Les fuites sur Nord Stream : un « game changer » majeur ?

Olivier Appert, Ancien président Directeur général d’IFP Énergies nouvelles

Conseiller du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
Membre de l’Académie des technologies

Les fuites de gaz qui sont intervenues le 27 septembre sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 constituent-elles un « game changer » majeur pour le secteur énergétique mondial ? Il est trop tôt pour savoir ce qui a causé ces fuites. Les enquêtes lancées par les autorités danoises, suédoises et russes et par les Nations unis permettront-elles de déterminer les conditions de ces fuites ? On peut l’espérer.

Il est clair qu’il ne peut pas s’agir d’un accident. S’il est arrivé qu’un câble sous-marin soit arraché par le chalut d’un bateau de pêche, c’est inenvisageable pour un tuyau de cette taille (1 420 mm de diamètre). L’hypothèse d’un accident causé par un séisme a été rejeté immédiatement par les autorités danoises et suédoises. Il s’agit donc d’un acte malveillant délibéré.

L’impact sur les approvisionnements de gaz est majeur : Nord Stream 1 a une capacité de 55 milliards de m3 par an, soit près d’un tiers du niveau des importations de gaz russe de l’Europe. La capacité de Nord Stream 2 est identique (mais sa mise en service de Nord Stream 2 a été différée sine die). Il faut par ailleurs rappeler que les livraisons de gaz via Nord Stream 1 ont été arrêtées cet été, pour des raisons techniques d’après les autorités russes.

C’est un évènement majeur qui aura des conséquences pour l’ensemble du secteur énergétique mondial. C’est la première fois qu’un tel acte contre une installation énergétique majeure est perpétré dans une zone de paix. Certes, il y a eu dans le passé des attaques sur des actifs majeurs du secteur énergétique mais celles-ci sont intervenues dans un contexte de conflit ouvert.

Cela a été par exemple le cas pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran dans les années 1980 avec les attaques irakiennes du terminal iranien de Kharg et de plateformes pétrolières iraniennes ou la pose de mines par l’Iran dans le Golfe Persique. De même en janvier 2013, le site pétrolier d’In Amenas en Algérie a été attaqué par des djihadistes dans le cadre du conflit malien. Plus récemment, dans le contexte du conflit au Yémen, le complexe de traitement de pétrole brut d’Abqaiq en Arabie saoudite a fait l’objet d’une attaque par drones en septembre 2019, conduisant à une perte de production pendant plusieurs semaines.

L’attaque contre les gazoducs Nord Stream intervient dans un contexte géopolitique tendu mais la situation n’a rien à voir avec les conflits déclarés rappelés ci-dessus. C’est un signal fort pour l’ensemble du secteur énergétique.

Doit-on imaginer qu’une telle attaque puisse intervenir sur les plateformes pétrolières ou les oléoducs, gazoducs ou câbles divers présents en Mer du Nord ou ailleurs ? Est-il nécessaire de se prémunir contre de tels risques et comment ? Certes les opérateurs sont attentifs à la protection de leurs installations fixes. Mais assurer la sécurité des oléoducs et gazoducs sur des milliers de kilomètres représente un défi, tout comme le renforcement de la sécurité des câbles sous-marins comme vient de le suggérer le président de la République(1).

