- Connaissance des Énergies avec AFP
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Ses alliages métalliques sont utilisés dans l'aéronautique et le nucléaire: l'entreprise stratégique Aubert et Duval, en difficulté, devrait rester française, après un accord de rachat par un consortium réunissant Airbus, Safran et Tikehau Ace Capital.
Des négociations étaient en cours depuis des mois entre le groupe minier Eramet, actuel propriétaire, et l'avionneur européen, le motoriste et le fonds d'investissement.
Finalement, les parties ont signé un "protocole d'accord non engageant" pour cette opération, sur la base d'une valeur d'entreprise de 95 millions d'euros, qui "devrait se concrétiser avant fin 2022", a précisé mardi Eramet dans un communiqué.
Les trois partenaires du consortium "visent l'acquisition de la société Aubert et Duval à travers une holding détenue à parts égales créée à cet effet", ont-ils expliqué dans un autre communiqué.
Fondé en 1907, Aubert et Duval se présente comme un "fournisseur stratégique de matériaux et pièces critiques pour des industries particulièrement exigeantes, notamment l'aéronautique, la défense et le nucléaire".
La société revendique un chiffre d'affaires de quelque 500 millions d'euros par an et emploie 3.600 personnes "dont la plupart sont en France".
Les installations d'Aubert et Duval sont principalement situées aux Ancizes dans le Puy-de-Dôme et à Pamiers en Ariège. Le groupe est également présent à l'étranger, en Chine notamment.
Pour les membres du consortium, "cette acquisition permettrait à Airbus et Safran, ainsi qu'aux autres clients d'Aubert et Duval, de sécuriser leur approvisionnement stratégique et le développement de nouveaux matériaux destinés aux programmes d'avions et de moteurs civils et militaires, actuels et futurs".
C'est notamment le cas du Système de combat aérien futur (SCAF), projet franco-allemand censé accoucher du successeur du Rafale.
"Il faut avoir à l'esprit qu'Aubert et Duval, au-delà de son métier de forgeron, est un élaborateur de superalliages pour les moteurs d'avions. Et c'est le seul dans le monde occidental, hormis aux Etats-Unis", a souligné le directeur général de Safran, Olivier Andriès, dans un entretien à l'Usine Nouvelle.
- Redressement nécessaire -
Citant la nécessité de "garantir la souveraineté européenne en matière d'aviation de combat", il a précisé que "nous aurons besoin pour le moteur du futur avion de combat européen, le SCAF, de travailler avec Aubert et Duval, comme cela a été le cas pour le moteur M88 du Rafale".
Selon le communiqué des probables acquéreurs, "cette opération s'intègre aux initiatives de soutien à l'ensemble de la filière aéronautique française prises ces dernières années, notamment la création du fonds Ace Aéro Partenaires, géré par Tikehau Ace Capital" avec la participation financière de l'Etat.
Signe du caractère sensible des activités de l'entreprise, "une action spécifique a été instituée par l'Etat au capital d'Eramet, protégeant certains actifs stratégiques détenus par Aubert et Duval", ont-ils rappelé.
Une "action spécifique" ou "golden share" permet à son détenteur de mettre son veto à certaines opérations comme une cession à un groupe étranger, voire une montée au capital au-delà d'un certain seuil.
"Cette action spécifique sera remplacée par une action de même nature au sein d'Aubert et Duval à la réalisation effective de la transaction", selon la même source.
M. Andriès a prévenu qu'il y aurait "un travail important à effectuer pour assurer le redressement" de l'entreprise, estimant nécessaire d'investir "environ 300 millions d'euros sur cinq ans" pour la moderniser.
"Au vu de l'augmentation d'activité prévue dans l'aéronautique, due à la reprise du trafic aérien, nous devrions parvenir à assurer le redressement de l'activité sans avoir à lancer de plan social", a-t-il assuré.
De son côté, Eramet a indiqué que cette cession s'inscrivait "pleinement dans (sa) feuille de route stratégique", c'est-à-dire "se recentrer sur ses activités amont et se développer dans les métaux pour la transition énergétique".
Le groupe a prévenu que "l'impact comptable de la transaction, estimé à -340 millions d'euros, sera(it) constaté dans le résultat de l'exercice 2021, et sera(it) sans impact sur l'endettement net du groupe au 31 décembre 2021".
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