Pour une France neutre en carbone, réduire la demande d'énergie et faire un "choix de société"

  • AFP
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Il faudra "faire un choix de société": pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement du climat, la France dispose de plusieurs voies, selon l'Ademe, mais réduire la demande d'énergie sera quoi qu'il arrive "le facteur clé".

Quel que soit le chemin choisi, il sera "impératif d'agir rapidement" et d'engager dans la décennie une "planification" concertée des transformations (aménagement du territoire, investissements...), pointe l'établissement public en publiant mardi quatre scénarios possibles, tous "difficiles".

Une centaine d'experts et des partenaires extérieurs ont mené pendant deux ans ce travail prospectif, dont les conclusions sont rendues publiques alors que démarre la campagne présidentielle.

La neutralité carbone, qui implique de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'absorber les résiduelles, "va au-delà de la question énergétique", souligne le PDG de l'Ademe, Arnaud Leroy, qui parle de "choix de société".

"L'enjeu est de ne pas limiter la question de l'avenir de notre pays à une question d'EPR, qu'ils soient 6, 10, 12 ou je ne sais quoi", relève-t-il.

Les quatre scénarios de l'Ademe impliquent plus ou moins de sobriété, de puits de carbone (des réservoirs naturels ou artificiels), d'impacts sociétaux et environnementaux.

Le scénario 1 voit les habitudes alimentaires modifiées (un tiers de la population ne mange plus de viande), optimise le bâti existant, pousse la rénovation énergétique... Les émissions chutent et les puits naturels (forêts...) suffisent.

Le 2 prévoit une sobriété plus concertée, un soutien aux circuits de proximité, un retour des villes moyennes où tout est accessible... La demande énergétique est divisée par deux et il faut capter le CO2 des industries lourdes.

Les 3 et 4 sont tournés vers les technologies. Dans le 3: biomasse pour l'énergie, planification de type haussmannien (on déconstruit et on reconstruit), les transports sont électriques mais leur usage change peu... Il faut recourir à des puits de CO2 technologiques, notamment les dispositifs de capture et stockage.

Le 4 modifie à peine nos modes de vie (domotique, transports connectés...) et tente d'en réparer l'impact, notamment avec des technologies de captage de CO2 dans l'air, pas encore au point.

- "Paris forts" -

Le premier soulève des questions d'acceptation. Quant au dernier, c'est celui "des technophiles qui expliquent que les technologies vont toujours être au rendez-vous. Or, elles ne seront pas forcément au rendez-vous et on voit les sommes à mobiliser", met en garde M. Leroy.

"Atteindre la neutralité repose sur des paris forts, aussi bien sur le plan humain (changements de comportements) que technologique", résume l'Ademe. "Mais tous les scénarios n'entraînent pas les mêmes conséquences environnementales, sociales et économiques".

Pour l'Agence, la "réduction de la demande en énergie, elle-même liée à la demande de biens et services, est le facteur clé".

Elle souligne aussi le rôle "indispensable" du "vivant" (forêt, agriculture...) pour stocker le carbone, produire la biomasse et réduire les émissions en modifiant les pratiques agricoles.

"Aucun de ces scénarios n'est décroissant", relève le directeur général délégué de l'Ademe, Fabrice Boissier. "Il n'y a pas de solution miracle mais, si un pays comme la France ne peut pas y arriver, c'est un mauvais signal pour la planète".

En revanche, si la France continue comme aujourd'hui, en dépit des lois climat, la neutralité sera inatteignable.

L'Agence internationale de l'énergie, qui présente aussi mardi un rapport sur le cas français aux côtés de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ne dit pas autre chose.

"Le rythme actuel de déploiement des énergies bas carbone n'est pas assez rapide", dit l'AIE, dont le patron Fatih Birol appelle le pays à "investir bien plus dans l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire".

Ces 20 dernières années, l'efficacité a crû dans le résidentiel et les services mais le taux de rénovation "reste lent" et les transports à la traîne. La production d'énergie renouvelable vient encore pour moitié de barrages construits il y a des décennies et l'essor du solaire et de l'éolien, malgré les efforts, nécessiterait "des mesures plus soutenues".

cho/mch/tho

Commentaires

BrigitteMB

Amusant de constater que quels que soient les scénarios, la conclusion finale retombe toujours sur le même refrain : "l'essor du solaire et de l'éolien, malgré les efforts, nécessiterait "des mesures plus soutenues"" !
Pas étonnant qu'un des anciens directeurs ADEME soit devenu directement président du Syndicat (professionnel) des Énergies Renouvelables !
L'ADEME semble incapable d'aller réellement vers la maitrise des émissions de carbone. C'est là sans doute qu'il faut rechercher la cause de notre retard sur les transports et le bâtiment : l'agence nationale en charge de la maitrise de l'énergie, qui était antinucléaire dès l'origine (B Laponche fut directeur, et rapidement directeur général dès la création de l'AFME devenue ensuite ADEME), ne s'est très longtemps préoccupée que d'électricité (pourtant déjà décarbonée).
Au contraire, même, pour le bâtiment, sa brillante RT2012 a imposé le gaz dans les bâtiments collectifs neufs en place de l'électrique (c'est le cas de 100% des HLM neufs de ma ville de banlieue en pleine expansion). Merci pour le climat, et pour les finances des locataires...
Et l'ADEME s'est aussi longtemps opposée au véhicule électrique (parce qu'il risquait d'augmenter le besoin d'électricité ?).

Justin

"Les émissions chutent et les puits naturels (forêts...) suffisent."

On a pas lu le même rapport: ils disent aussi qu'en cas d'incendies de forêts (plus récurents avec le réchauffement climatique) , leurs scénarios ne valent plus rien... Oups

Quand au scénario S1 ils disent qu'il ne mise que sur la coercition (interdictions, obligations, quotas,...) et qu'il faudrait une bonne guerre pour le faire accepter (bon, ils ne disent pas guerre , mais crise et le covid ne semble pas suffisant)

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