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L'Irak s'emploie à trouver dès cet été des alternatives à ses importations de gaz iranien, notamment dans le Golfe, a indiqué un responsable gouvernemental à l'AFP, sur fond de tensions accrues entre Washington et Téhéran, sous sanctions américaines.
« Une volonté politique de s'appuyer sur plusieurs sources »
L'administration de Donald Trump n'a pas renouvelé le 8 mars une dérogation accordée à l'Irak depuis 2018 pour acheter de l'électricité à Téhéran en dépit des sanctions. Washington ne s'est toutefois pas prononcé sur le gaz.
Néanmoins, "l'administration (américaine) a fait comprendre au gouvernement irakien qu'il devait faire des progrès rapides pour éliminer tous les achats de gaz naturel iranien", a indiqué à l'AFP un diplomate américain sous couvert d'anonymat.
Parmi les options envisagées par Bagdad figure l'installation de terminaux méthaniers flottants dans le sud du pays, a déclaré mercredi à l'AFP Saad Jassem, responsable au ministère de l'Electricité, indiquant que Bagdad pourrait se tourner vers le Qatar et Oman pour son approvisionnement.
Avant, "nous avions uniquement les importations d'Iran, (mais) il y a des directives gouvernementales et une volonté politique de s'appuyer sur plusieurs sources d'importations". "Jusqu'à présent, nous n'avons pas interrompu les importations de gaz" iranien, a confirmé à l'AFP le directeur du Département des carburants au ministère de l'Electricité.
Les importations de gaz et d'électricité d'Iran représentent un tiers des besoins énergétiques de l'Irak, pays aux immenses richesses pétrolières mais ravagé par des décennies de conflits, souffrant d'infrastructures en déliquescence et soumis à des délestages quotidiens.
Installation possible de 2 terminaux méthaniers flottants
"Nous devons envisager le scénario du pire : en cas d'interruption, nous avons préparé des alternatives", a précisé M. Jassem à l'AFP.
Parmi elles, l'installation dans la région de Khor al-Zubair de deux terminaux méthaniers flottant, raccordés au réseau électrique par un pipeline de 45 km, a indiqué le responsable, espérant des installations opérationnelles dès juin. "Dans la région, le plus grand producteur de gaz naturel, c'est le Qatar. nous avons effectué plusieurs visites, ils sont prêts à aider l'Irak avec des tarifs préférentiels", a précisé le responsable. Et "il y a aussi Oman", ajoute-t-il.
Les méthaniers pourront traiter de 500 à 700 millions de pieds cubes par jour (Mpc/j), soit de 14 à 19 millions de mètres cubes, a-t-il dit. "Si nous arrivons à installer une troisième unité, on peut atteindre 800 à 900 Mpc/j", a-t-il espéré. Cela permettrait de "compenser les pénuries de gaz iranien dans toute la région Sud".
Des négociations sont également en cours pour acheter du gaz au Turkménistan, livré par ce pays d'Asie centrale via des pipelines traversant l'Iran, selon le responsable. L'Irak obtiendrait ainsi de 16 à 18 millions de mètres cubes par jour, après déduction du gaz versé à l'Iran pour régler les droits de passage, a-t-il précisé.
Exercice d'équilibriste
"La question de l'énergie est vitale pour le citoyen: couper le gaz signifie une réduction significative de l'approvisionnement électrique", selon M. Jassem. Pris en étau entre l'influent parrain iranien et l'allié stratégique américain, Bagdad se livre à un exercice d'équilibriste pour préserver ces deux partenariats.
Plaidant pour l'autosuffisance énergétique, le gouvernement du Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani, porté au pouvoir par des partis pro-iraniens, ambitionne notamment d'éliminer d'ici 2028 le torchage de gaz. Ce gaz, actuellement brûlé sur les champs pétroliers, serait alors utilisé pour alimenter les centrales électriques.
Ces dernières années, l'approvisionnement iranien en gaz a déjà été irrégulier, en raison d'impayés irakiens mais aussi d'une hausse de la consommation domestique. Régulièrement, Téhéran réduit les quantités livrées, aggravant les délestages pour les 46 millions d'Irakiens, notamment durant les pics de consommation estivaux, quand les températures dépassent les 50 degrés Celsius.
En 2024, Bagdad et Téhéran ont renouvelé pour cinq ans leur accord d'importation de gaz, pouvant atteindre jusqu'à 50 millions de mètres cubes par jour. Actuellement, Bagdad ne reçoit que 15 millions de mètres cubes, bien en deçà des 25 millions prévus cette saison, selon M. Jassem.
Le dossier de l'électricité est ultra-sensible pour l'Irak, pays secoué par des manifestations quand les coupures empirent en été. Pour vivre sans délestages, l'Irak doit disposer d'une puissance d'environ 55 000 mégawatts (MW), indique M. Jassem. La capacité de production s'élève aujourd'hui aux alentours de 16 000 MW, reconnaît-il. Pour cet été, ses équipes ambitionnent de dépasser les 27 000 MW.