Aviation : une empreinte carbone moins forte sans augmenter les prix ? « Il ne faut pas rêver », prévient le patron de Total

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Réduire l'empreinte carbone du transport aérien renchérira le prix des billets, a prévenu le patron du groupe pétrolier Total, qui marquait mardi avec Air France une étape symbolique de leur collaboration dans les carburants renouvelables.

"Il ne faut pas rêver : croire que l'on fera cette transition énergétique et écologique sans impact, que cette énergie sera au même coût, c'est un Graal, on en est loin", a lancé Patrick Pouyanné lors d'une conférence de presse à l'aéroport de Roissy, aux côtés des dirigeants d'Air France, du gestionnaire ADP et du ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari.

Cet aréopage était réuni physiquement, une première depuis le début de la crise sanitaire, pour l'avitaillement d'un Airbus A350 flambant neuf avec 16% de carburant d'aviation durable (sustainable aviation fuel, SAF) produit par Total dans ses usines françaises. Ce plein a permis au vol vers Montréal (Canada) d'éviter de rejeter 20 tonnes de CO2 dans l'atmosphère, soit 15% des émissions de ce vol, selon les entreprises, qui disent avoir ainsi réalisé une première sur un long-courrier dans le cadre de leur partenariat.

Le SAF de Total, élaboré à partir d'huiles de cuisson usagées notamment dans la raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) récemment reconvertie, coûte quatre fois plus cher à produire que le kérosène d'origine fossile. Il subit un traitement spécifique pour supporter les températures très basses en altitude.

La France va rendre obligatoire l'incorporation de 1% de SAF dans tous les vols au départ du pays en 2022, un taux qui montera à 2% en 2025 et 5% en 2030, encore bien en deçà des 50% que peuvent accepter les moteurs d'avions de dernière génération, tandis qu'Airbus travaille sur un taux de 100%.

Or, 1% de SAF "représente en gros 100 millions d'euros de charges en plus pour les compagnies aériennes opérant sur le territoire français", selon M. Pouyanné. Répercuté sur un Paris-Montréal, cela signifierait "cinq dollars de plus par prix de billet d'avion". "Il faudra bien que la transition énergétique et écologique soit financée pas seulement par les compagnies aériennes ou les énergéticiens, mais aussi par l'ensemble de la chaîne, y compris les clients", a insisté le patron de Total.

L'entreprise, qui lors de la démonstration de lundi avait aussi mobilisé un camion citerne fonctionnant à l'électricité, vise une production de 200 000 tonnes de SAF par an à horizon 2025, contre 20 000 tonnes actuellement.

"À tous les réticents, à tous les sceptiques, à tous ceux qui pensent que le seul moyen pour l'aviation de ne plus polluer serait de ne plus exister, nous sommes en train de montrer qu'il existe une autre voie", a plaidé M. Djebbari, promettant l'aide du gouvernement pour "massifier la production" de SAF, et développer des carburants durables de deuxième génération, élaborés à partir de CO2 et d'hydrogène dit "vert". "Ce vol est le symbole de nos efforts communs pour faire émerger une filière de biocarburants en France, qui doit devenir viable pour tous les acteurs sur le plan économique", a affirmé pour sa part le directeur général d'Air France Benjamin Smith, en insistant sur la nécessité d'un cadre réglementaire s'appliquant à toutes les compagnies pour éviter les distorsions de concurrence.

Commentaires

Abadie
En quoi les avions avec ce carburant SAF même à 100% ne rejetteront pas de CO2 lors de sa combustion? Prélèvera-t'on dans l'atmosphère la même quantité de CO2 pour que le bilan soit neutre?
Denis Margot
Il faut considérer le cycle complet du carburant. Les émissions sont bien sûr identiques lors de la combustion, mais là où un carburant fossile effectue une transformation à 100 % de solide/liquide vers CO2, un carburant issu de transformation de biomasse voit une part de son origine venant de ressources ayant consommé du CO2 (et l'idée est qu'une partie du CO2 émis sera à nouveau reconvertie en biomasse qui constitue alors un puits à CO2). Par ailleurs, il est pensable de dire que la finalité des huiles de cuissons soit de se retrouver dans l'atmosphère (au moins en partie). Dans ce cas, autant en profiter pour passer par l'étape SAF. Le calcul des taux de réduction n'est pas évident (et peut être contesté), mais il est permis de penser que ce type de carburant rejette significativement moins de GES qu'un carburant d'origine fossile.
Victor
Il y a un certain nombre de problèmes dans cette argumentation. Premièrement, s'il est vrai qu'une plante consomme du CO2, défricher une foret pour y mettre un champ émet du CO2 et réduit la capacité de la parcelle à en stocker. Et à cela il faut rajouter tous les impacts négatifs de l'agriculture non pris en compte par le calcul GES: pollution, perte de biodiversité, perte de fertilité, perturbation des cycles hydrologiques, etc.. Deuxièmement, 70% de l'huile issue de La Mède est d'origine directement agricole, dont 50% d'huile de palme, et pas issue du recyclage. Troisièmement, en 2016, l'aviation a consommé 300 milllions de tonnes de jet A, alors que l'agriculture a produit 200 millions de tonne en 2018. Sachant que la consommation de l'aviation croit plus vite que la production d'huile, l'huile ne représentera jamais une part importante des carburants de l'aviation à moins d'une réduction massive des trajets (ou une réduction de la population?).
Frederic
Il faut rappeler que le CO2 n'est que la moitié de l'impact climatique de l'aviation : la condensation d'eau en altitude représente un probleme aussi important et ne sera pas résolu par le biocarburant "The significance of non-CO2 climate impacts from aviation activities, previously estimated to be at least as important in total as those of CO2 alone is fully confirmed by the report." https://ec.europa.eu/clima/news/updated-analysis-non-co2-effects-aviation_en
Abadie
@Fréderic, je viens de lire l'article de la Commission dont vous nous avez transmis le lien, il indique que la combustion de certains carburants produit des composants hors CO2 dont l'effet sur le climat est tout aussi important que le CO2. Il cite les NOx, les suies, les vapeurs d'eau, les sulfates, lestrainées de condensation, tout en indiquant que l'évaluation de ces effets est complexe et doit être approfondi par des mesures sur différents carburants dans différentes conditions d'exploitation. Il y aurait même un effet de refroidissement!! Il faudra attendre pour en savoir plus sur ces effets. Ensuite, en relisant l'article, il est dit que le remplacement de 16% de kérosène par des huiles brulées retraitées a permis une réduction de 15% du CO2 rejeté. Quid si on augmente ce pourcentage? 96% de SAF correspondrait à une réduction 90 % de CO2? Pas mal, en plus ce SAF est renouvelable, mais comme l'indique Victor, la production est insuffisante. Déjà que le prix de l'huile d'olive va augmenter, il exploserait si on prélevait toute sa production pour le transformer en SAF. Heureusement j'ai plusieurs oliviers sur mon terrain qui me permettent de produire 10l d'huile par an réservé à notre seule consommation, mais elle est insuffisante pour couvrir le besoin de toute notre famille.
Abadie
Paul Calonna, directeur de l'INRA, dans son article dans COE " Les biokérosenes, la solution pour decarbonner l'aviation ?" indique que ke taux de biocarburant ne peut deoasser 50%, et qu'il est difficile de mesurer les effets sur la réduction en tremes de gaz à effet de serre. Je doute que 50% de biocarburant corresponde à 50% de réduction de CO2.

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