Hydrogène « propre » : l'UE fait un pas pour résoudre son équation nucléaire

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L'accord conclu jeudi à Bruxelles pour doubler la part d'énergies renouvelables dans l'Union Européenne d'ici 2030 ouvre la voie à une possible résolution du conflit opposant Berlin à Paris sur le recours ou non à l'énergie nucléaire pour produire de l'hydrogène propre.

À quoi sert l'hydrogène ?

L'hydrogène produit de façon industrielle sert dans l'industrie pétrochimique, dans l'électronique, comme réactif pour fabriquer des fibres textiles, ou de carburant pour les fusées.

À l'avenir, l'hydrogène doit remplacer le pétrole, le charbon ou le gaz des industries qui en consomment le plus: sidérurgie, raffineries ou industrie cimentière mais aussi les transports lourds ou intensifs (avions, trains, camions, bateaux, taxis).

Troisième utilisation, il doit faciliter l'intégration de l'électricité éolienne ou solaire dans les réseaux et systèmes énergétiques, car il permet de stocker l'électricité renouvelable via les piles à combustible.

Tout ceci à une condition: qu'il soit lui même produit de façon propre, et non plus avec des énergies fosiles.

Comment le fabrique-t-on ?

A plus de 95% dans le monde, l'hydrogène est actuellement issu du "réformage" du gaz méthane. La molécule d'hydrogène (H2) est extraite du méthane (CH4). Ce qui libère aussi parallèlement de gigantesques quantités de carbone (C), néfastes pour le climat.

Pour fabriquer l'hydrogène "proprement", il faut recourir à l'électrolyse de l'eau. En faisant passer un courant électrique dans de l'eau, on fracture la molécule H20 en ses deux éléments principaux: l'hydrogène (H) et l'oxygène (O). Pour cela, il faut des machines appelées électrolyseurs, alimentées en électricité propre.

L'UE vise 20 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable d'ici à 2030 pour répondre aux besoins de décarbonation de son industrie et de ses transports: 10 millions de tonnes produites sur le marché intérieur et 10 millions de tonnes importées.

La France une dizaine d'autres pays insistent pour que l'électricité nucléaire soit traitée comme l'électricité solaire ou éolienne pour produire cet hydrogène propre, puisqu'elle n'émet indirectement que peu de CO2.

Que prévoit l'accord trouvé jeudi ?

L'accord prévoit de rehausser à 42,5% l'objectif de consommation d'énergies renouvelables en 2030 dans l'UE, contre 32% auparavant.

Il ne reconnaît pas l'électricité issue du nucléaire comme électricité renouvelable, comme l'aurait souhaité la France.

Mais il "consacre la reconnaissance du rôle de l'énergie nucléaire dans l'atteinte des objectifs de décarbonation" européenne, s'est félicitée la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier Runacher, qui y voit une "avancée de principe importante".

En effet, si l'accord prévoit que la part d'hydrogène renouvelable dans l'hydrogène utilisé par l'industrie devra atteindre 42% d'ici 2030 et 60% d'ici 2035, l'objectif est assoupli pour les pays disposant d'un parc nucléaire à même de produire de l'hydrogène décarboné.

Comment produire tout cet hydrogène ?

"Ce sera un effort important", commente le cabinet de la ministre française. "Car pour atteindre des taux d'hydrogène fossile très faibles, il faut déployer des électrolyseurs partout".

Sur ce sujet, l'Europe est d'ailleurs plutôt en avance sur le reste de la concurrence mondiale. L'Allemagne et la France ont chacune prévu 9 milliards d'euros pour encourager le déploiement de l'hydrogène.

L'UE déploie ses programmes PIIEC pour subventionner les innovations de rupture dans ce domaine. Et une banque européenne de l'hydrogène doit être opérationnelle d'ici fin 2023. Avec quelques 3 milliards d'euros de financement, elle doit lancer les premières enchères pour financer des projets qui accompagneront la transition.

La France souhaite arriver à 6,5 gigawattheures de capacité installée de production d'hydrogène avec électrolyseurs en 2030, contre 13 mégawattheures actuellement.

Le pays prévoit la construction de 10 usines liées à l'hydrogène implantées dans 7 régions.

Parmi les projets français, une gigafactory de McPhy à Belfort (est de la France) pour des électrolyseurs alcalins de nouvelle génération. L'entreprise Elogen à Vendôme (Centre-ouest) doit fabriquer des "stacks", des pièces d'électrolyseurs. A Beziers (Sud), Genvia, issu de la recherche du CEA, prévoit des électrolyseurs de nouvelle génération.

Enfin, là où les Etats s'opposent, les industriels parfois se réunissent: en Allemagne, le groupe français Air Liquide allié à l'Allemand Siemens Energy prévoient en commun une usine produisant en série des électrolyseurs hydrogène de taille industrielle, alimentés par de l'énergie renouvelable.

Commentaires

Denis Margot

« Ce qui libère aussi parallèlement de gigantesques quantités de carbone (C), néfastes pour le climat. » Non, sauf erreur, le reformage ne libère pas du C, mais du CO et du CO2 (gazeux). Si c’était du C, ce serait tout bénef, le C étant solide, ce n’est pas un GES. Le terme décarbonation contient l’idée malheureuse de réduire/supprimer le carbone, mais c’est l’inverse qu’on veut faire, on veut au contraire fabriquer du C (solide, et sous forme de pas mal de molécules organiques, dont notamment la cellulose et la lignine avec la biomasse) à partir de C gazeux (CO et CO2).

