Pour diriger EDF, Bernard Fontana, un patron qui "aime" et connaît l'industrie

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Bernard Fontana, nommé officiellement mercredi en conseil des ministres pour diriger EDF, a l'avantage de bien connaître l'énergéticien et les défis du nucléaire, mais également les clients industriels du groupe, lancés depuis des mois dans une bataille commerciale sur le prix de l'électricité.

La chimie, le béton, l'acier: autant de secteurs gourmands en énergie et que M. Fontana connaît bien, puisqu'il en a dirigé quelques fleurons, au cours d'une riche carrière de capitaine d'industrie.

Quelques jours avant sa nomination, il dédie d'ailleurs ses premiers mots à sa famille d'origine : "J'aime l'industrie", "je les connais bien", lors de son grand oral le 30 avril devant les députés et sénateurs, passage obligé pour diriger une entreprise publique.

Polytechnicien et diplômé de l'école d'ingénieurs Ensta, Bernard Fontana, 64 ans, né à Tamatave (Magadascar), a commencé sa carrière en 1987 à la société nationale des poudres et explosifs (SNPE), spécialisée dans la propulsion d'engins balistiques civils et militaires, où il a gravi les échelons, jusqu'à en devenir le directeur général adjoint chargé de la chimie.

Il a ensuite rejoint de 2004 à 2012 l'aciériste ArcelorMittal, dont il a notamment dirigé les ressources humaines, avant de prendre la direction générale du cimentier suisse Holcim, où il a oeuvré à la fusion avec le français Lafarge.

"Je me suis battu pour Arcelor, et donc contre le rachat par Mittal et m'attendais à être débarqué quand j'ai été appelé à Londres par Lakshmi Mittal, mais au contraire, il m'a proposé de devenir responsable des aciers pour l'automobile", racontait-il dans un entretien en 2023 au magazine des ingénieurs de l'armement.

Au cours de sa carrière, M. Fontana a donc travaillé dans des secteurs en crise en France et en Europe, dont la compétitivité est hautement tributaire des prix de l'électricité, d'autant qu'ils sont souvent soumis à une concurrence acharnée des Etats-Unis et de la Chine.

Devant les sénateurs, il a promis d'être "particulièrement attentif à identifier rapidement les marges de manoeuvre possibles pour conclure des contrats avec eux". En jeu: les négociations intenses entre EDF et les industriels très énergivores - de l'aluminium à la chimie - sur le prix de l'électricité pour remplacer le dispositif très favorable dont ils disposaient jusqu'alors, l'Arenh, qui s'éteint en décembre.

Un engagement réitéré lundi dans un premier message aux salariés d'EDF après son intronisation en assemblée générale, formant le voeu de produire "une électricité bas carbone compétitive" pour l'ensemble des consommateurs, "en particulier des entreprises industrielles françaises".

- Pas le "vertige" -

De son aveu même, les défis qui l'attendent sont immenses : outre une électricité à un prix abordable, "rétablissement de la production du parc nucléaire", "maîtriser les délais et les coûts du programme de relance du nucléaire", tout cela en assurant "la soutenabilité de la trajectoire financière de l'entreprise". Equation complexe.

Au sénateur écologiste Yannick Jadot qui lui demandait "quelle forme de vertige pouvait prendre un candidat à la présidence d'EDF" face aux "injonctions contradictoires de l'Etat", il répond: "Ai-je le vertige? Non".

En choisissant Bernard Fontana pour remplacer Luc Rémont, remercié par son actionnaire unique, l'Etat, après de sérieux différends, l'exécutif a souhaité se tourner vers "un profil plus industriel à la tête de l'entreprise, qui a fait ses preuves dans la grosse filiale d'EDF qu'il dirigeait jusqu'à présent", Framatome, le chaudiériste nucléaire.

M. Fontana était en effet depuis 2015, un acteur central de la filière française de l'atome : outre la tête de Framatome, il a également pris la direction du pôle "Industrie et Services" d'EDF, en mars 2024.

Après avoir contribué au redressement de Framatome, en grave difficulté financière après l'échec de certains investissements et à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, M. Fontana est devenu un des hommes clés de l'énergéticien détenu à 100% par l'Etat, dans le cadre d'une réorganisation pensée pour améliorer sa performance industrielle, dans un contexte de relance de l'atome.

Interrogé fin mars par l'AFP, un cadre dirigeant d'EDF louait "une vision globale qui peut être intéressante" pour l'avenir d'EDF, voyant aussi en M. Fontana un dirigeant "souriant, à l'écoute", capable de "recevoir pendant deux heures" un collaborateur q"ui l'alerte sur des difficultés dans la réalisation de chantiers.

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