Climat : deux informations majeures avant la COP30 à Belém

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

À un peu moins de deux mois de l’ouverture de la COP30 à Belém, deux informations importantes : pour la première fois la Chine va s’engager sur un objectif de baisse de ses émissions ; le rapport Production Gap(1) indique que les émissions mondiales de CO2 résultant de la combustion d’énergie fossile devraient continuer d’augmenter si l’on se fie aux prévisions d’extraction des grands producteurs.

L’annonce de Xi Jing Pi au sommet de New York

Lors du sommet climat tenu en marge de la session plénière des Nations Unies, le Président chinois a annoncé que la Chine s’engagerait sur une baisse d'ici à 2035 de 7 à 10% des émissions de gaz à effet de serre relativement à leur pic(2), dans le cadre de sa contribution nationale à l’accord de Paris (NDC).

Cette annonce conforte les analyses du CREA, centre spécialisé sur l’énergie basé en Finlande : grâce à l’accroissement massif des capacités de production d’électricité d’origine solaire et éolienne, la Chine est en passe de franchir le pic de ses émissions. L’année 2024 a même de fortes chances d’être celle du pic.

Compte tenu de ce contexte, l’annonce de Xi Xing Pi marque plus la poursuite de la stratégie de décarbonation déjà engagée qu’un accroissement de l’ambition climatique. C’est pourquoi nombre de commentaires ont considéré que la fourchette annoncée est peu ambitieuse.

Si elle se traduit dans les faits, cette NDC marquera pourtant un tournant historique. Une baisse de 10% des émissions chinoises relativement à 2024 équivaut en effet à une baisse de 50% des émissions européennes. Sur la période 2024 à 2035, les contributions annoncées de la Chine et de l’Union européenne correspondent du reste à des baisses d’émission de grandeurs comparables (voir graphique haut de page).

Les États-Unis ont déposé leur NDC sur le registre des Nations unies, le 19 décembre dernier, avant l’expiration du mandat de Joe Biden. Plus ambitieuse que celle de la Chine ou de l’UE, cette contribution sera retirée lorsque la décision de retrait de l’accord de Paris prise par la nouvelle administration américaine prendra effet. Compte tenu des actions engagées par l’administration Trump pour freiner le développement des renouvelables et relancer l’énergie fossile, le risque est désormais celui d’un arrêt de la baisse des émissions américaines, voir de leur reprise, sur les prochaines années.

Mais il n’y a pas qu’aux États-Unis qu’on prévoit d’accroître la production d’énergie fossile comme l’indique le rapport Production Gap publié en début de semaine.

L’empreinte carbone des producteurs d’énergie fossile

Publié tous les deux ans par un consortium d’organismes de recherche européens, le rapport Production Gap calcule l’empreinte d’extraction (ou de production) des grands producteurs d’énergie fossile. Cette empreinte mesure les émissions attribuables à la production d’énergie fossile d’un pays, que cette énergie soit consommée sur place ou exportée.

L’empreinte d’extraction diffère des émissions territoriales à partir desquelles sont fixés les objectifs climatiques et calculées les NDC :

  • Pour les pays exportateurs nets d’énergie fossile comme la Norvège, l’Australie, les producteurs du Proche-Orient ou la Russie, l’empreinte d’extraction excède les émissions territoriales ;
  • Pour les pays importateurs nets d’énergie fossile, l’empreinte d’extraction est au contraire plus faible que l’empreinte territoriale, même si ces pays sont de gros émetteurs de CO2 sur leur territoire comme le Japon ou la Corée.

L’empreinte d’extraction des 35 plus gros producteurs d’énergie fossile (graphique) représente 95% des émissions mondiales de CO2 résultant de la combustion d’énergie fossile.

Les producteurs d’énergie fossile révisent à la hausse leurs perspectives de production

Le rapport Production Gap ne se contente pas de calculer l’empreinte d’extraction des producteurs d’énergie fossile. Il projette également les émissions de CO2 associées à leurs perspectives déclarées de production. Il compare ensuite les trajectoires d’émission obtenues à celles du 6e rapport du GIEC visant à limiter le réchauffement en dessous de 2°C (graphique ci-dessous).