Par ailleurs, il est normal de ne pas considérer le N comme une énergie renouvelable, ce n’en est pas une, mais c’est une énergie très décarbonée. Il est par contre cavalier d’imposer un objectif de 42,5% d’ENR en 2030, encore une fois, on se trompe de cible. La cible, c’est la décarbonation, avec ou sans ENR.

Reg

Oui, la production d'hydrogène "gris" (à partir de gaz naturel) émet du CO2. Beaucoup de CO2 : 11Kg de CO2 pour 1 Kg d'H2 produit).
Seule la production d'hydrogène "vert" (via électrolyse de l'eau) à partir d'énergies Renouvelables est bon pour notre toute petite planète.

Blaizot

Pour faire une tonne d’hydrogène par électrolyse, il faut détruire 10 tonnes d’eau … en même temps on annonce un grand plan pour diminuer les consommations : comprenne qui pourra …

Reg

Hydrogène pris de l'eau mais qui redeviendra très vite sous forme eau avec un peu d'oxygène via oxydoreduction / pile à combustible. L'hydrogène ne sert que de vecteur d'énergie. Tout se transforme, avec gain ou perte d'energie, rien ne se perd (pas comme mes clefs).

Blaizot

Oui mais pas du tout au même endroit et sous forme complètement dispersée et souvent vapeur (d’eau)

Blaizot

Et comme on peut le lire la moitié (10 Mt) sera fabriquée …ailleurs ( lire en Afrique) et utilisée en…Europe ; ce n’est pas seulement de l’h2 qu’on importe mais de l’eau ( par recombinaison avec O2) …. sans vraiment l’annoncer . Destruction d’eau en Afrique, production d’eau (dispersée mais retournant pro parte dans nos nappes) en Europe… pas très nouveau comme deal : type traite négrière ?

Goldorak

Tout dépend de l'eau utilisée.
Il peut s'agir d'eau de mer. ce qui ne pose pas de soucis d'eau douce (mais demande une désalinisation en amont)

Yann

L'hydrogène est une fausse bonne idée, remplacer l'hydrogène gris par du vert et l'utiliser là où l’électricité ne convient pas est le périmètre utile de ce combustible secondaire.
Comme indiqué par Blaizot il faut une quantité non négligeable d'eau brute mais surtout c'est un parcours de destruction de la valeur énergétique quand on veut l'utiliser en stockage pour palier à l’intermittence des énergies renouvelables. Pour faire un kWh d'H2 il faut 1,6 kWh électrique et ensuite pour refaire de l'électricité ce sera avec un CCGT dont les meilleurs rendements sont à 60% donc il faut plus de 2kWh électrique pour en restituer 1.
La France y voit intérêt par le débouché offert au nucléaire qui aujourd'hui a un taux de disponibilité très bas en raison de la flexibilité qu'il lui est demandé pour répondre aux intermittences du renouvelable dont la part augmente dans le mix électrique.
Comme l'indique Denis Margot, l'enjeu est bien de décartonner l'énergie et donc de produire du C.
Pour y arriver il faut avoir une énergie très chère même si c'est socialement et politiquement inaudible, ce qui permettrait : (i) de donner un sens économique à l’efficacité énergétique, (ii) de financer des programmes de R&D pour "re-fossiliser" le CO2.

Brigitte Bertin

Je me demande qui conseille nos dirigeants...
Entre l'H2 et les biocarburants pour les flottes de véhicules utilitaires lourds, d'après les infos dont je dispose, le coût de production est défavorable à l'H2. Le bilan carbone aussi...
Les pays du Sud seront producteurs d'H2 "propre" avec du solaire. Le problème c'est l'eau. Non seulement il en faut beaucoup mais il faut qu'elle soit ultra pure, filtrée par osmose inverse, ce qui augmente le coût de production. Ensuite, il faudra transporter H2 sous forme liquide, ce qui nécessite du froid...donc de l'énergie surtout au Sud...
Bref, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple?
La biomasse est une voie prometteuse et écologique. Produire de l'H2, les bactéries peuvent le faire. Produire des biocarburants, les algues peuvent le faire. Recycler le CO2, les algues et les bactéries peuvent le faire....
Je suis biologiste donc je prêche pour ma paroisse mais il me semble qu'il faut regarder aussi dans cette direction. C'est l'avenir!!

Jean-Luc Brizon

Avec la montée des eaux de mer, pourquoi pas désaliniser puis électrolyser ?

Albatros

Bonjour.
Il semble bien que l'hydrogène "propre" ne soit qu'une chimère, effectivement. Ou une "énergie du futur" qui est destinée à le rester très longtemps.
Aujourd'hui, c'est surtout un miroir aux alouettes et une manne de subventions publiques pour quelques petits malins qui profitent de l'actuelle et imbécile panique climatique, tout comme les profiteurs sans scrupules du domaine des énergies dites "renouvelables".
J'espère qu'on va se réveiller avant que le FMI ne prenne les rênes de notre pays ruiné par tant d'incompétences.
Courage à tous.

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