assuré mercredi la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, alors que la centrale génère quelque 2 000 emplois dans l'un des territoires les moins bien dotés sur le plan industriel d'Alsace. Les élus locaux dénoncent, eux, un État incapable d'assurer la transition du territoire et prévoient de lancer samedi un SOS au président de la République.

Près d'une décennie après la promesse de François Hollande, le réacteur n°1 de la centrale alsacienne doit être mis à l'arrêt à 02h30 du matin samedi, avant le n°2 le 30 juin. Ces dates ont été entérinées mercredi, avec la parution au Journal officiel d'un décret qui "abroge l'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim dont EDF est titulaire". Une "première étape dans la stratégie énergétique de la France", a salué Matignon.

L'arrêt en douceur du réacteur de 900 mégawatts (MW) à eau pressurisée commencera à 20h30 vendredi, selon une procédure identique à celle utilisée lors des phases de maintenance.

Absurdité

La température et la pression, qui atteignent 306,5°C et 155 bars à pleine puissance, baisseront progressivement dans le circuit primaire du réacteur et, lorsque le réacteur atteindra 8% de sa puissance, il sera déconnecté du réseau électrique national", explique EDF.

Enjeu de la négociation entre les Verts et le PS pour la présidentielle de 2012, la fermeture de Fessenheim avait été annoncée après l'élection du président socialiste pour fin 2016. Puis elle avait été liée à la mise en service de l'EPR de Flamanville et repoussée à 2018, mais c'est à Emmanuel Macron qu'il revint finalement d'annoncer son arrêt définitif en 2020.

Bâtie à la frontière entre la France et l'Allemagne, non loin de la Suisse, la centrale est devenue le symbole de tous les dangers de l'atome pour les anti-nucléaire des trois pays, qui n'ont cessé de pointer, outre le vieillissement qui complexifierait le remplacement de certaines pièces, une situation en contrebas du grand canal d'Alsace et dans une région à la sismicité avérée. Des critiques qui se sont intensifiées après la catastrophe de Fukushima, en mars 2011 au Japon.

Des voix dénoncent à l'inverse l'absurdité de se priver de cette source d'énergie décarbonée alors que la France s'est fixé pour horizon la neutralité carbone en 2050.

Dans un paysage français où les centrales nucléaires assurent plus de 70% de la production d'électricité - de loin la plus forte proportion au monde, avec le deuxième plus important parc nucléaire au monde derrière les Etats-Unis - un réacteur comme ceux de Fessenheim produit en moyenne chaque mois l'équivalent de la consommation de 400 000 foyers, selon EDF.

« Toit en tôle »

Douze réacteurs supplémentaires, sur les 58 que compte la France aujourd'hui, doivent être arrêtés d'ici 2035, sans toutefois entraîner de fermeture de centrale complète comme à Fessenheim.

"Cette centrale est grabataire, cette centrale est dangereuse, ça fait longtemps qu'elle aurait dû fermer !", tempête le président de l'association Stop Fessenheim, André Hatz. Pour autant, pas question de crier victoire samedi pour les anti-Fessenheim, qui se contenteront d'une conférence de presse avant, peut-être, un événement "plus festif" à l'arrêt du second réacteur. "C'est juste un point d'étape, il y a encore plein de dangers liés à la fermeture: pendant au moins trois ans, le combustible nucléaire restera stocké dans les piscines de décontamination, qui sont non-bunkérisées et dont les toitures sont un simple toit en tôle", pointe M. Hatz.

L'évacuation des combustibles usés devrait en effet intervenir d'ici à l'été 2023, puis le démantèlement à proprement parler durer jusqu'à 2040 au plus tôt.

"Le fonctionnement des centrales de la même génération et de la même technologie que celle de Fessenheim a été prolongé d'au moins dix ans", s'agace Raphaël Schellenberger, qui préside une commission parlementaire de suivi de la fermeture de la centrale. "Lorsque l'on considère comme défi prioritaire la lutte contre les dérèglements climatiques, il n'est pas concevable d'arrêter aujourd'hui deux réacteurs nucléaires en très bon état et de continuer à produire de l'électricité à base de charbon sur le sol français jusqu'en 2024, voire 2026", s'étrangle le député LR.

