« La priorité aujourd'hui est d'assurer la souveraineté énergétique »

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Eoliennes

Parc éolien de Catefica au Portugal (©Iberdrola)

Le système énergétique mondial « reste dominé à 86% par le trio pétrole-gaz-charbon », rappelait le cabinet KPMG début septembre à l'occasion de la publication de la 74e édition du Statistical Review of World Energy(1)

Nous avons interrogé à ce sujet Valérie Besson, Associée chez KPMG en France, Responsable France du secteur des Énergies, Ressources Naturelles et Chimie, Responsable Monde Audit du secteur ENRC.

Quels sont les principaux enseignements du dernier Statistical Review of World Energy ?

La demande énergétique mondiale continue d'augmenter avec une croissance qui excède ce que les énergies renouvelables peuvent délivrer : elle a augmenté de 2% en 2024, tirée par les pays en croissance démographique et économique, c'est-à-dire toujours les mêmes pays, à savoir principalement la Chine, l'Inde et le Sud-Est asiatique. En Europe et en Amérique du Nord, cette demande énergétique est en revanche plutôt « flat ».

Toutes les énergies ont vu leur consommation augmenter l'an dernier, y compris le charbon. On assiste notamment à une recrudescence du gaz que l'on percevait comme une énergie de transition et qui, en réalité, s'inscrit plutôt dans un rôle de long terme. La consommation de pétrole s'approche quant à elle d'un plateau, avec une hausse limitée à 0,6% en 2024.

Si les énergies renouvelables ne sont pas en capacité de répondre à la totalité des nouveaux besoins, leur déploiement a atteint un niveau record (avec notamment près de 452 GW de nouvelles capacités solaires photovoltaïques et thermodynamiques dans le monde, soit une hausse de 32% de la puissance mondiale cumulée de cette filière). Certaines contraintes limitent toutefois encore leur développement, surtout en Europe : problèmes d'infrastructures, profitabilité et inflation des taux d'intérêt, acceptabilité, notamment sur l'éolien terrestre...

On note par ailleurs une renaissance du nucléaire, avec notamment des investissements en Chine, en Inde et dans certains pays d'Europe comme la France ou la République tchèque.

Assiste-t-on a une réelle électrification du système énergétique mondial ?

L'électrification progresse très rapidement : la croissance de la consommation d'électricité (+ 4% en 2024) a été deux fois plus rapide que celle de l'ensemble de la demande énergétique l'an dernier. 

Les filières renouvelables ont généré 9 868 TWh d'électricité en 2024 (dont 4 453 TWh grâce à la seule filière hydroélectrique), soit 31,6% de la production électrique mondiale (contre près de 34% pour le charbon).

Cette hausse est beaucoup tirée par la Chine, où l'électrification fait partie de la stratégie nationale d'indépendance et de compétitivité. Elle est en particulier visible avec le développement de la mobilité électrique, un nouveau véhicule sur deux dans ce pays étant électrifié.

Le rapport mentionne toutefois toujours la Chine comme le « colosse du fossile »... 

La Chine a une vision de long terme et travaille en particulier sur son indépendance énergétique, comme le prouvent ses investissements : le pays a installé à lui seul 57% des nouvelles capacités renouvelables en 2024, soit davantage que l'ensemble des autres pays réunis pour la deuxième année consécutive.

Les émissions mondiales de CO2 ont encore augmenté de 1% en 2024. La transition énergétique mondiale est-elle une réalité ou un vœu pieux ?

Dans les faits, la transition énergétique n'est plus l'unique driver pour décarboner les économies. La priorité aujourd'hui est d'assurer la souveraineté énergétique mais on arrive in fine aux mêmes résultats : on va naturellement vers le solaire, l'éolien...

Les énergies renouvelables n'ont compté que pour près de 8,2% de l'ensemble de la consommation mondiale d'énergie primaire en 2024, selon les dernières données de l'Energy Institute Statistical Review of World Energy 2025.

Au vu de l'augmentation des consommations de toutes les énergies, la tendance actuelle remet naturellement en cause les objectifs climatiques.

La contribution de l'hydrogène à cette transition est-elle décevante ?

Ce n'est pas une déception. On a encore beaucoup besoin d'hydrogène pour décarboner les grosses installations industrielles. Si déception il y a, elle concerne peut-être la mobilité. 

Mais le recours à l'hydrogène pour la mobilité lourde et le transport ferroviaire reste une piste intéressante. Concernant l'aéronautique, le projet d’avion à hydrogène européen ZEROe (Zero Emission Aircraft)(2) a récemment été retardé. C'est juste une question de temps et l'hydrogène a toujours sa place dans le paysage énergétique.