Le groupe français Nexans veut utiliser davantage de cuivre recyclé dans ses câbles, activité en or à l'heure de la transition énergétique

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Derrière la bâche relevée, la plate-forme de l'immense semi-remorque paraît vide. À peine une vingtaine de cubes métalliques attendent d'être déchargés au fond du camion. "Impossible d'en transporter plus, trop lourds", explique le directeur de l'usine de câbles Nexans à Lens (Pas de Calais), Philippe Demarez.

Composés d'entrelacs de fils de métal compressés, ces cubes de cuivre, roux et brillants - presque un hommage au sculpteur César qui avait popularisé les compressions métalliques dans les années 60 - sont en fait de la matière première issue du recyclage de câbles électriques. Ils seront fondus avec les plaques (cathodes) de cuivre neuf, tout droit arrivées des mines latino-américaines via les ports d'Anvers et de Dunkerque, qui attendent empilées au pied du four de la seule usine en France qui fabrique des câbles de cuivre pour fils électriques.

Depuis le bureau du contremaître, avec vue panoramique sur le laminoir où la coulée de métal en fusion est formatée en une grosse barre rougeoyante et continue, une grande flamme couleur vert pomme danse comme un feu follet. À la rencontre de l'oxygène de l'air et du cuivre liquide, elle est l'indice permettant de s'assurer que la température est bien de 1.100 degrés Celsius.

Développer des « mines urbaines »

Au fil des mois et de la progression de "l'électrification du monde" destinée à réduire les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique, ce métal conducteur d'électricité a vu ses cours battre plusieurs records historiques sur les marchés mondiaux.

À plus de 9 700 dollars la tonne sur le London Metal Exchange (LME), le cuivre est un baromètre qui reflète l'état de santé de l'industrie et de l'économie mondiale. Il est même passé au dessus des 10 000 dollars la tonne en 2021. Le cuivre est devenu "stratégique", "on parle d'or rouge" en ce moment, souligne M. Demarez.

Un bonus pour la vénérable usine de Lens fondée en 1855, qui emploie aujourd'hui 170 personnes. Une bobine de cinq tonnes en sort chaque huit minutes. Soit 700 tonnes de câble par jour, un peu plus de 5 000 kilomètres. De quoi électrifier un paquebot de croisière ou 1 000 voitures quotidiennement.

Mais le métal rouge, extrait par l'homme depuis la plus haute Antiquité, risque de manquer, souligne M. Demarez. "Les extractions minières se font à partir d'investissements extrêmement lourds" dit-il. Et les ouvertures de nouvelles mines de cuivre sont de plus en plus contestées pour les dégâts causés à l'environnement et à la biodiversité.

D'où l'idée de Nexans de développer des "mines urbaines". Le groupe, qui exploite quatre fonderies de cuivre dans le monde en France, au Canada, au Pérou, et au Chili, et installe des câbles sous-marins sur toute la planète, suit en cela les recommandations d'économie circulaire de l'Union européenne pour répondre aux besoins d'approvisionnement du vieux continent en métaux critiques.

Passer de 6% à plus de 30% de recyclé

Les milliers de kilomètres de câbles installés depuis plusieurs générations à la SNCF ou dans d'autres grandes entreprises, les déchets concassés de l'automobile, les démolitions de bâtiments représentent un gisement nouveau de cuivre. "Le recyclage va devenir de plus en plus obligatoire", dit M. Demarez. "Dans l'industrie du câble, on va devoir intégrer de plus en plus de matériaux recyclés, de plus en plus travailler au traitement de ces cuivres qui peuvent être pollués à la source, de manière à conserver les mêmes caractéristiques de conductivité électrique".

Pour l'instant, la fonderie métallurgique de Lens intègre 6% de recyclé dans ses câbles. Nexans recycle déjà tous les déchets de ses propres usines, et cherche à s'approvisionner auprès de fournisseurs intégrant du recyclé dans les cathodes de cuivre minier. Il a aussi un partenariat avec le groupe Suez qui lui expédie les gros cubes de fils compressés recyclés issus de ses centres de tri de déchets.

Mais le groupe doit voir beaucoup plus loin. Il envisage de passer à 15% "à court terme" et de "dépasser 30%" d'ici 2025. Selon le responsable, il sera difficile d'aller au delà de 40% par manque de capacité de triage en France.

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