Rachat d'Uramin par Areva: la perspective d'un procès repoussée après de nouvelles mises en examen

  • AFP
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La tenue d'un éventuel procès dans le dossier du rachat controversé de la société minière Uramin par Areva est encore repoussée, après de nouvelles mises en examen d'ex-dirigeants, dont l'ex-patronne du géant nucléaire français Anne Lauvergeon, conséquence d'une bataille en coulisses entre juges et parquet.

En 2007, Areva, qui cherche à diversifier son approvisionnement en uranium, acquiert à prix d'or, 1,8 milliard d'euros, la société canadienne Uramin, propriétaire de trois gisements en Afrique. Mais, sur place, l'exploitation se révèle plus difficile que prévu et l'opération vire au fiasco.

Après le départ de son emblématique patronne Anne Lauvergeon (2001-2011), le groupe (devenu Orano) divise par cinq la valeur d'Uramin et est contraint de passer fin 2011 de lourdes provisions de 1,5 milliard d'euros.

Ce rachat controversé est au coeur de deux informations judiciaires depuis 2015.

L'une, dans laquelle Mme Lauvergeon est témoin assisté, porte sur des soupçons d'escroquerie et de corruption lors de l'acquisition de la compagnie minière.

L'autre sur les provisions inscrites en 2010 et 2011 par Areva, les magistrats soupçonnant d'anciens responsables de les avoir sous-évaluées dans les comptes pour masquer l'effondrement de la valeur d'Uramin.

Depuis 2016, dans ce volet, ils ont mis en examen Anne Lauvergeon et Gérald Arbola (ex-numéro 2) pour "présentation de comptes inexacts" et "diffusion de fausses informations" ainsi qu'Alain-Pierre Raynaud (ex-directeur financier) pour "complicité". L'ex-patron de la filiale des mines, Sébastien de Montessus et son directeur financier d'alors, Nicolas Nouveau, échappent à toute poursuite.

En mars 2017, les magistrats Renaud Van Ruymbeke, Claire Thépaut et Charlotte Bilger annoncent la fin de leurs investigations dans ce volet. Mais à l'époque, en coulisses, une bataille oppose les juges au parquet national financier (PNF), qui réclame d'autres mises en examen.

Face aux refus des juges, le PNF avait fait appel. Résultat: en octobre dernier, la cour d'appel de Paris fait "injonction" aux juges de reconvoquer les protagonistes, selon des sources proches du dossier.

Au final, les juges se sont résolus depuis avril à procéder à ces nouvelles mises en examen, selon des sources concordantes. "Une situation ubuesque", dénonce un avocat de la défense.

Deux ans après la clôture des investigations, Sébastien de Montessus et Nicolas Nouveau sont donc à leur tour poursuivis pour "complicité".

- Entrave ? -

"Le comportement" de M. de Montessus "caractérise une pleine participation" aux infractions reprochées à Anne Lauvergeon, justifiait le PNF dans son réquisitoire du 5 mai 2017, écarté par les juges.

Autre sujet de friction: le parquet soutenait la thèse que certains dirigeants d'Areva avaient caché des informations - notamment des notes de la division mines sollicitant de très lourdes dépréciations des actifs Uramin - aux commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes du groupe.

Anne Lauvergeon "a eu connaissance de ces entraves (...) et les a même encouragées", estimait le ministère public, réclamant sa mise en examen pour "entrave" aux missions des commissaires aux comptes. Là encore, les juges s'y étaient opposé, considérant que les experts de l'audit "ont eu accès à tous les documents légaux".

Finalement mise en examen début juin, Anne Lauvergon a balayé les accusations, dans une déclaration dont a eu connaissance l'AFP. "Je n'ai jamais participé, ni ne suis intervenue (...), dans le processus de vérification et contrôle des commissaires aux comptes", a-t-elle martelé devant les magistrats, contestant aussi avoir donné "la moindre instruction (...) de dissimuler" des informations.

Quatre autres responsables ont été mis en examen du même chef: Sébastien de Montessus, Nicolas Nouveau, Gérard Arbola et Thierry Noircler, ancien responsable de l'audit du groupe. Alain-Pierre Raynaud doit encore être convoqué.

"Nous prenons acte de l'opposition persistante entre le parquet et les juges d'instruction qui fait la démonstration de la très grande fragilité des accusations portées depuis cinq ans", ont commenté auprès de l'AFP Jean-Pierre Versini-Campinchi et Fanny Colin, avocats d'Anne Lauvergeon.

La décision sur un éventuel procès est en tout cas remise à plus tard: saisie par les protagonistes, la cour d'appel devra se prononcer sur la régularité de ces mises en examen. Une étape qui ne devrait pas se tenir avant des mois.

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