
Parc éolien dans les Ardennes (©Engie Green)
L'Académie des technologies « sonne l'alerte [...] face au ralentissement préoccupant de la baisse des émissions de gaz à effet de serre » dans un nouvel avis publié ce 31 octobre (consultable en bas de cet article). Des recommandations y sont entre autres émises sur la 3eprogrammation pluriannuelle de l’énergie (dite « PPE3 ») qui n'a toujours pas été publiée à ce jour. Morceaux choisis.
Rappels sur la PPE3
Une première version de la PPE3 a été mise en consultation fin 2024, suivie d'une version révisée en mars 2025. Entre les deux versions, des modifications ont été apportées, avec entre autres une réduction des objectifs d’installation d’énergie solaire ainsi que d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène aux horizons 2030 et 2035.
L'Académie des technologies réagit, dans son avis, à cette deuxième version de la PPE3 (« sauf si certains éléments ne figurent que dans la première »). Elle rappelle que la nouvelle feuille de route « diffère essentiellement des PPE précédentes par l’introduction d’un programme de production électronucléaire important qui vient s’ajouter à des objectifs également ambitieux concernant les énergies renouvelables ».
Un horizon trop rapproché
Les documents relatifs à la PPE3 et à la SNBC3 rendus publics « ont comme horizon 2030 (2035 pour l’énergie), ce qui est très court alors que les principaux objectifs sont à l’horizon 2050. Leur version définitive devrait considérer cet horizon », juge l'Académie des technologies.
Outre la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'avis souligne que la PPE3 mentionne deux autres objectifs de la politique énergétique : la souveraineté et la compétitivité qui ne « sont cependant pas précisément définis ni quantifiés par cette PPE, mais devraient nécessairement être pris en compte dans la construction d’une stratégie énergétique ».
Efficacité énergétique
L'Académie des technologies note que la directive européenne sur l’efficacité énergétique (DEE) vise une baisse de la consommation d’énergie finale en 2030 « pour atteindre, en France, 1243 TWh selon le périmètre DEE ; mais les modélisations de la PPE3 ne permettent d’atteindre que 1 381 TWh selon ce même périmètre, soit un dépassement très significatif de 138 TWh (la référence est 1756 TWh en 2012) ».
Alors que le rythme de réduction de la consommation finale en France avoisinait 22 TWh par an depuis 2012, l'avis souligne que - pour atteindre l'objectif de 2030 - ce rythme de baisse devrait approximativement doubler sur la période 2023-2030.
Nucléaire
En 2024, le nucléaire a compté pour près de 67,4% de la production d'électricité en France métropolitaine (avec 361,7 TWh produits), devançant de loin l'hydroélectricité (13,9%), l'éolien (8,7%) et le solaire (4,3%).
La filière est ainsi « depuis plus de trente ans le cheval de labour de la production française d’électricité », constate l'Académie des technologies. L'avis constate que le maintien à son niveau actuel de la capacité de production nucléaire « implique le renouvellement des installations de retraitement-recyclage du combustible et l’anticipation de nouvelles technologies assurant l’utilisation complète de l’uranium et la pérennité de son approvisionnement ».
L'Académie des technologies appelle également la France à « maîtriser la conception de petits réacteurs SMR (Small modular reactors) et AMR (Advanced modular reactors), même si le marché de SMR électrogènes de moyenne puissance (300/600 MW) se situe hors de France ».
Solaire et éolien
Constatant à regret que la demande d’électricité peine à décoller, l'Académie des technologies recommande de « synchroniser le développement des énergies solaires et éoliennes avec la croissance de la demande compte tenu du parc de production bas-carbone existant (nucléaire, hydraulique) ».
En matière d'éolien, l'Académie des technologies réagit à l'objectif de production de 71 TWh pour les installations en mer en 2035 : elle juge nécessaire de « développer l’éolien terrestre et posé en priorité alors que la programmation envisagée laisse une bonne place à l’éolien flottant ».
En complément, l'avis appelle à préciser les besoins de stockage d’électricité et de chaleur ainsi que les flexibilités nécessaires et juge qu'un « recours accru au stockage géologique de CO2 est à prévoir ».
Biomasse et géothermie
Concernant la biomasse forestière, l'Académie des technologies juge que l’hypothèse de très forte croissance des réseaux de chaleur essentiellement alimentés en bois-énergie de la PPE3 (multiplication par 4 entre 2022 et 2035) « n’est pas réaliste et risque, au contraire, de créer une pression insoutenable sur la ressource ».
Alors qu'une hausse du chauffage individuel au bois (bûches ou granulés) est aussi envisagée, l'avis de l'Académie appelle à « mieux orienter la biomasse vers d’autres usages (carburants liquides et gazeux) », des solutions alternatives à la biomasse existant pour le chauffage des bâtiments et des particuliers.
Pour la biomasse gazeuse, la PPE3 prévoit que « l’augmentation des tarifs de rachat permettra d’atteindre l’objectif de 22 TWh de biométhane en 2028 fixé par la PPE250 (7 TWh en 2013), et elle définit un objectif de production de 50 TWh en 2030 dont 44 TWh injectés dans les réseaux », ce qui suppose une très forte accélération à partir de 2028 « qui n’est guère réaliste ». L'Académie des technologies souligne en outre que le soutien au biogaz « coûte à la puissance publique ou aux consommateurs environ le triple du coût du gaz naturel » et que d'autres solutions de décarbonation du chauffage (électricité) devraient être privilégiées à l'injection du biogaz dans les réseaux.
Contrairement à la biomasse forestière, l'Académie des technologies estime que l'ambition retenue dans la PPE3 pour la géothermie de surface et profonde (26 TWh en 2035, contre 5 TWh en 2022) « paraît bien modeste » au regard des ressources françaises estimées par le BRGM (100 TWh).
Rénovation des bâtiments
« Une réforme en profondeur de la filière de la rénovation des bâtiments est impérative », alerte l'Académie des technologies. « Alors que ce secteur offre – avec le transport – le plus grand potentiel de réduction des émissions de GES, le retard accumulé dans l’atteinte des objectifs nécessite de remettre en cause les méthodes et les moyens ».
L'avis recommande entre autres une évolution du diagnostic de performance énergétique (DPE) « qui doit mieux refléter les émissions effectives de CO2 et les coûts pour les résidents » et un soutien renforcé à l’industrialisation de la filière française des pompes à chaleur.

