Engine N°1, le petit fonds qui a bousculé le géant pétrolier ExxonMobil

  • AFP
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Le géant pétrolier américain ExxonMobil, après avoir repoussé efficacement les assauts des militants pour l'environnement pendant près de 20 ans, a plié face à la petite société d'investissement Engine N°1 à qui elle a dû céder trois sièges au conseil d'administration.

Le groupe était parvenu jusqu'ici à écarter presque toutes les résolutions déposées à son assemblée générale par des activistes s'alarmant du changement climatique. La direction a bien tenté cette année encore de faire barrage aux revendications d'Engine N°1 qui l'appelle à miser moins sur les hydrocarbures et plus sur les énergies renouvelables. En vain.

La société d'investissement basée à San Francisco n'est pourtant pas un poids lourd de la finance : créée fin 2020, elle ne possède que 0,02% du capital d'ExxonMobil. Mais elle a su jouer sur les frustrations de certains investisseurs face à une direction apparemment sourde aux préoccupations environnementales et à des finances fragilisées.

ExxonMobil était encore en 2013 le groupe privé valant le plus cher en Bourse au monde avant que son étoile ne pâlisse. Après avoir encaissé la chute des cours de l'or noir au début de la pandémie, la société a été expulsée à l'été 2020 du prestigieux indice boursier Dow Jones.

"Il est vraiment ironique qu'une entité avec une si petite participation ait pu impulser un tel changement", remarque Stewart Glickman, spécialiste du secteur énergétique pour le cabinet CFRA. Pour parvenir à ses fins, Engine N°1 a su convaincre les acteurs-clé comme le fonds d'investissement Blackrok, détenteur de nombreuses actions ExxonMobil.

Pour Andrew Logan, de l'ONG environnementale Ceres, Engine N°1 a profité de sa nouveauté. "Arriver en n'ayant aucun passif avec l'entreprise leur a permis d'ouvrir des portes". Engine N°1 a aussi "trouvé le juste équilibre, en reconnaissant l'importance de la lutte contre le changement climatique mais en insistant avant tout sur le programme d'investissements d'Exxon et sa stratégie", ajoute-t-il.

Fin du statu quo

Baptisé d'après la première caserne de pompiers de San Francisco, Engine N°1 a été fondé par Christopher James, un riche investisseur de la tech. Il a été soutenu dans sa campagne contre ExxonMobil par Charles Penner, qui travaillait auparavant auprès de la société d'investissement activiste Jana Partners.

Sur son site, l'entreprise dit "croire que la performance d'une entreprise est grandement améliorée par les investissements qu'elle fait dans ses employés, les communautés et l'environnement". Engine N°1 gère 240 millions de dollars et a seulement 22 employés, selon un document transmis aux autorités boursières.

Sollicitée par l'AFP, la société n'a pas souhaité fournir de détails mais a renvoyé vers des déclarations critiquant les investissements d'ExxonMobil dans des projets pétroliers à faibles rendements et son absence de stratégie en cas d'accélération des politiques gouvernementales contre le changement climatique.

Armé d'une présentation fouillée de 80 pages, le groupe a cherché à convaincre les investisseurs que les actions prévues par le géant pétrolier pour réduire ses émissions de carbone n'étaient plus dans le coup. Il a parallèlement présenté des candidats qui n'étaient pas des militants environnementaux mais des femmes et hommes d'affaires expérimentés dans le secteur de l'énergie.

Ses nouveaux représentants au conseil d'administration d'ExxonMobil sont Gregory Goff, ancien patron de la société de raffinage Andeavor, Kaisa Hietala, qui a travaillé pour la société de carburants renouvelables Neste, et Alexander Karsner, qui a un temps servi au ministère américain de l'Energie. Le quatrième candidat présenté par Engine N°1, non élu, était Anders Runevada, ancien directeur général du numéro un mondial de l'éolien, le groupe danois Vestas.

ExxonMobil avait affirmé avant le vote, le 26 mai, qu'aucun d'entre eux ne "répondait aux normes ou aux besoins" de son conseil d'administration. Il a depuis changé de ton, déclarant "avoir hâte de travailler avec eux de façon constructive et collective au service de tous les actionnaires".

Reste à voir quelle sera leur influence réelle sur la stratégie d'Exxon même si leur seule accession au conseil d'administration "signifie que le statu quo n'est plus acceptable", souligne Dan Pickering, du cabinet spécialisé Pickering Energy Partners.

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