Le gaz de schiste américain et la sécurité énergétique en Europe

  • Source : Institut Thomas More

En mai 2016, la ministre française en charge de l’énergie Ségolène Royal a annoncé vouloir interdire les  importations par Engie et EDF de gaz de schiste provenant des États-Unis. Les deux énergéticiens avaient précédemment conclu des contrats d’approvisionnement en GNL (gaz naturel liquéfié) portant sur des cargaisons à livrer à partir de 2018(1). Selon Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More, cette décision serait « funeste » pour la sécurité énergétique européenne.

Dans une note en 10 points clés publiée cette semaine, il rappelle entre autres que l’ouverture d’une route « Nord Atlantique du gaz » constitue un moyen de diversifier l’approvisionnement gazier (aux côtés du « corridor sud » de la Caspienne et à plus long terme des importations depuis la Méditerranée orientale). En mars 2014 déjà, Barack Obama avait présenté le gaz américain comme une alternative possible aux importations de gaz russe en cas de rupture de cette voie d’approvisionnement. Pour rappel, la Russie assure près de 40% des importations européennes de gaz naturel.

Les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel en 2009 grâce à l’exploitation de leurs ressources d’hydrocarbures non conventionnels (en ayant recours à la technique de fracturation hydraulique, interdite en France par la loi du 13 juillet 2011). En 2015, le pays a produit 767,3 milliards de m3 de gaz, soit autant que les 2e et 3e producteurs mondiaux réunis (la Russie avec 573,3 Gm3 et l’Iran avec 192,5 Gm3).

Jean-Sylvestre Mongrenier note qu’il est très peu probable que Moscou interrompe ses flux de gaz vers l’Europe tant le pays est lui-même dépendant à l’égard de ce marché : le pétrole et le gaz naturel conditionnent la moitié du budget de la Russie et l’Europe absorbe 86% des exportations russes de gaz. La situation actuelle de diversification des voies possibles d’approvisionnement a d’ailleurs permis à des compagnies européennes importatrices de négocier avec Gazprom une baisse des tarifs gaziers.

Les prix peu élevés du gaz naturel pourrait expliquer en partie « l’apparent désintérêt » actuel du gouvernement français pour l’importation de gaz de schiste selon le chercheur de l’Institut Thomas More. Ce dernier met toutefois en garde au sujet d’une future remontée des prix face à la baisse des investissements dans l’exploration et la production. Il appelle les pays européens à se préparer au nouveau contexte géopolitique gazier en misant sur « l’ouverture au grand large » avec le GNL américain.

Lire l'étude :
Importations de gaz de schiste américain

Sources / Notes

  1. Les livraisons devant être constituées à 40% de gaz de schiste et à 60% de gaz « conventionnel ». Rappelons qu’ils sont tous deux composés de méthane et ne peuvent être dissociés, une fois mélangés dans les cuves des méthaniers.

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