Le point sur l’évolution des prix de l’électricité en France

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Prix de l'électricité en 2021 et 2022

Départ de lignes très haute tension à partir de la centrale thermique du Vazzio en Corse. (©EDF-Fabrice Arfaras)

La hausse des prix du gaz suscite actuellement une attention particulière. Elle a également un impact sur l’évolution des prix de l’électricité en France, alors même que le gaz n’a compté que pour 6,9% de la production nationale d’électricité en 2020. Explications.

Pourquoi les prix de l’électricité sont-ils impactés par la hausse des prix du gaz ?

L’envolée des prix du gaz « s’est transmise mécaniquement au marché de l’électricité car, les centrales à gaz, qui sont facilement pilotables, interviennent fréquemment à la marge pour assurer l’équilibre instantané sur le réseau électrique. Or ce sont les centrales assurant la production marginale qui déterminent le prix de l’électricité », rappelle Raphaël Trotignon, économiste chez Rexecode(1).

En 2020, le gaz a ainsi compté pour 6,9% de la production d’électricité en France métropolitaine (près de 20% au niveau européen) mais « les travaux de la CRE(2) montrent que les centrales à gaz françaises étaient marginales et ont donc fait le prix sur le marché de gros environ 12% du temps », précise Boris Solier, maître de conférences en économie à l'université de Montpellier (le nucléaire, à l'origine de près de 67,1% de la production nucléaire en France métropolitaine en 2020, était « marginal moins de 30% du temps en 2020 »).

Par ailleurs, le prix de l’électricité sur le marché de gros inclut également « le coût des émissions de CO2, les producteurs d’électricité étant tenus d’acheter depuis 2005 des permis d’émission de CO2 correspondant à leurs émissions », rappelle Raphaël Trotignon. Le prix de ces permis « a plus que doublé par rapport à son prix moyen d’avant crise, en raison des réformes mises en œuvre depuis 2019 qui ont diminué l’offre de permis » et du renforcement des objectifs européens de réduction des émissions d’ici à 2030. « Au prix actuel de 60 €/tCO2, le coût des permis représente environ 20% du coût de l’électricité produite à partir de centrales à gaz », précise Raphaël Trotignon.

Si « une partie de l’explication de la hausse généralisée des prix de l’électricité en Europe est conjoncturelle (reprise économique et difficultés d’approvisionnement en gaz russe) », l’analyste financier Dejan Glavas(3) souligne également un impact structurel, à savoir l’intégration croissante de filières renouvelables à production variable qui « induit une production d’électricité plus dépendante des conditions météorologiques ». Il prend pour exemple des baisses de production ces derniers mois des éoliennes en mer du Nord annoncées par le groupe écossais SSE(4), « principalement compensées par des centrales à combustion d’énergie fossile ».

Rappels sur la fourniture d’électricité en France

Depuis juillet 2007, les ménages en France peuvent choisir pour leur fourniture d’électricité entre des contrats au tarif réglementé (proposés par les seuls fournisseurs « historiques » : EDF et entreprises locales de distribution) et des contrats en « offre de marché » (proposés par tous les fournisseurs).

Les tarifs réglementés de l’électricité (TRVE), définie par les ministères en charge de l’économie et de l’énergie sur proposition de la CRE, sont révisés deux fois par an. Depuis la loi Nome de décembre 2010, ils sont censés refléter les coûts d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs(5) au nom du principe de concurrence(6) : le montant déterminé doit assurer la « contestabilité » du tarif réglementé par les fournisseurs alternatifs, « c’est-à-dire leur permettre de concurrencer les TRV » selon l’Autorité de la Concurrence(7).

Les termes des offres de marché sont quant à eux librement fixés par les fournisseurs(8). Précisons qu’un nombre important de ces offres de marché sont toutefois indexées sur le TRVE (avec un rabais de quelques pourcents sur le prix du kWh hors taxes).

À fin juin 2021, près des deux tiers des 33,6 millions de sites résidentiels disposaient toujours d’un contrat de fourniture au TRVE pour des raisons diverses (méconnaissance des offres de marché, confiance dans l’image historique du TRVE, manque d’intérêt pour les factures d’énergie, etc.)(9).

Comment la hausse des tarifs réglementés sera-t-elle limitée en février 2022 ?

Rappelons ici que la facture d’électricité des Français est globalement constituée de 3 gros postes : un tiers liée à la fourniture en électricité (approvisionnement en électricité et commercialisation), un tiers lié à son acheminement jusqu’aux consommateurs finaux et un troisième tiers lié aux taxes. 

Décomposition d'une facture d'électricité type en France

Le coût du kWh dans le tarif réglementé (approvisionnement) est « composé à 70% du coût de production du nucléaire (via le mécanisme de l'ARENH), les 30% restants correspondent au complément marché des fournisseurs alternatifs (calculé à partir d'une moyenne des prix de marché de gros) », indique Boris Solier. Ce « complément marché » désigne le volume d’électricité moyen qui n’est pas couvert par l’ARENH et que doivent donc acheter les fournisseurs alternatifs d’électricité pour satisfaire la demande de leurs clients. Autrement dit, « 10% environ du TRV TTC est indexé sur le prix du marché de gros ».

La prochaine évolution des tarifs réglementés de l’électricité doit intervenir en février 2022 et elle devrait conduire, si la formule tarifaire en vigueur était respectée, à une hausse « aux alentours de 12% » (due à l’envolée des prix de marché de gros), estime le ministère de la Transition écologique.

Jean Castex a toutefois annoncé le 30 septembre dernier que le gouvernement veillerait à ce que cette hausse  ne dépasse pas 4% toutes taxes comprises(10). Pour y parvenir, le gouvernement prévoit de « baisser la TICPE (actuellement à 22,5 €/MWh) et ce jusqu'en février 2023 », précise Boris Solier.

Cette baisse de la TICPE impliquerait un manque à gagner de 4 milliards d’euros par l’État mais « d'après les Echos(11), les pouvoirs publics comptent récupérer 2 milliards d’euros grâce au fait que l'augmentation des prix de marché réduit le surcoût du soutien aux énergies renouvelables et 600 millions en produits supplémentaires de TVA sur la facture d'électricité », indique Boris Solier. Le gouvernement a par ailleurs annoncé un chèque énergie « exceptionnel » de 100 euros, dont le coût global avoisinera 600 millions d'euros.

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