Décarbonation de la construction : une « mutation de masse » selon le président de la filière ciment

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Bousculés par l'émergence de start-up cimentières zéro-carbone et par l'essor du bois dans la construction, les industriels du ciment et du béton acceptent à marche forcée d'entrer dans une "mutation de masse" pour éliminer d'ici 2050 leurs émissions de CO2, tout en réclamant un peu plus de soutien pour y parvenir.

"Nous sommes sur une évolution des technologies qui n'a jamais été aussi rapide pour rendre le secteur neutre en carbone" déclare François Petry, président du Syndicat français de l'industrie cimentière (SFIC), par ailleurs dirigeant du groupe Lafarge (Holcim) France, lors d'un entretien avec l'AFP.

En réponse aux critiques sur l'immobilisme d'une filière, accusée d'avoir peu fait évoluer ses pratiques depuis l'invention du ciment il y a 200 ans, alors qu'elle émet plus de CO2 que le transport aérien, M. Petry admet que le secteur "donne l'impression d'inertie" face aux évolutions nécessaires pour décarboner ses procédés de fabrication.

C'est parce qu'il "faut parvenir à réaliser cette mutation de masse sans fragiliser l'écosystème de la construction", qui représente près d'un demi-million de personnes en France, de l'architecte au maçon, en passant par les cimentiers, ingénieurs de bureaux d'étude, industriels du pré-fabriqué et constructeurs, analyse-t-il.

Pour y parvenir, la profession espère plus de soutien de l'État, tant pour garantir une "stabilité des prix de l'énergie" par exemple, que pour "rééquilibrer" certaines bases de calcul comparant l'impact du bois et du béton dans la construction.

La filière ciment-béton s'estime notamment "injustement" traitée par les analyses de cycle de vie (ACV) utilisées par les pouvoirs publics dans les normes de la nouvelle réglementation RE2020, applicable le 1er janvier 2022 dans la construction. Elle "est biaisée et favorise le bois, qui pourtant est lui aussi émetteur de carbone lorsqu'il arrive en fin de vie", affirme M. Petry.

« Recompositions »

Concernant les nouveaux ciments bas carbone qui émettent moins de 400 kg de CO2 par tonne de ciment produit contre 625 kg en moyenne sur le secteur aujourd'hui, ils ne représentent encore que 10% du marché français.

"Il faut emmener toute la chaîne de valeur vers les produits à plus basse empreinte carbone, les utilisateurs et constructeurs doivent évoluer" dit le responsable. "Et nous devons les accompagner".

Certains nouveaux produits ont des temps de séchage différents. Ce qui implique des adaptations industrielles. Les producteurs de pré-fabriqués par exemple peuvent avoir des rotations plus lentes de leurs moules, note M. Petry.

Certains bétons décarbonés sont plus fluides, et nécessitent des changements de comportement des ouvriers lors des coffrages ou du coulage du béton, pour assurer aussi bien l'étanchéité du matériau que leur propre sécurité.

Soit un besoin énorme de formation et de communication en interne pour verdir les millions de tonnes de béton coulées chaque année en France.

Alors que la Commission européenne vient de dévoiler son plan pluriannuel pour le climat "Fit for 55" ("paré pour 55") en référence au nouvel objectif de l'UE de réduire ses émissions carbone de 55% net d'ici 2030 par rapport à 1990 (au lieu de 40% brut auparavant), l'industrie cimentière peine encore à s'ajuster au premier objectif.

Pour M. Petry, l'énormité des investissements nécessaires pour décarboner le secteur va peut-être conduire à des "recompositions industrielles et financières".

"Ici ou là, il y aura peut-être des absorptions" de start-up innovantes par de grands groupes, "je n'ai aucun schéma en tête, on voit des partenariats se développer, on voit des univers industriels se recomposer, il faut que l'on soit plus ouvert" dit-il.

Une fois la généralisation des ciments bas carbone réalisée, c'est surtout dans le domaine de la captation et de l'absorption du CO2 émis par l'industrie que les révolutions risquent d'être les plus importantes, selon lui.

Citant un projet pilote près de Dunkerque en France, où du CO2 industriel doit être injecté dans des réservoirs sous marins en mer du Nord, il estime que les cimentiers pourraient se joindre à de telles aventures pour évacuer leurs propres émissions en les minéralisant en sous-sol, à condition de pouvoir utiliser un réseau de gazoducs existant pour transporter du CO: "Une transformation de fond de l'industrie".

Commentaires

Denis GOURGOUILLON

Juste évoqué dans l'article mais pourtant indispensable : la captation du CO2. Les cimenteries s'y prêtent bien et c'est vital pour elles. Alors pourquoi cette technique n'a pas été évoquée lors de la convention citoyenne en France et à peine débattue à la COP 26
Incompétence des délégués sans doute car la technique est au point reste à trouver le financement

EtDF

C'est terrifiant ce que les demandes de financements adressées à la France (aux français!!) vont affluer d'ici peu... les futurs gouvernants vont transpirer dur et les bobos vont commencer à faire l'autruche!

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