The Shift Project présente des premières mesures pour préparer « l'avenir de l'aviation »

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Impact du transport aérien

Le think tank The Shift Project a publié le 27 mai ses propositions énergie-climat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien en France(1). Celles-ci pourraient faire office de contreparties à l’aide publique apportée au secteur.

Quelques rappels chiffrés sur le transport aérien

Le transport aérien consommerait aujourd'hui au niveau mondial près de 6,3 millions de barils de kérosène par jour, « soit 7,7% de la production pétrolière mondiale » selon le think tank The Shift Project. La combustion d’un litre de kérosène(2) émet en moyenne près de 3 kg de CO2 et l'aviation civile compterait au total pour environ 2,6% des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile. En outre, l’aviation a aussi « des impacts hors CO2 sur le climat, relativement courts mais très intenses, qui viennent multiplier par 2 à 3 l’effet du CO2 seul », précise The Shift Project(3).

Le trafic aérien est en forte hausse (+ 6,8% par an au niveau mondial en passagers.km(4)) et les progrès techniques réalisés par les avionneurs et les motoristes « ont surtout permis le développement du trafic, par un effet rebond qu’aucune politique ne s’attache à maîtriser »(5).

Dans ces conditions, The Shift Project formule un ensemble de recommandations de mesures de sobriété et d'évolutions techniques pour réduire les émissions de CO2 du transport aérien en France de 5% par an d’ici à 2025(6), en s'inscrivant dans la trajectoire de neutralité carbone fixée à l’horizon 2050. Ces recommandations, émises « à technologie constante » sans miser sur des ruptures possibles (comme le recours au kérosène de synthèse), ont vocation à être mises en œuvre immédiatement.

Transport aérien

Les recommandations de The Shift Project

Pour réduire la consommation de carburants liée au trafic aérien en France d’ici 2025, The Shift Project appelle à imposer les mesures de sobriété suivantes :

  • supprimer les liaisons aériennes domestiques pour lesquelles il existe une alternative ferroviaire de moins de 4h30 « à une fréquence suffisante »(7), ce qui impliquerait par exemple de maintenir les vols entre Paris et Nice mais de supprimer ceux entre la capitale et Marseille ou Toulouse ;
  • interdire les vols relevant de l’« aviation d’affaires » réalisés à des fins privés (motif de 96% des vols en jets) ;
  • restreindre les avantages liés aux programmes de fidélité pour limiter le trafic « opportuniste » lié à des conditions avantageuses (5% du trafic des grandes compagnies aériennes est lié à l’usage de « miles ») ;
  • imposer aux compagnies aériennes une décroissance de la consommation moyenne annuelle de carburant pour leurs vols touchant le territoire français, avec un libre choix des leviers mobilisables (renouvellement des flottes, densification des cabines, augmentation des taux de remplissage, etc.).

The Shift Project présente également des mesures techniques d'ores et déjà « à disposition » qui pourraient compter pour un quart de l’effort de réduction d’émissions de CO2 envisagé d’ici à 2025 : accélérer la décarbonation des opérations au sol (en ayant notamment recours à des tracteurs électriques), remplacer les turboréacteurs de petite capacité par des appareils à hélices à la consommation bien plus faible(8), limiter le « fuel tankering » (pratique qui consiste à emporter un surplus de carburant dans les aéroports où celui-ci est moins cher) ou encore optimiser les trajectoires de vols(9). En parallèle, le think tank suggère de soutenir un programme « pour initier la production d’ici 2030 d’un avion adapté […] aux nouvelles exigences en matière de consommation d’énergie ».

The Shift Project appelle par ailleurs à davantage informer et sensibiliser les consommateurs sur l’impact énergie-climat du transport aérien et sur les alternatives existantes pour leurs déplacements (notamment en imposant que les offres commerciales indiquent l’empreinte climatique de chaque voyage « hors compensation »).

Précisons que ce rapport présenté par The Shift Project n’est qu’un des volets d’un plan de transformation global de l’économie française, dont le think tank présentera la version finale en septembre 2020(10).

Sources / Notes
  1. Crise(s), climat : préparer l'avenir de l'aviation, The Shift Project, mai 2020.
  2. « Un avion moderne aménagé en classe économique et correctement rempli consomme près de 3 litres par passager aux 100 km ».
  3. « L’émission à haute altitude d’oxydes d’azote (NOx), de vapeur d’eau et de particules fines favorise la formation de nuages d’altitude et comporte des effets sur la chimie de l’atmosphère ».
  4. Un passager-kilomètre est une unité de mesure représentant le transport d’un passager par un moyen de transport déterminé, rappelle Eurostat.
  5. The Shift Project souligne que le potentiel des agro-carburants est « largement insuffisant » pour avoir un impact significatif et que la compensation carbone (plantation d’arbres dans la quasi-totalité des cas) n'offre pas de garantie : « la plantation d’arbres qui mettront des années à absorber le CO2 émis en quelques heure par un trajet en avion alors que rien ne garantit leur pérennité, il laisse croire au passager que son impact est neutre, ce qui est faux ».
  6. Ce qui correspond « au minimum à une réduction de 4,2 Mt CO2 entre 2020 et 2025 ».
  7. Une exemption est prévue « pour les seuls passagers en correspondance ».
  8. « Les turbopropulseurs consomment nettement moins (30 à 40%) que les jets mobilisés sur les lignes régionales, et ont peu d’impact climat hors CO2 car ils volent moins haut ».
  9. Avec un « cost index » - paramètre utilisé par les compagnies aériennes pour définir la trajectoire de vol pour laquelle les couts d’exploitation sont optimisés - égal à zéro.
  10. Celui-ci contiendra entre autres des précisions en matière d’emploi sur les « reconversions inter-secteurs possibles ». The Shift Project note que « les compagnies aériennes et les services aéroportuaires représentent à elles seules près de 100 000 emplois en France » et présente des recommandations pour « transposer dans la grande vitesse ferroviaire les compétences, et une partie des emplois, d’Air France » (la filière aéronautique compte 200 000 à 350 000 emplois en France, en incluant les avionneurs, motoristes, sous-traitants, activités de recherche et d’enseignement associées, etc.).

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