Commentaires

AtomicBoy44

Début du commencement des ermmerdements et des profits des électriciens, Suisses, Belges, et Allemands surtout oui ... Même avec des combustibles fossiles

Jean-Pierre Manin

Encore une erreur lamentable de nos politiques, plus attentifs à leur réélection qu'au bien public. Déja Lionel Jospin pour satisfaire les écolos avait fait arrêter Superphénix,, alors que ce réacteur venait de maîtriser toutes les difficultés inhérentes à ce nouveau type de réacteur, qui nous aurait assuré un approvisionnement plus durable et une possibilité de diminuer la période des déchets nucléaires à longue vie. Un gâchis avec la perte de cette technologie et la perte de savoir des ingénieurs partis ailleurs. Fessenheim , après sa récente mise à niveau pouvait fonctionner encore 10ans sans problème . Mais les obscurantistes et les moutons qui bêlent en coeur "le nucléaire c'est la pire des énergies" sans rien connaître de la physique nucléaire, ont eu raison de la raison. Triste pays qui se détruit lui même et qui dépendra de plus en plus dans le futur de la Chine pour son silicium, ses panneaux photovoltaïques et ses terres rares, des pays voisins qui brûlent du lignite et qui fera tourner des éoliennes construites par des allemands et des hollandais pour faire circuler des voitures électriques dont le lithium vient des salars de Bolivie et Argentine et le cobalt de mines africaines ou de jeunes garçons de 13ans y laissent leur vie .

frere de humhu…

Je ne sais pas si on en trouvait en Dordogne mais il y en avait à St Priest la Prugne, à la Crousille, en Saone et Loire et dans d'autres secteur de France.

Mandron

Bravo pour votre analyse qui résume parfaitement la lamentable logique de nos politiciens qui ne visent que leur réélection au détriment des intérêts à long terme de notre pays et accessoirement du climat de notre planète !
La bêtise et l’obscurantisme sont les pires ennemis de notre pays conduisant inéluctablement à la régression et l’appauvrissement de notre beau pays.

François Cordelle

À Jean-Pierre Manin :
Tout à fait d’accord avec vous, arrêter Fessenheim est un véritable gâchis, surtout que des dépenses importantes pour encore améliorer la sûreté ont été consenties pour obtenir de l’ASN l’autorisation d’exploiter pendant 10 années supplémentaires ! Pourquoi l’a-t-on fait, avec en plus la perte des kWh qui n’ont pas été faits pendant les travaux.
Par ailleurs, c’est une décision lourde de conséquences vis-à-vis du climat, c’est un « coup bas » !
La production annuelle de la centrale sera inéluctablement remplacée par des centrales européennes, à un coût bien supérieur à notre prix de revient, et à coup sûr à partir de charbon (ou pire, de lignite), avec émission de CO².
Le calcul est simple : tout kWh fait avec du charbon produit 1 kg de CO². Un milliard de kWh ( 1 TWh ) émet donc 1million de tonnes de CO², et chaque unité de 900MW (dont celles de Fessenheim) produit annuellement 6,3 TWh par an.
Les prévisions de la PPE, prévoyant l’arrêt de 14 unités de 900 MW, conduisent donc que l’Europe devra produire 14 fois 6,3 TWh avec pour conséquence chaque fois 6,3 millions de tonnes de CO².
A très court terme12,6 Mt de CO², puis à moyen terme jusqu’à un total d’environ 800 millions de tonnes de CO². Tant pis pour le climat…, trahi par les écologistes et ceux qui les suivent sans réfléchir.

On a envie de dire, en paraphrasant Georges Clémenceau au sujet de la guerre :
«  l’écologie est beaucoup trop importante pour qu’on la confie aux écologues ».

charles

Fermer un réacteur en parfaite condition de fonctionnement. Un jour de deuil pour un panier de voix espéré. Prochaine étape ?
On va vers des lendemains qui chantent.

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