La filière nucléaire revoit à la hausse ses perspectives de croissance au niveau mondial

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Centrale nucléaire de North Anna

Aux États-Unis, le groupe Dominion Energy a annoncé qu'il allait demander en 2021 une licence d'exploitation jusqu'à 80 ans pour sa centrale de North Anna. (©Dominion Energy)

Dans un rapport publié ce 5 septembre(1), l’Association mondiale du nucléaire (WNA) révise à la hausse ses projections de développement de la filière, pour la première fois depuis 8 ans. Explications.

Des politiques « plus favorables » dans plusieurs pays

Au 5 septembre 2019, le parc nucléaire mondial compte 450 réacteurs « opérationnels » d’une puissance cumulée de 399,7 GW selon les dernières données de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)(2). Il contribue pour « environ 10% de la production annuelle d’électricité » dans le monde.

La WNA présente dans son nouveau rapport trois scénarios de développement de ce parc d’ici à 2040 : un scénario « bas » de quasi-stagnation de sa puissance installée (402 GW nucléaires en 2040), un scénario « de référence » envisageant une progression des capacités jugée « modérée » (569 GW, soit + 42% par rapport à aujourd’hui) et un scénario « haut » prévoyant un quasi-doublement de ces capacités (776 GW).

Pour la première fois depuis l’accident de Fukushima Daiichi en mars 2011, la WNA témoigne d'« une tendance positive dans ses nouvelles projections » de développement du nucléaire. L'organisation représentant la filière fait état de politiques « plus favorables », notamment dans les 2 pays disposant des plus grands parcs nucléaires au monde :

  • aux États-Unis (97 réacteurs, de 98,4 GW de puissance cumulée au 5 septembre 2019), certains États « commencent à adopter des mesures favorables à la poursuite de l’exploitation des réacteurs en service, reconnaissant leur rôle précieux dans la fourniture d’électricité à faibles émissions de carbone » selon la WNA. De nouvelles procédures permettent de prolonger la durée d'exploitation des réacteurs américains jusqu’à 80 ans auprès de la Nuclear Regulatory Commission (NRC)  ;
  • en France (58 réacteurs, 63,1 GW), l’objectif de réduire à 50% la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité (contre 71,7% en 2018(3)) a été reporté de 2025 (cible inscrite dans la loi de transition énergétique de 2015) à 2035.

Mais c’est surtout le développement de nouveaux marchés pour la filière nucléaire qui est jugée encourageant par la WNA. Cette dernière souligne les grands programmes de développement en Chine (qui pourrait compter 164 réacteurs nucléaires en 2040 selon le scénario de référence de l'organisation, contre 45 à l’heure actuelle) et en Inde (57 réacteurs en 2040 au lieu de 22 aujourd’hui). La WNA souligne en outre « l’amélioration des perspectives » dans de nombreux autres pays, avec de nouveaux arrivants sur ce marché (Turquie, Bangladesh, Égypte) et d’autres témoignant un intérêt pour le recours à l'énergie nucléaire (Ouzbékistan, Kazakhstan, Pologne).

Capacités nucléaires d'ici 2040
Selon le scénario de référence de la WNA, la puissance installée du parc nucléaire chinois pourrait notamment quadrupler d'ici à 2040. (©Connaissance des Énergies, d'après WNA)

Un objectif de 25% de nucléaire dans le mix électrique mondial « avant 2050 »

Au titre notamment de la lutte contre le réchauffement climatique, la WNA promeut comme objectif de porter à 25% la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité « avant 2050 » (contre environ 10% ces dernières années). Cette ambition - dévoilée à travers une initiative baptisée « Harmonie » par l’association - supposerait toutefois « une montée en puissance des nouvelles constructions nucléaires plus rapide que le scénario haut » présenté dans le rapport.

Dans le contexte d’un développement important de la filière nucléaire, la WNA alerte sur la nécessité de disposer de quantités d’uranium suffisantes et de capacités d’enrichissement et de fabrication du combustible ainsi que de solutions pour traiter le combustible usé adaptées.

Or, la WNA rappelle que le marché de l’uranium se caractérise par une offre excédentaire depuis plusieurs années, situation qui a entraîné « une réduction considérable de la production d’uranium dans les mines existantes et une forte diminution des investissements ». Pour atteindre l’objectif de 25% de nucléaire dans le mix électrique mondial, la capacité de production de tous les projets miniers connus (en cours, en développement ou à l'étude) devrait « au moins être doublée », estime ainsi la WNA.  Les ressources ne sont « pas un facteur limitant » mais les investissements devraient ainsi fortement augmenter.

À long terme, la WNA remarque par ailleurs que le développement de réacteurs nucléaires de 4e génération « autour de 2040 » pourrait entraîner « des changements fondamentaux dans le paysage du combustible nucléaire » : le cycle du combustible nucléaire pourrait être fermé dans des réacteurs qualifiés de « brûleurs » pouvant apporter une solution aux « stocks substantiels de combustible nucléaire usé, de plutonium et d’uranium appauvri ».

Pour rappel, le charbon reste de loin la première source d'électricité au niveau mondial à l'heure actuelle (38% du mix de production en 2018).

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