Réacteur nucléaire « EPR »

Chantier de l'EPR de Flamanville

Chantier de l'EPR de Flamanville, devant les réacteurs de 2e génération en service. (©EDF-Alexis Morin)

Définition

L’EPR est un système de production d’électricité de forte puissance (de l'ordre de 1 660 MW de puissance nette) qui utilise la fission nucléaire et de l’eau sous pression comme caloporteur, dans un ensemble à très forte sûreté.

L'EPR est présenté comme un réacteur évolutionnaire de génération 3+ par son constructeur, l’industriel français Framatome (anciennement Areva). Le CEA classe l’EPR comme un réacteur de 3e génération, censée préparer la rupture technologique que devraient représenter les réacteurs à neutrons rapides ou « surgénérateurs » de 4e génération.

Ce réacteur est une version modernisée des REP de 2e génération, utilisant des techniques plus efficaces et plus sûres. Il a un meilleur rendement que les réacteurs actuels et dispose de systèmes redondants de sûreté ainsi que d'une épaisse enveloppe de confinement en béton.

Le sigle EPR :

  • signifie « European Pressurized Reactor » pour les réacteurs de la première version, qui sont les 4 déjà en service en Chine, Finlande et France et les 2 en construction en Angleterre
  • est devenu « Evolutionary Power Reactor » ou « EPR 2 » pour les réacteurs de la deuxième version, dont la construction n'a pas encore été lancée.

Il désigne plus largement le système global intégrant notamment l’enveloppe protectrice en béton, les systèmes de sécurité, le groupe turbo-alternateur qui assure la production d’électricité ou bien encore des constructions de génie civil.

Fonctionnement

L’EPR fonctionne selon les mêmes principes généraux que ses prédécesseurs, les réacteurs à eau sous pression (REP) de deuxième génération aujourd’hui en fonctionnement, utilisant des neutrons lents ralentis par de l’eau.

La production d’électricité dans un réacteur nucléaire

On exploite aujourd’hui au cœur du réacteur la fission d’un isotope instable de l’uranium (uranium 235). Des réactions en chaîne se produisent : un atome d'U235 perd spontanément un neutron qui, après un ralentissement dit « modération », va percuter un autre atome d'U235. Selon le même processus, cet atome va lui même perdre un neutron qui va percuter un autre atome d'U235 et ainsi de suite.

Dans les réacteurs à eau légère, la réaction en chaîne est modérée et la chaleur évacuée par de l’eau sous pression (PWR ou REP) ou bouillante (BWR). Cette chaleur est utilisée pour produire de la vapeur et entraîner une turbine couplée à un alternateur générant de l’électricité. Les réacteurs à eau sous pression produisent plus de la moitié de l’électricité nucléaire dans le monde (299 REP sur les 442 réacteurs « opérationnels » du parc nucléaire mondial en mars 2020 selon l'AIEA)(1).

La fission nucléaire est le phénomène par lequel le noyau d'un atome lourd instable (uranium, plutonium) se désintègre en plusieurs noyaux plus légers en éjectant un neutron avec un dégagement d’énergie très important. Les neutrons émis désintègrent à leur tour d’autres noyaux dans une « réaction en chaîne ». Elle est contrôlée et maîtrisée pour rester à un niveau souhaité et dans les limites nécessaires pour garantir la sécurité.

Les caractéristiques de l’EPR

Par kWh produit, l’EPR consomme de 7 à 15% d'uranium en moins que les réacteurs de seconde génération. De plus il peut employer du combustible MOX recyclé à hauteur de 100%. Ceci engendre une réduction d'approximativement 10% de la quantité de déchets à vie longue (éléments radioactifs à vie longue) produite par kWh(3).

Autre différence : la puissance d’un réacteur EPR (de l'ordre de 1 660 MW de puissance nette) est supérieure à celle des réacteurs de deuxième génération, dont la puissance unitaire est comprise entre 880 MWe et 1 500 MWe en France.

Puissance et rendement

Le réacteur nucléaire affiche une puissance électrique nette de 1 570 MW dans le cas de l'EPR de Flamanville 3 selon Framatome(2). Sa puissance thermique est de 4 850MW.

