Rhône décarbonation : l'ambitieux projet pour capter et stocker du CO2 de la plus grande cimenterie de France

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Décarbonation de l'industrie

Les millions de tonnes de CO2 qu'elle relâche dans l'atmosphère pourraient disparaître, enfouies sous la Méditerranée: la plus grande cimenterie de France, située en Isère (sud-est), prépare sa mue en industrie "zéro émission" à l'horizon 2030.

L'un des 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2

L'usine du cimentier français Vicat, posée au bord du Rhône dans le village de Montalieu-Vercieu à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Lyon, se classe parmi les 50 sites industriels les plus émetteurs de dioxyde de carbone du pays.

Coiffée d'une haute cheminée, elle se compose de silos de toutes les tailles et d'un four rotatif atteignant les 1 450°C où se consume 24h/24 toute une variété de combustibles, charbon et biomasse mais aussi une part croissante de déchets: pneus broyés, vieux meubles ou farines animales. L'air y est imprégné de fine poussière grise, inlassablement lavée au sol par des camions balais.

Un vieux gazoduc reconverti en « carboduc »

Le site quasiment centenaire est aujourd'hui au cœur d'un vaste projet visant à capturer puis évacuer le CO2 lié à sa production via un vieux gazoduc reconverti en "carboduc" et offrir au passage le même service à d'autres entreprises tout au long de la vallée du Rhône.

Arrivé à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), le gaz serait liquéfié pour être transporté par bateau puis "définitivement" stocké dans des fosses géologiques exploitées par le groupe ENI au large de l'Italie.

Baptisé "Rhône décarbonation", le projet dont le coût est évalué entre 1 et 1,5 milliard d'euros a pour particularité d'offrir une nouvelle vie à des infrastructures déjà existantes, notamment une portion de gazoduc de quelque 300 km et un terminal méthanier à Fos-Tonkin.

Un « petit bonus » sur le marché des ciments bas carbone

Outre Vicat, le projet est porté par des co-maîtres d'ouvrage : la société de pipeline SPSE, l'exploitant du terminal de Fos-Tonkin Elengy et le gestionnaire du réseau de transport électrique RTE.

Ils ambitionnent de convoyer annuellement 4 millions de tonnes de CO2, dont 1,2 million pour Vicat. D'autres cimentiers préparent des projets similaires mais à l'heure actuelle, seule la Norvège dispose d'une unité déjà opérationnelle de ce type.

Vicat, qui prévoit d'investir entre 600 et 900 millions d'euros et mise aussi sur des financements français et européens, a lancé ses études il y a deux ans et prévoit une "décision d'investissement" fin 2027 pour une mise en service trois ans plus tard. "2030, à l'échelle industrielle, c'est demain. On ne va pas le cacher. C'est ambitieux", souligne Christian Daumarie, directeur du programme.

L'idée est d'arriver au plus vite sur le marché des ciments bas carbone car "les premiers auront un petit bonus" grâce à l'évolution attendue de la réglementation sur l'usage des bétons et ciments, explique-t-il à l'AFP.

Pas d'autre solution pour des industries difficiles à décarboner

Pour Jean-Michel Fourniau, l'un des trois garants de la Commission nationale du débat public (CNDP) pour la concertation préalable menée au printemps sur le projet Rhône décarbonation, l'industrie cimentière n'a de fait "pas d'autre solution que de se décarboner".

Une nécessité liée, selon lui, à la hausse attendue du coût des émissions sur le marché des quotas carbone et l'évolution des normes européennes qui "imposent d'ici 2031 une réduction massive de l'empreinte carbone dans la construction, et donc l'utilisation de bétons bas-carbone".

"On voit monter depuis deux ans cette question du captage, du stockage du carbone parce que, dans la perspective du zéro carbone en 2050, pour ce type d'industrie, il n'y a pas d'autre solution que de le capter et de l'enfouir", a-t-il dit à l'AFP.

7% des émissions mondiales de CO2

Le captage et stockage de dioxyde de carbone (CCS) est cité par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) parmi les solutions pour réduire l'empreinte d'industries difficiles à décarboner telles que les cimenteries, responsables à elles seules de 7% des émissions mondiales de CO2.

La zone industrialo-portuaire de Fos, deuxième zone industrielle la plus polluante de France après Dunkerque, a elle aussi amorcé une profonde transformation pour sauvegarder son tissu industriel tout en la décarbonant, et accueille des dizaines de projets.

Tel qu'annoncé, le chantier Rhône décarbonation apparaît "plutôt vertueux", estime Philippe Chamaret, directeur de l'Institut Ecocitoyen, implanté depuis 2010 à Fos-sur-Mer. Mais "qu'est-ce que ça va représenter en termes d'énergie de transporter tout ce dioxyde de carbone ? Il est issu de la production d'énergie et on va dépenser encore plus d'énergie pour s'en occuper", relève-t-il.

Commentaires

DI STEFANO
Bonjour, c'est très bien de vouloir être vertueux, cependant il va falloir comprimer le CO2 pour l'acheminer par l'ancien gazoduc jusqu'au terminal. Le CO2 est très corrosif, est ce que les compresseurs, la métallurgie du gazoduc/ équipements du terminal seront compatible avec le CO2 comprimé?
Vincent
Vous pensez vraiment, sérieusement, que les ingénieurs qui s'occupent de ce dossier n'ont pas regardé ces points là ?
Vincent
"qu'est-ce que ça va représenter en termes d'énergie de transporter tout ce dioxyde de carbone ? Il est issu de la production d'énergie et on va dépenser encore plus d'énergie pour s'en occuper" Incroyable cette phrase.
  1. Il s'agit d'une cimenterie, pas d'un site de production d'énergie. A croire qu'il n'a rien étudié au dossier.
  2. L'énergie consommée pour comprimer et transporter le CO2 est essentiellement électrique. Or nous bénéficions d'une des électricités les plus décarbonées au monde. Donc les émissions associées au transport sont négligeables en comparaison à ce qui va être enfoui.
  3. La décarbonation va passer en grande partie par l'électrification. Aujourd'hui on produit plus d'électricité qu'on en consomme et on en gaspille beaucoup. La problématique actuelle n'est donc pas d'une trop forte demande en électricité mais d'une trop faible, qui traduit une mauvaise trajectoire actuelle de décarbonation
Bref, ce projet est une bonne nouvelle.

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