
Station de recharge de voitures électriques de Bump au Segro Park de Dugny en Seine-Saint-Denis. (©Bump)
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a opportunément publié début septembre un document pour « démêler le vrai du faux » avec dix questions clés suscitant des débats autour de l'énergie. De nombreuses contre-vérités sont également fréquemment diffusées sur les véhicules électriques.
Connaissance des Énergies a fait réagir Clément Molizon, délégué général de l'Avere-France (association nationale pour le développement de la mobilité électrique)(1), sur quelques idées reçues concernant la mobilité électrique des particuliers en France.
« Les voitures électriques ont une faible autonomie et sont destinés à de petits trajets »
L'autonomie fait toujours partie du top 3 des préoccupations des personnes ne possédant pas de véhicule électrique, avec le prix d'achat et la recharge. L'autonomie moyenne des voitures électriques aujourd'hui en circulation en France avoisine 350 km en conditions réelles mais certains modèles dépassent déjà les 500 à 600 km d'autonomie. En 2030, c'est l'autonomie moyenne de voitures électriques qui devrait atteindre 500 km, selon les prévisions de l'AIE.
À fin août 2025, la France comptait 177 180 points de recharge accessibles sur la voirie publique(2), réparties entre 52 920 stations, soit 5 fois plus que de stations-service sur le territoire. C'est le 3e plus grand réseau de recharge en Europe. Celui-ci est certes hétérogène, avec moins de bornes de recharge dans certaines zones moins peuplées, avec moins de tourisme ou d'attractivité économique(3). Toutefois, l'usage du terme « zones blanches » traduit mal les réalités, notamment car il ne prend pas en compte la recharge à domicile ou en entreprise. Dans les territoires ruraux avec moins de bornes, il y a par ailleurs davantage de maisons individuelles pouvant disposer d'une recharge à domicile.
Le taux de disponibilité technique, parfois mis en cause, atteint 93% en 2025(4), soit 10 points de plus qu'il y a deux ans grâce au travail des opérateurs. Avec un parc automobile de près de 1 540 000 voitures 100% électriques (2 330 000 en incluant les véhicules hybrides), le réseau est très loin de la saturation. En pleine période estivale au mois d'août 2025, une borne en France effectuait en moyenne 31 recharges, un niveau qui n'a jamais été aussi élevé. Sur l'autoroute, ce niveau a dépassé les 80 recharges en moyenne au cours du mois mais on est loin d'une situation tendue à la maille du réseau.
- La consommation moyenne des voitures électriques est de 19 kWh pour 100 km (13 à 15 kWh/100 km pour une citadine et vers 20 kWh/100 km pour une berline).
- En août 2025, la consommation moyenne par point de charge en France a atteint 639 kWh (2 150 kWh par station). À l'échelle nationale, 113 GWh ont été consommés sur l'espace public durant ce mois pour la recharge de véhicules électriques.
« Une voiture électrique ne présente pas forcément un meilleur bilan carbone qu'un véhicule thermique »
Sur tout le cycle de vie d'un véhicule, de la production au recyclage, le bilan carbone d'une voiture électrique est 2 à 3 fois meilleur par rapport à son équivalent thermique. En France avec un mix électrique très bas carbone, on estime que la réduction d'émissions de CO2 est de 70 à 80% mais elle atteint encore 30 à 33% pour un pays comme la Pologne.
Une voiture électrique engendre d'importantes émissions de CO2 lors de sa construction, puis quasiment plus, tandis qu'une voiture thermique engendre des émissions moyennes lors de sa fabrication, puis tout au long de sa vie. On estime que les courbes se croisent et que la dette carbone du véhicule électrique est remboursée à partir de 40 000 km, un « kilomètre pivot » atteint au bout de 4 ans environ, sachant qu'une voiture parcourt en moyenne 11 000 km par an.
Or, une voiture électrique a une durée de vie de 15 à 20 ans. Le bilan reste très favorable pour les « seconds » véhicules parcourant moins de kilomètres chaque année.
Près de la moitié des propriétaires de voitures électriques ont également un véhicule thermique. Parmi ceux-ci, 70% privilégient désormais la voiture électrique comme principal véhicule. Et on compte de plus en plus de multipossesseurs de voitures électriques en France : 14% des conducteurs de voitures électriques désormais possèdent plusieurs véhicules électriques.

La Renault 5 E-Tech est de loin la voiture électrique la plus vendue en France au 1er semestre 2025, avec 15 752 immatriculations. (©RECOM)
« Les voitures hybrides rechargeables sont une solution suffisante pour réduire les émissions »
Les voitures hybrides rechargeables (PHEV) peut constituer une technologie de transition permettant à certains de mettre un pied dans l'électrification en cas de « peur de la panne », mais elle est bien plus exigeante et nécessite des recharges très régulières pour utiliser son plein potentiel, notamment en matière d'émissions.
Or, ces véhicules plus lourds, « désoptimisés » en quelque sorte, sont très peu utilisés en mode électrique selon les différentes études : de 40% à 50% pour les véhicules particuliers et seulement de 10% à 15% pour les flottes en entreprises. Les premiers permettent ainsi une réduction de l'ordre de 25% des émissions de CO2 par rapport aux équivalents thermiques mais les voitures en entreprises sont en moyenne 15% plus émissives au cours de leur vie.