Le rendement thermique annoncé est de 37% contre 33% pour les réacteurs de la génération précédente(3). Ce gain s’explique par une augmentation de la pression du circuit secondaire (78 bar au lieu de 65 environ) et donc de sa température.

L’EPR devrait être capable d’utiliser 100% de combustible MOX recyclé pour produire de l’électricité. Le combustible MOX (Mélange d'Oxydes) est un combustible nucléaire fabriqué avec du plutonium 239, créé par capture neutronique de l'uranium 238 au sein des réacteurs puis isolé lors du retraitement des combustibles irradiés. L’oxyde de ce plutonium est mélangé avec celui de l'uranium appauvri issu de l'étape d'enrichissement du combustible.

La durée de vie prévue pour l’EPR est de 60 ans pour les éléments non remplaçables, contre 40 ans initialement pour les réacteurs actuels.

Sécurité

4 systèmes redondants contrôlent la sûreté du système et notamment du réacteur. Un seul suffit à empêcher des dérives potentiellement dommageables. Les probabilités d’accident grave ont ainsi été réduites d'un facteur dix par rapport au dernier modèle (palier N4) des réacteurs construits en France, déjà considéré comme très sécurisé. 

Une double enceinte protectrice de béton de 2,6 mètres d’épaisseur protège le réacteur et confine toute la matière nucléaire à l’intérieur. Cette protection conçue pour résister à des accidents internes protège aussi le réacteur de toutes les atteintes extérieures, telles que des chutes d’avions (les études sont toutefois classées secret défense sur ce point). Cette protection physique est complétée par la dispersion géographique des bâtiments sensibles. Enfin, le réacteur est fixé sur une très épaisse plaque de béton qui évite, en cas de fonte du cœur, la fuite de matière nucléaire dans les sols et joue aussi un rôle de protection contre les séismes.

La configuration modulaire de l’EPR permet le remplacement rapide d’un composant tout en exposant peu le personnel aux radiations, y compris lorsque le réacteur est en service.

Les différences entre EPR et EPR 2

Sur la base des enseignements tirés des constructions des premiers EPR, l'EPR2 présente des modifications dès la conception, avec une seule paroi de béton plutôt que double. Il sera équipé de trois systèmes de sauvegarde et abandonnera le concept des "Two rooms", rendant impossible la maintenance du circuit primaire pendant le fonctionnement.

Quant à la signification du sigle, il évolue : l'EPR2 signifie désormais "Evolutionary Power Reactor", remplaçant les désignations antérieures de "Excellence Pressurized Reactor" ou "European Pressurized Reactor".

Enjeux du réacteur de troisième génération

Enjeux économiques

L’EPR a été conçu pour accroître la compétitivité de l’électricité nucléaire et remplacer les réacteurs de 2e génération vieillissants. La durée de vie attendue de l’EPR est longue (60 ans) et sa conception est fondée sur des technologies éprouvées et d’ores et déjà disponibles.

En France, le chantier de l’EPR de Flamanville (dont EDF est maître d’œuvre) rencontre toutefois de grandes difficultés : il devait être mis en service en 2012 selon le calendrier initial, mais a fait l'objet de 12 ans de retard. Le coût de construction du projet est passé de 3 à 19 milliards d’euros.

Enjeux de sûreté

La sûreté a été une variable importante dans la conception du réacteur. Les 4 systèmes de sécurité redondants et l’épaisse enveloppe de confinement en béton doivent réduire considérablement le risque d’accident nucléaire grave, qu’il soit accidentel ou intentionnel.

Ainsi, si un accident de fusion du cœur se produisait, un « récupérateur de corium » recueillerait la partie du cœur fondu qui aurait traversé la cuve, protégeant ainsi le sol de toute contamination.

Le récupérateur de corium de l'EPR (©Connaissance des Énergies, d'après CEA)

Schéma du récupérateur de corium de l'EPR (©Connaissance des Énergies, d'après CEA)

Le scénario terroriste de crash d'un avion de ligne a été pris en compte par Areva durant le développement de l’EPR.

