Au Nigeria, les prix à la pompe dans les stations-service ont quasiment triplé avec la fin annoncée des subventions

  • AFP
  • parue le

Les prix à la pompe ont quasiment triplé dans les stations-services du Nigeria depuis l'annonce lundi du nouveau président de mettre fin aux subventions sur le carburant, provoquant une immense détresse dans le pays le plus peuplé d'Afrique.

Tout juste investi président, Bola Tinubu avait déclaré lundi la fin des subventions sur le carburant, l'une de ses promesses de campagne, semant un vent de panique chez les consommateurs qui se sont rués dans les stations-essence à l'origine d'immenses files d'attente dans les grandes villes du pays.

L'équipe de communication du président s'était alors empressée de préciser mardi que les subventions arriveraient à échéance fin juin, comme budgétisé par l'administration précédente, évoquant l'achat panique "inutile" de carburant.

Mais au même moment, la compagnie nationale pétrolière (NNPC) affirmait lors d'une conférence de presse, qu'en dépit du budget provisionné, l'Etat ne payait plus. Et que le gouvernement lui devait l'équivalent de 5,7 milliards d'euros au titre des subventions versées par celle-ci.

Mercredi, elle annonçait alors qu'elle "avait ajusté ses prix à la pompe dans ses différents points de vente, en lien avec les réalités du marché", actant de fait la fin d'un carburant subventionné pour les Nigérians.

Dans les grandes villes du pays, les prix affichés dans les stations-services avaient alors quasiment triplé, provoquant une immense détresse chez les Nigérians, dont près de la moitié vit sous le seuil de pauvreté, et déjà confrontés à une très forte inflation.

"L'augmentation du prix du carburant est scandaleuse, la semaine dernière, j'ai acheté du carburant ici à 197 nairas (0,40 euros) le litre et maintenant je paie 540 nairas (1,10 euros) pour le même litre", fulmine Mustapha Hassan, un fonctionnaire de 45 ans devant une station-essence à Kano, ville la plus peuplée du Nord du Nigeria.

"On va devoir se rendre au travail à pied (...) et les prix des biens vont exploser, c'est le peuple qui va en faire les frais", lance-t-il excédé.

Gouffre financier

À Abuja, la capitale politique, situé dans le centre du pays, même augmentation des prix. Et Monday Egbe, un chauffeur de taxi voit déjà les conséquences sur son affaire: "Il n'y a pas de clients, ils restent chez eux, j'ai déjà été obligé d'augmenter le prix de la course de 1.500 à 3 500 naira".

À Lagos, après les embouteillages monstres qui paralysaient mercredi matin la capitale économique de 20 millions d'habitants, les rues s'étaient quasiment vidées de voitures en début de soirée, ses habitants limitant au maximum leurs déplacements en raison du nouveau prix.

Le Nigeria, l'un des plus gros producteurs de pétrole en Afrique, échange son brut estimé à des milliards de dollars contre du carburant importé, en raison de la défaillance de ses raffineries d'Etat.

Pour acheter la paix sociale, le gouvernement prenait jusqu'ici en charge une partie des coûts du carburant, permettant ainsi aux stations-service de vendre une essence à des prix très en-dessous du marché.

Ces subventions, bien que très populaires auprès de la population, siphonnent ainsi chaque année des milliards de dollars des caisses publiques, qui pourraient être dépensés dans des secteurs prioritaires en déliquescence, comme la santé et l'éducation. Ce système a également favorisé des détournements de fonds massifs.

Jusqu'à présent, les autorités n'ont pas annoncé de mesures visant à atténuer l'impact sur les consommateurs.

Le Nigeria Labour Congress (NLC), qui regroupe plusieurs syndicats, a attaqué la décision et exigé mercredi qu'elle soit immédiatement retirée.

"Nous sommes scandalisés par la décision du président Bola Tinubu de supprimer les subventions sur les carburants sans avoir procédé aux consultations nécessaires ou sans avoir mis en place des mesures palliatives", a déclaré le NLC dans un communiqué.

Au cours des dix dernières années, les autorités ont tenté de supprimer ces subventions à plusieurs reprises. En vain. Chaque fois, elles ont dû faire machine arrière face à la colère de la population, gonflée à bloc par les syndicats.

En 2012, l'armée était même descendue dans les rues pour maintenir le calme lors de manifestations monstres.

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