EPR de Flamanville : la répartition de la manne financière entre collectivités, gros enjeux et quelques jalousies...

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"C'est comme ça qu'on paie l'acceptation sociale du nucléaire" : le militant antinucléaire André Jacques montre du doigt les bâtiments rutilants pour lesquels la commune de Les Pieux (Manche) s'est endettée en attendant la mise en service de l'EPR voisin de Flamanville.

Lancé dans une visite des infrastructures payées par l'argent de l'électricité nucléaire, le président du Crilan (Comité de réflexion, d'information et de lutte anti-nucléaire), André Jacques, parle d'un "aménagement exemplaire" : crèche, gymnase, maison médicale, école de musique...

Mais durant les douze années de retard prises par le chantier de l'EPR à Flamanville, les cartes de la répartition de cette manne financière ont été rebattues.

L'agglomération du Cotentin a été créée en 2017, pour regrouper 132 communes dont Flamanville et Les Pieux, et gère désormais les retombées fiscales du nucléaire. "Au lieu de 22 millions, nous ne recevons que 383 000 euros cette année", se désole Jacques Leseigneur, premier adjoint à la maire de Les Pieux, une commune de 3 200 habitants, située à quelques kilomètres de la centrale.

"Nous avons construit de l'habitat, la piscine, un centre hippique, rénové de la voirie" avec les retombées économiques de la construction des deux réacteurs de la centrale existante dans les années 1980, explique M. Leseigneur.

Pour l'année 2023, EDF a indiqué à l'AFP avoir contribué pour la centrale nucléaire de Flamanville "à hauteur de 22,8 millions en matière de fiscalité, dont 8,9 millions pour la seule taxe foncière". La mairie de Flamanville recevrait une grande partie de l'impôt foncier bâti mais n'a pas répondu aux demandes de l'AFP.

Depuis 2005 et la décision de construire l'EPR à Flamanville, la communauté de communes des Pieux a encore investi, pensant alors qu'elle bénéficierait de ses revenus: un centre culturel, un complexe sportif, un pôle santé et enfance, une école de musique. En attendant la mise en service de l'EPR, désormais prévue avant la fin 2024, elle a bénéficié du plan "grand chantier" de développement territorial, 123 millions d'euros, financé par l'Etat et EDF. Mais cela n'a pas suffi.

« Solidarité financière »

Car en 2017 la nouvelle communauté d'agglomération du Cotentin a récupéré le trésor du nucléaire pour le partager avec des zones jusque-là oubliées. Son président David Margueritte (LR) souhaite que "la ressource du nucléaire bénéficie à l'ensemble du territoire pour rendre le Cotentin plus attractif".

"L'EPR devait démarrer en 2012, puis en 2017, pendant des années on n'a pas eu de ressources sur lesquelles on s'était construits", regrette M. Margueritte. "Nous allons à nouveau être en capacité d'investir" avec le démarrage prévu de l'EPR, explique-t-il. "Nous avons touché une première somme de 700 000 euros en 2022 pour la CFE (Cotisation foncière des entreprises, ndlr), 1,6 million en 2023, et nous nous attendons à un nouveau produit en année pleine une fois l'EPR raccordé au réseau." "On investissait 15 millions en 2020, on va passer à 50-60 en 2024", prévoit le président. "Car le démarrage du réacteur, "c'est 25 à 30 millions d'euros en ressources fiscales supplémentaires."

La "solidarité financière" promise par M. Margueritte permettra d'alléger les dettes de la mairie de Les Pieux : les aides de fonctionnement vont tripler, la piscine sera désormais gérée par l'agglomération, mais pas l'école de musique par exemple.

Ca n'est pas suffisant pour l'adjoint au maire, M. Leseigneur: "Aujourd'hui on ne peut plus investir, nous n'avons même pas de quoi faire fonctionner certains équipements, nous avons été spoliés."CL'élu chiffre aujourd'hui "un million d'euros de déficit" et déclare sa commune "en difficulté".CAu pizza-grill "Le Local", la serveuse Mathilde a "forcément un peu peur" du nucléaire, mais loue cette industrie qui "brasse de la clientèle et fait vivre toute la région".

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