Décarbonation du secteur aérien : des ONG dénoncent un recul des ambitions

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Plusieurs ONG spécialisées dans le climat ont dénoncé mercredi un net recul des ambitions environnementales du secteur aérien, qui ne seraient plus " à la mode " au profit d'un intérêt " purement commercial ".

« Logique purement commerciale » au Bourget

"Il n'y a aucune volonté forte sur le plan environnemental", a lancé Jérôme du Boucher, responsable aviation de Transport & Environment (T&E) France, lors d'une conférence de presse à Paris avec d'autres ONG.

À quelques jours du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE), organisé du 16 au 22 juin à Paris-Le Bourget, les associations alertent sur "la logique purement commerciale" du salon : "vendre toujours plus d'avions." "Ce qu'on nous annonce, ce sont des ventes record, des priorités militaires, des gadgets comme les taxis volants. La transition, elle, est repoussée à plus tard", a-t-il ajouté.

Le transport aérien représente 2,5% à 3% des émissions mondiales de CO?. Mais selon William Todts, directeur de T&E, avec ses effets "non-CO?", liés notamment aux traînées de condensation, l'impact du secteur sur le climat représente une part plus importante, qui risque "encore d'augmenter d'ici 2030", selon Alexis Chailloux, responsable transports, réseau Action Climat.

"Il y a quatre ans, la décarbonation était centrale dans les discours industriels. Aujourd'hui, ce n'est plus trop à la mode", regrette-t-il.

Tournant des SAF

Un tournant s'est opéré, selon lui, avec l'entrée en vigueur des premiers quotas obligatoires sur les carburants d'aviation durables (SAF). L'Union européenne impose aujourd'hui 2% d'incorporation dans le kérosène, avec un objectif de 6% en 2030.

Issus d'huiles usagées, de biomasse ou de capture de CO2, ces carburants peuvent être utilisés directement dans les avions actuels, certifiés pour des mélanges à 50% avec le kérosène fossile, et permettent une réduction des émissions de 80% sur leur cycle de vie, selon l'Association internationale du transport aérien (Iata). Du côté des constructeurs, "on se contente de remotoriser des appareils anciens, c'est plus rentable et moins risqué", poursuit M. du Boucher.

Selon T&E, aucun modèle réellement nouveau n'a été lancé depuis vingt ans. Airbus, malgré sa position dominante, a vu ses dépenses de recherche et développement stagner tandis que ses dividendes ont été multipliés par cinq entre 2012 et 2024.

Face à ces limites, les ONG appellent à "fixer un budget carbone pour l'aviation", plaide Clément Caudron (Shift Project). Elles préconisent aussi de tester à grande échelle l'évitement climatique: en modifiant légèrement les trajectoires de vol, il est possible de réduire les traînées de condensation.

Commentaires

Vincent
Le terme de SAF peut recouvrir des réalités bien différentes. Aux US, un SAF peut être considéré SAF s'il décarbone de 10%. En Europe, c'est minimum 65%. Par ailleurs, il y a une grande différence entre bio-SAF et e-SAF. Concernant les premiers, si on ne veut pas porter atteinte aux cultures alimentaires, leur potentiel reste très limité. Quant aux seconds, ils nécessitent une quantité d'électricité décarbonée telle que cette demande va être en conflit direct avec les autres secteurs nécessitant de l'électricité décarbonée (posant des gros problèmes d'égalité d'accès à l'énergie) et le CO2 nécessaire pour les fabriquer doit forcément être biogénique, dont le potentiel est limité et le coût plus élevé que le CO2 réellement considéré aujourd'hui par la filière (qui considère que le CO2 est un déchet gratuit, ce qui n'est pas le cas s'il n'est pas fossile). Bref, aucune décarbonation de l'aviation ne sera possible sans encadrement strict du secteur, notamment en stoppant sa croissance et en organisant sa décroissance. Et comme cela n'arrivera évidemment pas, pas de décarbonation possible, donc .

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