Au Moyen-Orient, le gaz prospère et exige toujours plus d'eau

  • AFP
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Un gigantesque gisement gazier, et à côté une usine d'approvisionnement en eau. À Oman, comme ailleurs au Moyen-Orient, la production d'énergies fossiles exige toujours plus d'eau, dans des régions en manque.

Aux portes du Roub al-Khali (le "Quart vide"), plus grande mer de sable au monde, BP exploite depuis fin 2017 avec Oman Oil le principal champ de gaz omanais. Bientôt 300 puits, partis pour fonctionner 20 à 30 ans.

Pour forer jusqu'à au moins 5 000 mètres, il faut de l'eau, nécessaire à la fracturation hydraulique, dit Stewart Robertson, gestionnaire opérationnel du site de BP Khazzan, rencontré fin novembre par l'AFP. "La roche est comme une grosse éponge avec de petits trous, nous injectons de l'acide et la pression ouvre légèrement les pores pour sortir le gaz", explique-t-il, jurant aussitôt de "l'attention portée à l'environnement".

Face à ce complexe, enchevêtrement massif de conduits, à des heures de route de la première ville, Veolia, géant français de la gestion de l'eau, a donc construit une installation chargée d'en fournir 6 000 m3 chaque jour. Cette eau, il faut la faire venir. BP a identifié une nappe à 50 km, acheminant la ressource par canalisations à travers ce territoire invariablement plat, zébré de pylones et de pipelines.

Il faut ensuite la traiter, pour obtenir une eau ultra-pure pour injection dans les puits d'extraction, une eau désoxygénée contre la corrosion des chaudières, ainsi que de l'eau potable pour les employés sur les "bases de vie". "Nous sommes un chaînon essentiel. Si on ne fournit pas la qualité requise, l'unité de BP s'arrête", souligne Xavier Vidal, directeur opérationnel de l'installation de Veolia, à l'occasion d'une visite de la direction du groupe, dont le PDG Antoine Frérot.

Recycler l'eau

Pour Jean-François Nogrette, vice-président de Veolia Technologies, "ce qu'on voit ici préfigure des situations attendues dans les années à venir en plusieurs endroits du Golfe". D'abord parce que les hydrocarbures proches de la surface étant souvent déjà exploités, l'extraction en profondeur exigera plus d'eau.

Jusqu'ici, le pétrole est en outre fréquemment extrait avec du gaz, en Arabie saoudite notamment. Mais celui-ci gagnant en valeur, les exploitants se tournent vers l'eau, explique encore M. Nogrette, dont l'entreprise mène par exemple auprès de Saudi Aramco des projets pilotes. En attendant, à Khazzan, l'eau d'injection, qui pourrait être recyclée, ne l'est pas, BP la stockant, avec sa saumure, son chlore et d'autres produits dans un bassin d'évaporation de 30 hectares.

Plus généralement, la question se pose aussi du sort de "l'eau produite" : la plupart des puits, quand ils expulsent du pétrole ou du gaz, sortent de l'eau - souvent un volume de pétrole pour deux ou trois d'eau. Mais les exploitants la recyclent peu, même si les solutions techniques existent: "on commence à avoir des réglementations en mer du Nord", note M. Nogrette.

"Le monde du pétrole doit évoluer, il commence", assure-t-il, évoquant des "ateliers" avec Total ou BP. "Le gaz naturel, comme le gaz de schiste ou le pétrole sont très dépendants de la ressource en eau", souligne Charles Iceland, expert au World Resources Institute (WRI).

Or, à l'avenir, "le Moyen-Orient aura besoin de plus en plus d'énergie pour sa propre consommation", dit-il. "La situation devrait donc empirer, sauf s'ils produisent de l'électricité avec des panneaux solaires, qui n'ont pas besoin de beaucoup d'eau et qui dans la région atteignent des prix raisonnables". À ce stade, l'exploitation des hydrocarbures, notamment du gaz, en plein boom mondial, n'est pas près de s'arrêter.

À Oman, qui tire là trois quarts de son budget, et veille à l'"omanisation" des personnels, BP est en train d'étendre le site de Khazzan de 50%, pour produire 42 millions de m3 par jour en 2020. En octobre, le sultanat a signé avec Shell un contrat d'exploration dans le sud-est. Et près de Khazzan, BP et ENI vont explorer un autre bloc, sur plus de 2 700 km2.

De son côté Veolia, sur l'eau industrielle ou municipale mais aussi la gestion de déchets pétrochimiques ou l'efficacité énergétique, espère doubler son activité au Moyen-Orient d'ici 2023, de 790 millions d'euros (3% aujourd'hui) à plus d'1,2 milliard.

Commentaires

Jean-François …

Le "double effet kiss-cool" du pétrole: pollution et assèchement des nappes aquifères!
Et pendant ce temps il y a des millions de gens qui n'ont même pas d'eau potable pour leurs besoins vitaux.
Monde de fous, quand tu nous tiens ...!!

HERRENSCHMIDT …

Cette information et la forme sous laquelle elle est donnée ne fait qu'illustrer avec acuité cette réalité : l'activité humaine ne crée pas de richesses. Elle ne fait qu'épuiser celles que la nature met à notre disposition gratuitement.

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