L’importance des certifications

Le temps nécessaire à un constructeur pour obtenir la certification des autorités de sûreté nucléaire nationales est déterminant. Celle délivrée par la NRC (États-Unis) est particulièrement importante car elle ouvre non seulement les portes du marché américain mais est aussi reconnue par plusieurs pays comme la Chine ou l’Inde.

Acteurs majeurs

Framatome (anciennement Areva)

La division Areva NP (Nuclear Power) a conçu l’EPR.

EDF

Électricité de France (EDF) est la principale entreprise de production et de fourniture d'électricité dans le monde et a fortiori en France. Elle exploite l’intégralité des réacteurs nucléaires français. EDF est également en charge de la maîtrise d’œuvre de la construction de l’EPR de Flamanville.

Les entreprises concurrentes

Les concurrents sont en train d’élaborer des versions avancées de leurs réacteurs répondant aux mêmes exigences de sûreté et de taille. Les puissances atteignent de 1 200 à 1 700 MW tandis que la probabilité d’un accident grave a été réduite à moins d’une chance sur dix millions par an.

Par exemple, le VVER 1200 de Rosatom et l’ABWR de General Electric ne diffèrent de leurs prédécesseurs que par leur dimensionnement. Des nouveaux réacteurs sont développés avec une simplification du refroidissement en cas d’accident. Cette nouvelle conception, dite « à sûreté passive », consiste à utiliser la gravité pour le refroidissement, en plaçant des piscines géantes au-dessus du réacteur. Ce faisant, le nombre des circuits de sûreté peut être diminué quasiment de moitié tout en atteignant les niveaux de sûreté requis.

De son côté, la Chine s’équipe en centrales de 1 000 MW de deuxième génération sur le modèle français et entend les vendre à l’étranger. Parallèlement, elle s’équipe aussi avec des réacteurs de 3e génération sinisés.

Enfin les Coréens et les Japonais sont très actifs pour proposer des modèles en association avec des constructeurs américains dans des gammes de puissance variées et avec de hauts standards de sûreté.

EPR construits, en cours et en projet

A l'heure actuelle, 4 EPR sont en service : 2 en Chine (Taishan), 1 en Finlande (Olkiluoto 3) 1 en France (Flamanville 3). 2 autres sont en construction au Royaume-Uni (Hinkley Point C). 19 à 32 autres sont en projet à travers le monde

Les EPR en service

La Chine dispose des deux premiers EPR en service (depuis décembre 2018 pour la première tranche et septembre 2019 pour la seconde) dans le monde au sein de la centrale de Taishan (exploitant : CGNPC).

La Finlande a démarré en décembre 2021 un autre EPR à Olkiluoto (chantier débuté fin 2005, exploitant : TVO).

La France a terminé la construction de son EPR à Flamanville à la mi-2024. La construction avait démarré mi-2007 (futur exploitant : EDF).

Les EPR en chantier

La Grande-Bretagne est en train de construire 2 EPR à Hinkley Point C au Royaume-Uni, depuis fin 2018 (futur exploitant : EDF Energy, filiale de l'électricien français).

Les EPR en projet

Le renouvellement des centrales nucléaires installées dans les années 1980 pourrait laisser place aux réacteurs de troisième génération puis progressivement aux réacteurs de quatrième génération plus performants et actuellement en cours d’étude.

Les réacteurs de nouvelle génération, dont l’EPR, pourraient aussi profiter de l’ouverture de nouveaux marchés.

6 à 14 sont projetés en France, 4 à 6 en Pologne, 1 à 4 en République Tchèque, 1 en Slovénie, 1 aux Pays-Bas, 6 en Inde.

 Certains pays émergents envisagent aussi d’en acquérir.

Retards, surcoûts, déboires : les dates clés de l'EPR de Flamanville et des autres projets

Conçu pour offrir une plus grande puissance et une sécurité accrue, le réacteur nucléaire EPR de Flamanville a connu de multiples retards et surcoûts, après les déboires des premiers EPR en Chine et en Finlande.

Voici les dates-clés de cette technologie principalement française, qui doit commencer à produire de l'électricité cet été en Normandie.