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Commentaire

MXT
@ Olivier Appert Merci pour vos éclaircissement. J'aurais aimé que vous développiez l'hypothèse d'un sabotage des USA vu qu'ils ont à y gagner dans l'affaire. Je profite de ce message pour vous signaler qu'on ne dit pas "C’est la première fois qu’un tel acte contre une installation énergétique majeure est perpétué dans une zone de paix." Mais on dit : ""C’est la première fois qu’un tel acte contre une installation énergétique majeure est perpétré dans une zone de paix." Cordialement. MXT
JR
@Olivier Appert Autre petite coquille : préciser que 55 bcm/an est l'équivalent des importations gazières de l'Europe "en provenance de Russie" (avant les réductions, bien sûr) Cordialement JR
michel MAKINSKY
L'hypothèse d'un sabotage américain circule sur des sites complotistes alimentés par des 'canaux russes' ou poutinophiles. Moscou a démenti toute implication dans ces sabotages mais une forte présomption pèse sur la responsabilité de la Russie, d'autant que ce n'est pas la première fois que l'on observe des incursions 'furtives' russes dans la zone. Mais , bien entendu, il convient de rester prudent dans l'attribution de ce sabotage tant que les enquêtes en cours n'auront pas été menées à bien.
MXT
@ michel MAKINSKY L'hypothèse d'un sabotage américain ne circule pas que sur des sites complotistes alimentés par des 'canaux russes' ou poutinophiles. A qui profite le crime? Certainement pas à la Russie mais à ceux qui fourniront après un gaz plus cher à l'Europe. Selon Dominique Trinquant, général, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU, les Russes n'ont aucun intérêt à provoquer des fuites sur Nord Stream, au contraire même puisqu'ils perdent de l'argent. Tandis que d'autres outre Atlantique pourraient devenir les nouveaux pourvoyeurs de gaz à l'Europe.
michel MAKINSKY
@MXT Malgré tout le respect dû au général Trinquant, cette argumentation ne résiste pas à l'examen.Au moins à ce stade, en attendant la conclusion des enquêtes. Plusieurs analyses sérieuses, tout en ne statuant pas définitivement sur l'attribution des sabotages, discutent de façon argumentée les 2 hypothèses (soit responsabilité américaine, soit imputation à la Russie). Aucune ne doit être exclue mais ces réflexions permettent de pencher (sous réserve, bien entendu, de validation) pour une attribution à la Russie. L'argument selon lequel Moscou n'aurait pas intérêt à de telles actions n'emporte pas la conviction à l'issue de ces discussions. Voir notamment : https://carnegieendowment.org/politika/88062 ; ainsi que https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2022-09-29/sabotage-nord-stream-1-and-nord-stream-2-pipelines .
Didier Lebars
Si nous allions au tribunal, la partie defenderesse nous fournirait un raisonnement de 2 organisations : une a Washington DC et l autre a Varsovie. La democratie aux USA fonctionne encore, FoxNews force d oppostion est la seule chaine a suivre.
Thierry Dalimier
Les USA qui sont en guerre contre la Russie (avec le luxe d'utiliser les Ukrainiens comme proxy) n'ont certainement pas intérêt à se mettre les Européens à dos. S'il devait être prouvé à 100% que ce sont les USA qui l'ont fait, c'est toute l'alliance atlantique qui s'effondre dans le froid glacial de cet hiver. Mais un autre pays (ou plutôt les dirigeants d'un autre pays) a un GRAND intérêt à voir l'alliance atlantique se disloquer. Même si cela leur coute un gazoduc qui de toutes façons ne s'ouvrira pas dans les 10 ans qui viennent....
LEBLOND
Absolument pas d'accord avec vous !! Les USA ne sont pas en guerre contre la Russie vous divaguez !! C'est un raisonnement complotiste et pro-poutinien. Poutine , comme la majorité des russes pense que l'Ukraine n'existe, mais que c'est une province de la Russie. Pour moi l'Ukraine est une nation très ancienne qui a été le berceau de la Russie tsariste et non l'inverse. "la RUS" fût à cette époque une colonie de la dite Russie du Kremlin et à connu le morcellement à diverses époques comme la Pologne.
BEE
Avant de conclure pour des raisons émotionnelles, il me parait utile de visualiser les deux vidéos suivantes - une de Jeffrey SACHS, Américain, Démocrate, économiste ayant été missionné par le gouvernement US dans le passé https://www.youtube.com/watch?v=0Edra2JH2tY - l'autre de Jacques Baud, ancien Dir des Services de la Suisse https://www.youtube.com/watch?v=63cYFXOnWqQ&t=69s cela permet d'être plus ouvert sur qui d'autre que la Russie qui pourrait être responsable
Didier Lebars
Le complotisme c est imaginer un scenario pervers complique qui accuse autrui. Historiquement il y a effectivement quelques rares exemples de complots reussis : l attentat du Reichtag par les nazis. En fait la structure et le vocabulaire de votre message, vous font entrer dans le complotisme. If you are fluent in english, regardez sur cette affaire les 2 chaines principales TV aux USA Democrat/Republican. Au contraire des medias francais, tout les elements sont sur la table. En tant qu investisseur dans l energie, ingenieur ParisTech, mes investissements iront toujours vers les scenariis simples. non complotistes.
michel MAKINSKY
Je vous laisse la responsabilité de vos qualificatifs. Restons-en là, car nous nous écartons des thèmes plus intéressants (les enjeux énergétiques) de ce site.
Alexandros
Il y a encore les câbles sous-marins, relativement aisés à saboter.
metomol
les enquêtes mettront sous le tapis la responsabilité des américains bien sûr car ce ne serait pas " convenable" .il faut tout mettre sur le dos des russes , décidément les plus bêtes du monde, pensez: saboter leur propre gazoduc, ressource future de livraison de gaz qd la guerre sera terminée, tirer sur leur propre troupes dans la centrale de Zaporijiia, envoyer des missiles ukrainiens sur les polonais , vraiment trop c'est trop. je ne saisis pas bien la notion d'infini en mathématique, mais pour la bêtise on s'en approche!!
ppcqa
L'hypothèse d'un sabotage russe circule sur des sites complotistes alimentés par des 'canaux américains' ou américanophiles. Washington a démenti toute implication dans ces sabotages mais une forte présomption pèse sur la responsabilité des États-Unis, d'autant que ce n'est pas la première fois que l'on observe des incursions 'furtives' américaines dans la zone. Mais , bien entendu, il convient de rester prudent dans l'attribution de ce sabotage tant que les enquêtes en cours n'auront pas été menées à bien.

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