Au Gabon, des maisons irradiées attendent d'être détruites depuis 2011

  • AFP
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Quelque 200 logements, supposés irradiés car construits avec des matériaux issus d'une ancienne mine d'uranium à Mounana, dans le sud-est du Gabon, doivent être détruits selon une décision d'Areva de 2011, l'ancien exploitant de la mine. Mais six ans plus tard, ils sont encore debout et toujours habités, a constaté l'AFP sur place.

Dans la cité "Rénovation" de Mounana, où étaient logés une grande partie des travailleurs de l'ancienne mine d'uranium exploitée entre 1958 et 1999 par la Compagnie des mines d'uranium de Franceville (Comuf, filiale gabonaise d'Areva), des enfants jouent devant des maisons marquées d'une croix rouge.

Celles-ci ont été répertoriées par la compagnie minière comme ne respectant plus les standards français, qui imposent depuis 2003 une exposition radiologique maximale de 1 milliSievert (mSv), contre 5 mSv auparavant. "Ces croix, elles veulent dire que les maisons doivent être détruites. Mais des gens habitent toujours dedans, même si c'est radioactif", dit Roland Mayombo, 77 ans, ancien travailleur, en montrant du doigt des maisons marquées.

Devant les maisons, organisées en un quadrillage précis, des habitants boivent une Regab, la bière locale, en jouant aux cartes. "On espère qu'on aura notre nouvelle maison bientôt, maintenant on a qu'ici où rester", dit l'un d'eux, jeune - cela fait dix ans qu'il habite, en famille, dans l'une de ces maisons de plain-pied, aux toits de tôles grisâtres et murs beiges, marquée d'une large croix rouge.

Dans la cité "Rénovation", 130 logements doivent être détruits, et 71 à d'autres endroits de Mounana, pour un total de 201 habitations, selon un rapport gouvernemental consultée par l'AFP. Près de 800 habitants vivent toujours à Mounana, ville nichée dans une cuvette de la province du Haut-Ogoué, pour 14.000 personnes au plus fort de l'exploitation, selon un ancien maire de la ville. "Il a fallu du temps pour mettre en place le projet, (mais) il a bien démarré. Aujourd'hui, un premier lot de 24 logements est en train de se dresser, c'est une satisfaction", explique à l'AFP Gilles Recoché, président du Conseil d'administration de la Comuf, joint par téléphone depuis Libreville.

"C'est un engagement d'Areva pris depuis longtemps et que nous respectons", ajoute-il, photo à l'appui. "Rien n'a été fait! On nous oublie!", peste pourtant Moïse Massala, 82 ans, ancien géochimiste à la Comuf et membre du Mouvement des anciens travailleurs de la COMUF (Matrac), qui défend les intérêts des anciens travailleurs de la mine d'uranium. "Et puis si on détruit la case, c'est qu'on accepte qu'il y a un problème de radioactivité. Pourquoi ils n'ont rien fait pour les gens qui habitent ces logements depuis 40 ans?", continue-t-il.

Psychose

Depuis la fermeture de la mine, en 1999, la crainte des retombées de la radioactivité sur les habitants et les anciennes infrastructures de la ville ont créé une psychose toujours présente et dont la justification n'est pas prouvée. En 2004, des autorités locales et des enseignants d'un quartier de Mounana s'étaient déjà inquiétés de l'utilisation de "sable radioactif" pour la construction d'une école, selon une édition de l'époque du journal pro-gouvernemental, L'Union.

Selon la même source, une plainte avait été déposée, et la Comuf aurait dédommagé en 2006 les élèves et enseignants, à hauteur de 8 millions de CFA (12.200 euros). La Comuf, en lien avec l'Union Européenne et l'Etat gabonais, a lancé après la fermeture de la mine la réhabilitation de plusieurs infrastructures de l'ancienne mine de Mounana.

La filiale d'Areva, détenue à 68,4% par le groupe français, a relancé entre 2009 et 2017 l'exploration sur le site de l'ancienne mine de Mounana, avant de "suspendre" ses activités. La Comuf reste néanmoins propriétaire du terrain.

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