Nucléaire : après l'arrêt de la centrale de Chooz, des contrôles sur d'autres réacteurs peut-être nécessaires

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Des contrôles sur les autres réacteurs nucléaires français "pourraient s'avérer nécessaires", a jugé jeudi l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), après la décision d'EDF d'arrêter la centrale de Chooz dans les Ardennes pour vérification.

EDF avait indiqué mercredi soir avoir pris la décision d'arrêter les deux réacteurs de la centrale de Chooz "par mesure de précaution". Cette décision s'accompagne de la prolongation de l'arrêt des deux réacteurs de la centrale de Civaux (Vienne), décidée après la détection de défauts à proximité de soudures des tuyauteries du circuit d'injection de sécurité, qui permet de refroidir le réacteur en cas d'accident.

Ces deux réacteurs sont de la même génération - la plus récente - et de la même puissance (1 450 MW) que ceux de Chooz. EDF, qui produira moins que prévu cette année, chutait de 12,55% à la Bourse de Paris jeudi à la mi-journée.

"Des actions de contrôle pourraient s'avérer nécessaires sur les autres réacteurs en exploitation", conclut dans une note l'IRSN, le bras technique de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du secteur. "Une fois les causes du phénomène comprises, il faudrait regarder si d'autres réacteurs peuvent être concernés", a pour sa part indiqué l'ASN à l'AFP.

EDF compte au total 56 réacteurs répartis sur 18 sites en France. Pour l'instant, les 52 autres que ceux de Chooz et Civaux ne sont pas concernés par des arrêts pour contrôles ou remplacement de matériel.

"L'IRSN estime que la décision d'EDF de mettre à l'arrêt les deux réacteurs de Chooz B, en plus des deux réacteurs de Civaux, est satisfaisante du point de vue de la sûreté", juge par ailleurs l'institut. "Les contrôles sur les réacteurs de Chooz B permettront de déterminer s'ils sont affectés par les mêmes défauts. Des investigations approfondies doivent être menées afin de déterminer les phénomènes à l'origine des fissures de corrosion sous contrainte et définir le périmètre des contrôles à réaliser", indique l'IRSN.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a de son côté jugé, dans une note distincte, que la décision d'EDF d'arrêter prochainement les réacteurs de Chooz était "appropriée à la situation". Elle "suit avec attention les investigations menées par EDF et les conclusions qui en seront tirées, notamment vis-à-vis du suivi en service sur ces équipements", poursuit-elle. L'Autorité "autorise les interventions sur les équipements concernés et se prononcera sur leur remise en service", conclut-elle.

EDF avait expliqué mercredi avoir décidé du "remplacement des pièces concernées" à Civaux. L'arrêt des deux réacteurs de Chooz, prévus jeudi et samedi, doit permettre de contrôler s'ils sont concernés par le même défaut.

Avant même la révélation de ces problèmes, le gestionnaire du réseau électrique RTE prévoyait un hiver sous "vigilance particulière" en matière de sécurité d'alimentation pour la France, qui dépend à près de 70% du nucléaire pour produire son électricité, la crise sanitaire ayant affecté le calendrier de maintenance.

RTE évaluait jeudi l'éventuel impact des annonces d'EDF sur ses prévisions. Fin novembre, 30% du parc nucléaire français était à l'arrêt, avait pointé cette semaine la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher. Elle a suggéré de "relever notre niveau d'exigence pour la disponibilité du parc", estimant que "nous pouvons collectivement faire mieux".

Commentaires

Serge Rochain
La vétusté accélérée guette les réacteurs nucléaires que l'on a tenté d'utiliser pour réguler l'équilibre du réseau. La variation des contraintes qu'on leur a imposée durant ces opérations leur coutera cher.
jean-jacques Attia
Ce que dit M. Rochain est hélas fondé, pour une rare fois : la priorité donnée aux EnRi pour l'écoulement de leur production sur le réseau conduit les réacteurs nucléaires à fonctionner en dessous de leurs possibilités (moins de 70% de facteur de charge cette année en France, pour 93% aux USA avec des réacteurs de même type). Et dans des conditions qui les mettent à mal. Plus la part des éoliennes et des panneaux PV grandit dans notre production électrique, plus le réseau est difficile à équilibrer : les réacteurs nucléaires ne sont pas faits pour cela, contrairement sans doute à ce qu'a pu annoncer M. Levy. Par contre, les centrales à gaz, polluantes avec leurs émissions importantes de CO2, font ce travail. Merci à tous ceux qui manoeuvrent pour substituer EnRi et centrales à gaz au nucléaire pourtant si efficace et depuis si longtemps.
Francois Longatte
Tout à fait d'accord, il y a 25 ans (date de mon début dans la production d'électrons) c'était beaucoup plus simple, pas de priorité au non pilotable, le fil de l'eau (hydraulique fatal) faisait son taf, le nucléaire en bande , l'hydraulique pilotable faisait les pointes, et après on appelait le thermique. Le problème est que c'est le non pilotable, le plus aléatoire et sans contraintes: 0 SSY qui est devenu prioritaire. les autres ont essayés de s'adapter, le nucléaire plus difficilement que les autres. Qui devrait-on prioriser? Est--ce logique que ce soit l'enfant turbulent qui ait la priorité ? Vivement le stockage.
Hervé MOULINIER
Le fait que le nucléaire ne soit pas pilotable à court terme face à une consommation instantanée qui varie du simple au triple, sauf au prix d'une usure prématurée est connue et elle est mise en évidence par le changement de mix vers plus de renouvelable. Mais à l'inverse en poursuivant le raisonnement (par l'absurde), un mix 100% nucléaire couvrant la pointe et soit disant 100% pilotable, ne fonctionnerait pas. Nous n'avons pas la capacité de stockage STEP ou autre et nous n'aurions pas ou plus le recours au thermique. Seule alternative exporter (à bas prix) le surplus électronucléaire. C'est le statu quo qui a prévalu jusqu'alors. Le passage par la case stockage est de toutes façons nécessaire pour dé-carboner la mobilité. Il faut s'en réjouir car c'est la solution aux problèmes d'évolution de mix et elle permet un recours à des ENR de moins en moins chères car portées par une demande mondiale. Le rapport RTE ne dit pas autre chose et le nucléaire est "l'assurance vie de la transition", pas la solution à tous les problèmes. Encore faudrait il utiliser les creux de demande et les 70% d'énergie perdue dans les centrales pour produire massivement de l'hydrogène pour la mobilité et de la chaleur pour le résidentiel. Et si ce n'est pas le cas aujourd'hui, qui s'y engagerait pour demain en dehors d'éventuels SMR???
DOMISSE
Je ne suis absolument pas certain que l'on puisse attribuer au suivi de charge des centrales nucléaires, les défauts observés sur les piquages d'un circuit de sauvegarde qui est sans lien avec la production d'électricité. Ces transitoires représentent quelques degrés de variation de la température moyenne sur le circuit primaire qui ne sont pas de nature à expliquer des phénomènes de fatigue sur ces piquages. Seuls des transitoires d'arrêt plus profonds (arrêts brutaux, passages répétés en arrêt à froid) constituent des situations mécaniques éventuellement préjudiciables. Laissons le soin aux spécialistes d'EDF d'apporter les éléments fondés sur le sujet.
Gerard DORIMINI
Bonjour, C'est réconfortant d'avoir enfin un commentaire intelligent de la part de ceux qui savent; ce n'est pas le cas de Mr Rochain qui voulait un jour, m'expliquer le suivi de charge!

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