Trois observations ressortent de l’édition 2025 :

  • Depuis deux ans (courbe en pointillée sur le graphique), les producteurs d’énergie fossiles ont révisé à la hausse leurs projections de production d’énergie fossile, et donc les émissions de CO2 associées ;
  • Parmi ces producteurs, la Russie, le seul pays à être exportateur net des trois énergies fossiles, a pourtant été contrainte de réviser en baisse ses prévisions d’exportation en raison de la guerre en Ukraine et de la rétraction de son premier marché d’exportation : l’Union européenne. Ce repli forcé de la Russie a été plus que compensé par les révisions haussières des perspectives de production de gaz de pétrole et de charbon dans le reste du monde. Deux pays y ont joué un rôle important : les États-Unis pour le gaz et le pétrole et la Chine pour le charbon ;
  • Pour les États-Unis, ces révisions haussières effectuées avant l’élection de Donald Trump risquent de s’accentuer dans les années qui viennent.

Les révisions chinoises répondent pour une part à un objectif de substitution de charbon produit localement au charbon importé. Elles traduisent également les hésitations du gouvernement chinois à accélérer la sortie du système électrique national de sa dépendance encore très élevée à l’égard du charbon.

Pour que les déclarations du Président chinois ne restent pas des effets d’annonce, il faudra apporter des signaux clairs. Le plus décisif sera l’arrêt des investissements dans la construction de nouvelles centrales thermiques chinoises, plusieurs fois annoncé dans le passé mais loin d’avoir été réalisé entre 2022 et 2024.

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Commentaire

Freudon Saké
La Chine, ce si gentil pays allié de Moscou, de l'Iran et de la Corée du Nord, qui nous innonde de shit fashion par avions cargos et qui n'arrête pas de bétonner ses routes de la soie écarlate... Sûr que c'est une référence environnementale, sans compter que les blablas n'engagent que les prout-prouts bisounours qui y croient !
Berthon Philippe
J'ai deux commentaires sur ce article très intéressant mais partiel: 1 Dommage de ne pas mentionner un fait remarquable : la Norvège et l'Allemagne sont les seuls pays européens qui apparaissent parmi les 35 plus gros pollueurs thermiques. Bravo en particulier à la France qui, grâce à sa production nucléaire et hydraulique, a depuis longtemps abaissé sa production de CO2 par habitant (11 fois moins que l'Allemagne !!!) 2 Dommage de ne pas mentionner que la réduction remarquable de la Chine est due à une politique énergétique remarquable : d'abord un programme nucléaire important et continu depuis des décennies, complété depuis quelques années par un effort similaire pour les ENR. Ils partent de loin mais ils ont pris la bonne direction.
Freudon Saké
La France, cette bonne, E.lève de la doxa mondialiste, qui émet peu de co2, en achetement massivement des produits chinois, indiens, pakistanais, etc, et qui échange la tyrannie du pétrole et du gaz, contre la tyrannie de l'uranium et du lithium... Vraiment pas de quoi être fier !
Goldorak
Attention quand même, l'empreinte carbone de la norvège est énorme en terme d'extraction (pétrole et gaz) mais pas en terme de consommation :
Electricité full renouvellable (90% hydro)
50% du parc auto est électrique et + de 90% des ventes de nouveaux véhicules sont élec
Silicate
La population mondiale va montyer jusqu'a 10 milliards d'habitants en 2050... il est hautement probable qu'une hausse de 3 milliards de consommateurs efface ces hypothèses tres optimistes
Albatros
Il en reste un pour croire aux promesses du régime chinois. Maître de Perthuis, que n'allez-vous pas créer une chaire de l'économie du climat à Pékin ?
Albatros
En 2024, la Chine a lancé la construction de 94,5 gigawatts de capacité électrique à charbon, soit le volume de nouvelles constructions le plus élevé depuis 2015, selon le CREA : "la poussée de la Chine en faveur du charbon est principalement motivée par les intérêts industriels qui promeuvent l’expansion du charbon sous couvert de sécurité énergétique"
Phil Galissaire
A mourir de rire! Qui peut croire à cette descente de 2030!!

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