Un village se déchire en Allemagne sur l'avenir du charbon

  • AFP
  • parue le

"Il n'y a plus de vie de village ici, si une moitié est à un événement l'autre n'y est pas", dit Karin Noack, 41 ans, à Proschim. Faut-il ou pas conserver l'exploitation du charbon ? La question divise profondément ce petit village des confins orientaux de l'Allemagne, menacé d'être rayé de la carte.

"Pourquoi devrait-on partir ? C'est notre village natal, nos traditions, nos maisons. C'est ici que nous avons grandi !", s'insurge Sybille Tetsch, 48 ans, qui tient un restaurant à Proschim depuis quatre ans. L'énergique quadragénaire est revenue dans son village natal pour tenter de le sauver d'un éventuel engloutissement.

Depuis des années, les habitants de ce village de 300 âmes, situé dans l'État régional du Brandebourg frontalier de la Pologne, vivent la peur au ventre: et si la mine de lignite de Welzow-Süd, qui jouxte quasiment leurs maisons, était agrandie ?

Le groupe d'énergie Leag, qui exploite le site, ne doit rendre sa décision définitive que l'an prochain. L'Allemagne s'achemine certes vers une sortie complète du charbon pour sa production d'électricité, suite à un accord en ce sens conclu ce week-end. Mais elle sera très progressive et achevée en 2038.

« Une seule réponse »

Pour Mme Tetsch et d'autres militants, il n'existe qu'une seule réponse possible: le maintien du village et le renoncement à l'agrandissement de la mine. Mais dans le village où chaque foyer a au moins l'un de ses membres travaillant dans le secteur, l'avenir du charbon est un sujet explosif qui fragmente les familles et sépare les amis.

Dans cette région du Lausitz, 8 000 personnes travaillent directement dans cette industrie et toute leur vie a été jusqu'ici rythmée par elle. Les origines du charbon dans l'arrondissement de Welzow, auquel appartient Proschim, remontent à la fin du 19e siècle lorsque l'un des 260 habitants qui vivaient là a extrait du sol un morceau de lignite.

Tiraillements

Dans les foyers, le charbon est souvent un sujet tabou. "Je suis le mouton noir de la famille", lâche Mme Noack qui se bat aujourd'hui pour sauver le village dans lequel elle est née et a grandi. "Ils ne disent pas: elle s'attaque à notre travail mais elle s'attaque à notre famille".

Dans le bureau de la maire de l'arrondissement, Birgit Zuchold, la décoration témoigne de l'importance du charbon: des bibelots sur ce thème ont trouvé leur place à côté d'un wagon miniature rempli de charbon. "C'est tout à fait normal pour nous d'être toujours entourés par la lignite et c'est avec le charbon que Welzow a trouvé son identité", juge Mme Zuchold.

Son mari et son fils sont des mineurs et aucun des deux n'a jusqu'ici songé à chercher un autre emploi. "Ils font un bon travail tous les jours malgré des conditions difficiles", souligne l'élue. "Cette technique est-elle aussi sale qu'on le dit ? Ou existe-t-il d'autres intentions ?", s'interroge l'édile.

Mmes Tetsch et Noack éprouvent de l'admiration pour ces mineurs mais devant l'importance prise par les énergies renouvelables, l'extraction du charbon "n'est plus aujourd'hui une nécessité". "Autrefois ils disaient que nous allions extraire du charbon pour produire de l'électricité, mais aujourd'hui nous extrayons du charbon pour avoir du travail", estime Sybille Tetsch. "Cela ne peut pas durer ainsi".

Des dizaines de villages de la région ont été détruits par des pelleteuses et rayé de la carte à cause du charbon. Déambulant à travers ce qui fut le village voisin, Haidenmühl, Sybille Tetsch désigne du doigt la carcasse d'un bâtiment. "Ici c'était mon école", explique-t-elle.

« Coeur brisé »

"Les plus âgés retournent voir leurs anciennes maisons jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un arbre et ils meurent le coeur brisé", regrette-t-elle.

La maire Birgit Zuchold n'est pas du même avis. Pour elle, certains sont très heureux d'avoir une nouvelle maison. Elle voit aussi les transformations du paysage provoquées par l'exploitation des mines "d'une manière positive".

Avec son équipe, elle a même développé des idées sur ce que pourrait devenir le site de Welzow-Süd après la fin de l'exploitation minière. Elle imagine bien de nouvelles habitations et un parc de mountain bike à la place de ce qui ressemble à l'heure actuelle à un paysage lunaire.

Commentaires

AtomicBoy44

"Cette technique est-elle aussi sale qu'on le dit ?"

Bien plus encore que ce que les Français imaginent. Ceci malgré ce qui a été raconté dans germinal.

" Ou existe-t-il d'autres intentions ?"

C'est certainement le cas en effet. Le gaz russe en est probablement la première cause. Qu'elle demande des comptes à Mr Schroeder chez gazprom pour voir .

"Mmes Tetsch et Noack éprouvent de l'admiration pour ces mineurs mais devant l'importance prise par les énergies renouvelables, l'extraction du charbon "n'est plus aujourd'hui une nécessité". "'

Eh bien si Mmes Tetsch et Noack pensent ainsi, c'est parce que le cérébrolessivage intensif pratiqué depuis 20 ans sur le sujet de l'électricité est totalement biaisé.
C'est exactement le contraire des réalités de ce qu'elles pensent. Plus il y a d'éolovoltaique en Allemagne, et plus les combustibles fossiles sont nécessaires.

IL EST ABSOLUMENT IMPOSSIBLE de remplacer la production électrique de base par une production électrique intermittente et fatale. dans le meilleur des cas cette production servira les particuliers et UNIQUEMENT les particuliers. AUCUNE ENTREPRISE ne peut se permettre d'etre soumise aux aléas climatiques. Or, nous savons tous que l'industrie, en particulier automobile, est loin d'être négligeable en Allemagne puisque c'est le principal moteur industriel de l’Europe toute entière !

Conclusion : plus ils installeront d'ENRI fatales, et plus ils seront obligé de conserver des centrales fossiles. Probablement que les remplacer par des CCGV gaz leur fera gagner des émissions de CO2, mais moins de 30% en moyenne, et cela leur coutera bcp plus cher que le lignite de leur sous-sol ou même les 50% de charbon étasunien importé chaque année. le tout avec un risque augmenté par les gazoducs et une dépendance totalement soumise a la Russie et/ou aux USA.
Les mass-médias, l'AFP en particulier va nous abreuver chaque jour d'une nouvelle qui insiste que le fait que l'allemagne va sortir du charbon et vanter l'EnergieWende qui est un échec total depuis 20 ans...Avec un tache de fond l'idée que c'est possible de sortir du nucléaire, du charbon et des fossiles en les remplaçant par des ENRi, éolovoltaique en particulier, mais il faudra simplement surveiller des sites comme électricitymap.org pour s'apercevoir que le gaz va remplacer le charbon. Et c'est bien le but de Nord Stream 2.

Ajouter un commentaire

Suggestion de lecture