1992 : naissance en France

L'EPR pour "European Pressurized Reactor" naît en 1992 d'une entreprise commune entre le groupe français Framatome (qui ensuite deviendra Areva) et l'allemand Siemens. Cette nouvelle génération de centrale nucléaire reçoit un premier feu vert officiel du Premier ministre UMP (droite) Jean-Pierre Raffarin en avril 2004.

En octobre, le groupe public français d'électricité EDF sélectionne le site nucléaire de Flamanville (Manche, ouest de la France) pour y implanter un premier réacteur EPR. Démarrage du chantier le 3 décembre 2007.

2003 : contrat finlandais

En décembre 2003, le consortium Areva-Siemens signe un contrat avec la compagnie d'électricité finlandaise TVO pour la construction d'un réacteur EPR sur le site d'Olkiluoto à Pori (sud-ouest de la Finlande) pour 3 milliards d'euros. Les travaux commencent en septembre 2005.

2007 : deux réacteurs en Chine

À l'occasion d'une visite en Chine du président Nicolas Sarkozy (UMP), Areva annonce en novembre un accord pour la construction de deux EPR à Taishan (sud de la Chine) pour un total de 8 milliards d'euros. Les travaux débutent en novembre 2009.

2011 : coup de froid après Fukushima

La catastrophe de Fukushima au Japon, le 11 mars 2011, provoque l'abandon de l'énergie nucléaire en Allemagne. Siemens se désengage en septembre de son entreprise commune, laissant Areva seule aux commandes des EPR.

L'accident nippon entraîne aussi le report du feu vert britannique pour des EPR et le gel d'un projet indien.

2015 : défauts de cuve et de soudures

Le gendarme français du nucléaire ASN (Autorité de sûreté nucléaire) alerte en avril sur une anomalie "sérieuse" dans la composition de l'acier de la cuve du réacteur de Flamanville. En juin, EDF révèle des défauts de soudures sur le circuit primaire.

Ces problèmes et d'autres entraîneront d'importants surcoûts et délais : la facture finale devrait dépasser les 13 milliards d'euros, quatre fois le montant évoqué à l'origine.

2016 : feu vert londonien

En septembre, Londres approuve la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point dans le Somerset (sud-ouest de l'Angleterre), pour 18 milliards de livres (21 milliards d'euros), principalement à la charge d'EDF. Début 2024, un retard de deux à quatre ans était envisagé avec un quasi-doublement de la facture initiale.

2018 : EDF avale l'atome

Début 2018, EDF reprend la branche réacteurs nucléaires d'Areva dans le cadre d'un plan de sauvetage. L'ancien fleuron français de l'atome a souffert des déboires de l'EPR finlandais. TVO et Areva s'accusent mutuellement d'être responsable des importants retards et surcoûts de ce réacteur. Leur différend est soldé en mars 2018.

2018 : mise en marche en Chine

Le 6 juin 2018, pour la première fois un EPR démarre. Il s'agit du premier réacteur de Taishan. Le réacteur numéro deux du même site commence à fonctionner en 2019.

Taishan 1 accumule ensuite les problèmes : premier arrêt en 2021 à cause d'une augmentation de concentration de gaz rares, puis nouvel arrêt en 2023 dû à un phénomène de corrosion.

2021 : démarrage en Finlande

Avec 12 ans de retard sur le calendrier d'origine, l'EPR d'Olkiluoto en Finlande démarre le 21 décembre 2021. Sa mise en service commerciale intervient le 16 avril 2023.

2022 : six nouveaux EPR en France

En février 2022, Emmanuel Macron annonce la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, une version simplifiée et optimisée, avec un objectif de première mise en service à horizon 2035, voire 2037. EDF veut construire les deux premiers EPR2 sur le site de Penly (Seine-Maritime, ouest de la France).

2024 : mise en service en France

Avec 12 ans de retard, l'EPR de Flamanville reçoit le 7 mai le feu vert pour sa mise en service. Le chargement du combustible nucléaire est achevé le 15 mai, préalable à une première réaction de fission nucléaire, dite opération de "divergence", qui devrait avoir lieu cet été, avant une connexion au réseau électrique et une montée en puissance progressive.

Flamanville 3 est le premier réacteur nucléaire mis en service en France depuis 22 ans.

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