Grosse fissure dans un réacteur nucléaire : « au-delà de ce qui est acceptable », selon l'IRSN

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La découverte d'une grande fissure sur un réacteur d'EDF déjà concerné par le phénomène de corrosion sous contrainte qui touche le parc nucléaire depuis octobre 2021 "est au-delà de ce qui est acceptable, d'un point de vue sûreté", estime Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN, considérée en France comme la police scientifique de la sûreté nucléaire.

Alors que des micro-fissures avaient déjà été décelées dans son réacteur de Penly 1, à l'arrêt depuis octobre 2021, EDF a annoncé avoir repéré une autre fissure, cette fois plus profonde sur une soudure d'une portion de tuyauterie jusqu'ici non réputée sensible au phénomène de corrosion sous contrainte.

Quelle est la particularité de cette nouvelle fissure ?

C'est le même phénomène de corrosion sous contrainte que celui qui a affecté les réacteurs de type P'4 et N4, les plus récents et les plus puissants, depuis octobre 2021. Mais alors qu'initialement, les fissures décelées étaient de l'ordre de 5-6 mm maximum, à Penly, la nouvelle fissure est beaucoup plus grande puisqu'elle fait 23 mm [de profondeur] sur une tuyauterie épaisse de 27 mm.

Cela concerne toujours des circuits d'injection de sécurité (qui servent à envoyer de l'eau pour refroidir le réacteur en cas d'accident, NDLR). Mais elle a été détectée sur une autre portion de ce circuit, qui n'était pas identifiée comme sensible dans la stratégie de contrôle d'EDF.

Quelles leçons tirer de cette découverte ?

Après la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte en octobre 2021, la stratégie d'EDF avait conduit à identifier des zones dites sensibles à ce phénomène et à cibler les contrôles sur ces parties-là.

Les premiers résultats de contrôle avaient permis à EDF d'avancer d'abord des explications qui était liées à la géométrie de la tuyauterie. Or la découverte de la fissure de Penly ne répond pas forcément aux mêmes causes puisque EDF avance maintenant un problème de réparation des soudures de la tuyauterie au moment de la construction (dans les années 80).

Donc l'ASN demande à EDF de prendre en compte ce retour d'expérience pour compléter la stratégie de contrôle proposée par l'exploitant. Cela signifie qu'il va falloir aller contrôler plus en avant l'ensemble des soudures qui ont fait l'objet de réparations par le passé.

Y avait-il un risque de rupture et donc de fuite à Penly ?

Oui car il restait un ligament de quatre millimètres donc on est au-delà de ce qui est acceptable, d'un point de vue sûreté. C'était déjà un problème sérieux quand on avait des fissures de 6 millimètres donc avec 23 millimètres, c'est très sérieux.

Le risque, c'est effectivement une fuite sur le circuit de refroidissement principal du réacteur, c'était ça l'enjeu. S'il y a fuite, l'eau de refroidissement va s'échapper et tomber dans le bâtiment du réacteur. Il n'y a pas d'enjeu en termes de rejets à l'extérieur, l'eau étant faiblement radioactive et confinée à l'intérieur, mais en termes de sûreté, ce sont des choses à éviter évidemment.

Quelle conséquence pour le parc nucléaire avec ces nouveaux contrôles ?

Ce sont des contrôles supplémentaires qui n'étaient pas prévues aujourd'hui dans les plannings. Donc, potentiellement, oui cela peut entraîner des retards au redémarrage si EDF décide effectivement d'étendre ses contrôles sur ses réacteurs.

On voit bien qu'à côté des causes qui avait été identifiées, il y en a d'autres et qu'il faut rester extrêmement prudent sur ce qui peut être à l'origine de la corrosion sous contrainte à EDF. Cela prouve qu'on n'a pas tout compris encore sur ce phénomène. Est-ce que le problème à Penly est singulier? On ne sait pas le dire, donc il faut aller vérifier.

Commentaires

Jean FLUCHERE

C'est à l'ASN qu'EDF, comme toujours, a fait cette déclaration d'incident.
C'est donc à l'ASN de s'exprimer.
L'IRSN, comme souvent, vient de sortir de sa mission et de son rôle.
Cela explique globalement que l'ASN souhaite que l'expertise soit incorporée à l'ASN. Les experts sont là pour expertiser. C'est à l'ASN qu'il revient de décider et de donner les instructions aux opérateurs.

Le Taquin

Le sage montre la lune et l'idiot regarde son doigt ! Rendre publique une expertise, ce n'est pas enjoindre à EDF de prendre telle ou telle mesure, rôle de l'ASN. La transparence sur les résultats deS expertises est une bonne chose et c'est à cela que s'attaque le Gvt. Non l'IRSN n'est pas sorti de son rôle ! De plus le pb c'est cette fissure, ses causes mal connues et pas le rôle respectif de l'ASN et de L'IRSN.

EtDF

Question un peu à côté du trou mais: Il y a quand même beaucoup de réacteurs nucléaires ailleurs qu'en France.. Quid des corrosions sous contraintes... ailleurs???
Nous avions de mauvais aciers?? Nous avions de mauvais designers? Nous avions de mauvais soudeurs? Et nous avons maintenant de bonnes lunettes... ?? Quant aux aciers, designers et soudeurs.. nous n'en aurions plus tellement??
Heureusement on achète le PV et l'éolien venus d'ailleurs

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