- Connaissance des Énergies avec AFP
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Le patron Europe du groupe pétrolier américain ExxonMobil, Philippe Ducom, salue jeudi le vote du Parlement européen qui permet "d'éliminer les aspects les plus néfastes" de la loi sur le "devoir de vigilance" des grandes entreprises, mais veut encore réduire la "complexité réglementaire".
« On a été beaucoup trop loin »
"Le vote d'aujourd'hui est un pas dans la bonne direction", se félicite auprès de l'AFP le groupe, qui exhorte maintenant "les décideurs" à aller encore plus loin. "Parler des droits humains, du travail des enfants, évidemment, tout le monde soutient cela, mais avec cette directive, on a été beaucoup trop loin", soutient Philippe Ducom dans un entretien à l'AFP.
Il note que l'ancien commissaire européen Mario Draghi, auteur d'un rapport retentissant sur la perte de compétitivité en Europe, pointait notamment la complexité administrative. "L'Europe est maintenant devenue une région très peu compétitive, où on a beaucoup de mal à faire des investissements", regrette le dirigeant d'ExxonMobil.
Grâce à une alliance de la droite et de l'extrême droite, les eurodéputés ont approuvé jeudi le démantèlement des principales ambitions du texte, la directive dite CS3D (ou CSDDD), en réduisant le champ des entreprises concernées et en supprimant certaines de leurs obligations sociales et environnementales.
Sous peine de sanctions, la loi adoptée en 2024 obligeait les entreprises de plus de 1 000 salariés à prévenir et remédier aux violations de droits humains (travail des enfants, travail forcé, sécurité...) et aux dommages environnementaux tout au long de leurs chaînes de valeur, y compris chez leurs fournisseurs dans le monde.
Omnibus 1, un ensemble de textes de simplification
Mais le texte s'est retrouvé percuté par le virage "pro-business" de l'Union européenne, fragilisée par la concurrence avec la Chine et les droits de douane américains. La Commission avait déjà reporté d'un an son entrée en vigueur de 2027 à 2028, mais Bruxelles veut aller plus loin avec un ensemble de textes de simplification, dits "Omnibus 1", dont fait partie la CS3D.
Le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron avaient eux-mêmes plaidé en mai pour la suppression pure et simple de cette directive.
Une "abrogation complète" également réclamée par les patrons de TotalEnergies Patrick Pouyanné et de Siemens AG Roland Busch dans une lettre adressée en octobre aux deux chefs d'Etat, au nom de 46 entreprises réunies aux rencontres franco-allemandes d'Evian à la rentrée.
La major ExxonMobil, présente depuis 130 ans en Europe, notamment dans le raffinage et la chimie pétrolière, n'a pas non plus ménagé ses efforts pour "apporter ces messages" auprès des Etats et de la Commission, admet Philippe Ducom.
Un « coup très dur » pour les ONG
Dans un communiqué commun, dix ONG, dont Sherpa et les Amis de la Terre France, ont dénoncé "des demandes de lobbies omniprésents", émanant notamment des multinationales pétro-gazières et un "coup très dur" porté à la vigilance sociale et environnementale, en pleine conférence climatique de l'ONU, la COP 30, à Belém.
Dans le sillage des États membres, le Parlement a relevé le seuil des entreprises concernées à plus de 5 000 employés et plus d'1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel.
En particulier, ExxonMobil se félicite de la suppression de l'obligation faite aux entreprises de publier un plan de transition pour l'atténuation du changement climatique, ce que M. Ducom juge "complètement irréalisable". "On a nos propres engagements pour décarboner nos opérations de production (...) mais on ne peut pas s'engager à ne pas produire des produits dont a besoin la société", insiste le dirigeant.
La loi largement détricotée, ExxonMobil invite désormais les décideurs "à écouter les voix des entreprises internationales (...) sinon, cela restera une pilule empoisonnée pour les investisseurs et un obstacle à de meilleures relations commerciales entre les États-Unis et l'UE", assène-t-il.
Le groupe veut que la portée de la directive soit limitée aux entreprises européennes et aux entreprises étrangères avec une activité directe en Europe, mais pas les activités en dehors de l'UE. "On a déjà des cadres réglementaires là où on travaille, aux États-Unis, en Australie, partout dans le monde", argue M. Ducom.