Selon une étude que vient de publier T&E (l'ONG Transport & Environment)(5), les véhicules hybrides rechargeables émettent in fine 5 fois plus en circulation (139 g CO2/km) que leurs émissions supposées lors des tests (28 g CO2/km) en raison de la trop faible utilisation du mode électrique. Face à ce constat, il faut arrêter les frais ou encadrer l'utilisation de ces véhicules.
« Les véhicules électriques sont plus chers que les voitures thermiques »
La parité prix entre voiture électrique et équivalent thermique sera probablement atteinte d'ici à la fin de la décennie mais il existe encore un surcoût à l'achat actuellement. Celui-ci diffère beaucoup selon les segments de véhicules. Pour les segments A (mini-citadines) et B (citadines), le surcoût avoisine encore plus ou moins 10 000 € sans tenir compte des aides : ces voitures électriques étaient encore 39 à 44% plus chers en 2024 malgré une baisse de 8 points par rapport à 2023.
Pour les plus grandes voitures, le constat est très différent. Les véhicules du segment C (berlines compactes) étaient en moyenne 4% plus chers que leurs équivalents thermiques et celles du segment D (berlines « familiales ») étaient même 4% moins chères... principalement en raison de la politique de prix très agressive de Tesla.
Ce constat n'est pas illogique car les constructeurs de voitures électriques ont beaucoup investi sur les modèles de berlines tandis que la pression concurrentielle restait jusqu'à peu beaucoup plus faible sur les segments A et B qui constituent pourtant les deux tiers du marché automobile. Cela va toutefois changer avec l'arrivée de nouveaux modèles, comme la R5 électrique.
Si les particuliers regardent surtout le coût d'achat, il faut toutefois raisonner en coûts globaux comme les entreprises. Or, tous usages intégrés, une voiture électrique permet d'économiser plus de 1 500 € par an. En incluant les différentes aides (bonus écologique et prime complémentaire exceptionnelle annoncée récemment), l'achat d'un véhicule électrique de segment B peut ainsi être amorti en 3 ans.
Le budget carburant est divisé par 3 en moyenne et les coûts d'entretien sont réduits de 20% à 40%. Les premières analyses du coût de l'assurance présentent des résultats peu exploitables avec des écarts considérables et il convient donc de tester plusieurs assurances.
« Le prix de la recharge sur les bornes publiques est très élevé et va augmenter avec une plus forte fiscalité »
L'Avere publie tous les semestres depuis 3 ans un rapport sur le prix de la recharge. Les modes de tarification sont très différents d'une station à une autre mais on considère qu'un utilisateur « classique » va payer entre 20 et 30 € par mois pour ses recharges publiques et un « gros rouleur » entre 85 et 95 € par mois.
Il faut rappeler que les détenteurs de voitures électriques ne disposant pas de recharge à domicile ou sur leur lieu de travail est faible. En incluant le prix de la recharge à domicile (revenant à 2 à 3 € pour 100 km de circulation), le budget carburant d'un conducteur « moyen » de véhicule électrique avoisine 500 € par an, contre 1 500 € par an pour le même profil avec une voiture thermique.
En matière de fiscalité, on annonçait déjà une forte hausse affectant la recharge lorsque la première ZOE a fait son premier kilomètre il y a plus de 10 ans. Rapportée à son bilan carbone, l'électricité est déjà bien plus taxée que les carburants fossiles, ce qui souligne l'inadéquation de la fiscalité aux enjeux climatiques(6).
La consommation d'énergies fossiles creuse notre déficit commercial de près de 60 milliards d'euros par an. De nouvelles taxes sur l'électricité peuvent naturellement être annoncées, mais la France devrait davantage se concentrer sur la trajectoire d'électrification alors que nous sommes déjà en retard, avec une production élevée par rapport à la demande.
« Les batteries ont une courte durée de vie et elles sont vulnérables face aux variations de températures »
La durée de vie des batteries de véhicules électriques fait partie des grands clichés sur les véhicules électriques. Leur durée de vie moyenne pour l'usage automobile avoisine 15 ans, en considérant qu'une batterie reste viable jusqu'à 70 à 80% de capacité initiale. Avec des petits gestes du quotidien, comme le fait de ne pas recharger à chaque fois sa batterie à 100% ou de privilégier des recharges lentes lorsque c'est possible, permet de prolonger cette durée de vie sans problème jusqu'à 20 ans.
Après cette première vie, les batteries de véhicules électriques peuvent être extraites pour une seconde vie, typiquement pour du stockage d'électricité provenant de moyens de production intermittents et elles contribuent alors encore à la flexibilité du système électrique. Elles peuvent même connaître une troisième vie. Ce n'est qu'autour de 25 ans d'usage qu'on constate encore des « morts subites » des batteries, avec des dégradations très rapides.
Quant à la sensibilité aux températures extrêmes, elle ne constitue pas un frein important à la mobilité électrique, comme le montre son importance en Norvège (près de 90% des ventes de voitures neuves sont électriques). Le grand froid, à près de - 10°C, ralentit certes les relations électrochimiques et réduit l'autonomie. Les canicules, au-dessus de 40°C, n'interviennent pas sur l'autonomie mais peuvent dégrader les batteries. Les batteries comportent toutefois de nombreux capteurs et les « BMS » (battery management systems) permettent de gérer ces contraintes.




