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Les États-Unis entendent maintenir la pression sur le président vénézuélien Nicolas Maduro, dont ils contestent la réélection, frappant ses soutiens de sanctions, mais ils se gardent de serrer davantage la vis au secteur pétrolier à moins de deux mois de l'élection américaine.
Rappel des sanctions
L'industrie pétrolière vénézuélienne est sous le coup de sanctions américaines depuis 2019. Washington les a partiellement levées en octobre 2023 pendant six mois, après un accord entre pouvoir et opposition fixant notamment la date de l'élection présidentielle. Elles ont été réimposées en avril après la confirmation de l'inéligibilité de la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado.
Les États-Unis exigent désormais que les entreprises souhaitant opérer ou continuer à opérer dans le pays demandent des licences individuelles auprès de Washington. C'est le cas de l'Américain Chevron, de l'Espagnol Respol ou du Français Maurel & Prom.
Jeudi, le gouvernement américain a frappé de sanctions des hauts fonctionnaires proches de Maduro pour "fraude électorale", dont le juge et le procureur qui ont émis un mandat d'arrêt contre l'opposant Edmundo Gonzalez Urrutia, réfugié en Espagne. Washington accuse le président Maduro d'avoir volé l'élection du 28 juillet et de chercher à "s'accrocher au pouvoir par la force", mais s'abstient pour l'instant de renforcer ses sanctions sur le pétrole.
« Plus d'immigrés vénézuéliens »
Le gouvernement américain "est très prudent dès lors qu'il s'agit de toucher aux licences détenues principalement par Chevron", souligne à l'AFP Francisco Monaldi, directeur de programme au Baker Institute de l'université Rice au Texas. Le retour à une politique de "rétablissement de toutes les sanctions pourrait avoir un impact sur l'économie vénézuélienne et cet impact pourrait finir par générer plus d'immigrés en provenance du Venezuela", note-t-il.
Or, le sujet est explosif dans le cadre de la présidentielle aux États-Unis opposant l'ancien président républicain Donald Trump à la vice-présidente démocrate Kamala Harris. Sept des 30 millions de Vénézuéliens ont fui depuis que le Venezuela a vu son économie dévastée par la crise et son PIB se contracter de 80% en dix ans.
Mais il y a une autre raison, selon M. Monaldi : les Américains "pensent que dans le passé cela n'a pas été efficace pour amener le gouvernement vénézuélien à négocier".
Liens étroits entre Russie et Venezuela
D'autres variables sont aussi en jeu. L'espace laissé par la compagnie pétrolière américaine Chevron pourrait être occupé par la Russie ou la Chine, prompts à profiter de la manne pétrolière dans ce pays qui possède les plus grandes réserves estimées de pétrole au monde.
La Russie et le Venezuela entretiennent des relations étroites, et le président Vladimir Poutine a invité M. Maduro au sommet du bloc des pays émergents des Brics, prévu en octobre dans la ville russe de Kazan.
À Washington, la prudence est de fait de mise. Des responsables américains reconnaissent en privé que leur marge de manoeuvre pour changer le cours des choses reste limitée, même s'ils disent disposer encore d'"une série d'options".
"Nous suivons de très près les développements politiques et économiques au Venezuela et nous nous engageons à calibrer notre politique de sanctions de manière appropriée en réponse à la fois aux faits sur le terrain et aux intérêts nationaux plus larges des États-Unis", a déclaré à des journalistes jeudi un responsable sous couvert d'anonymat.
Attendre le résultat de l'élection présidentielle le 5 novembre
En attendant, des élus font pression. Le président de la commission judiciaire du Sénat, le démocrate Dick Durbin, a présenté cette semaine une proposition de loi visant à mettre fin à "toute coopération pétrolière" avec le Venezuela. "Le régime de Maduro s'accroche au pouvoir grâce aux revenus du pétrole avec l'implication des États-Unis", a-t-il dit.
Et dans un récent éditorial, le quotidien Washington Post a estimé que "les États-Unis et leurs alliés peuvent et doivent imposer de nouvelles sanctions sévères, ciblant la bouée de sauvetage économique que M. Maduro tire de la production de pétrole".
L'expert Francisco Monaldi en doute cependant, estimant devoir attendre le résultat de la présidentielle du 5 novembre.
Il pourrait y avoir "une nouvelle politique, surtout si Trump gagne", ajoute-t-il cependant. L'ancien président avait imposé en 2019 une batterie de sanctions au pays caribéen, dont un embargo sur le pétrole et le gaz, pour tenter d'évincer du pouvoir le président Maduro, sans succès.