Le poids et les enjeux de la filière nucléaire en France

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La France avec ses 18 centrales et 56 réacteurs reste le pays au monde le plus dépendant de l'énergie nucléaire pour sa production électrique. Tour d'horizon du nucléaire français et de ses enjeux.

Deuxième parc au monde

Le parc nucléaire français est le deuxième plus important au monde derrière celui des États-Unis (93 réacteurs) avec un total de 56 réacteurs nucléaires (ou tranches) d'une puissance de production d'environ 61 000 mégawatts (MW).

Les centrales nucléaires françaises en activité, réparties sur 18 sites, fournissent environ 70% du total de l'électricité produite dans le pays. C'est de loin la plus forte proportion au monde devant la Slovaquie (53%), l'Ukraine (51%) et la Hongrie (48%).

À eau pressurisée

Les réacteurs français en activité utilisent tous la technologie dite de deuxième génération, à eau pressurisée et sont gérés par EDF. Après la fermeture en juin 2020 de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin, est) inaugurée en 1977, celle de Bugey (Ain, centre-est) est devenue la doyenne des centrales françaises en activité (mise en service en 1979).

La plupart des sites nucléaires en activité ont commencé à fonctionner dans les années 1980. C'est le cas pour Tricastin (sud), Gravelines (Nord), Flamanville (ouest) ou Cattenom (est). Les centrales les plus récentes sont celles de Chooz (nord-est), entrée en service en 2000 et de Civaux (centre) qui a démarré en 2002.

Durée de vie

En France, l'autorisation d'une installation nucléaire "est délivrée sans limitation de durée", selon l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière mène un réexamen approfondi tous les 10 ans. Les réacteurs français actuels avaient toutefois été conçus sur la base d'une "hypothèse" de 40 années de fonctionnement. EDF compte exploiter la plupart de ses réacteurs nucléaires jusqu'à 60 ans, sur le modèle de ce qui se fait aux États-Unis ou en Suisse.

En 2022, 11 réacteurs doivent subir des travaux de maintenance ou de contrôle, soit environ 20% du parc.

Démantèlement long et couteux

Le coût brut du démantèlement de l'ensemble des réacteurs à eau pressurisée avait été estimé en 2015 à 75 milliards d'euros par EDF, montant jugé sous-estimé par un rapport parlementaire de février 2017. EDF procède déjà à une dizaine de démantèlements. Il s'agit des réacteurs de première génération mis en service entre 1963 et 1986 qui utilisaient la technologie graphite-gaz.

Un rapport de février 2020 de la Cour des comptes notait des "importantes dérives de coûts prévisionnels" pour les démantèlements en cours. Les opérations de démantèlement des deux tranches de Fessenheim sont prévues sur une durée de 15 ans, selon un plan diffusé en mai 2020 par EDF.

Le coût pour le démantèlement d'un seul réacteur a été évalué par le groupe public entre 350 millions d'euros et 500 millions d'euros.

Les déboires de l'EPR

Un premier réacteur dit de troisième génération, baptisé EPR pour réacteur pressurisé européen, est en cours de construction depuis 2007 à Flamanville. Mais cette nouvelle technologie présentée comme le "fleuron" de la filière nucléaire avec une puissance élevée de 1.650 MW par réacteur et des systèmes de sécurité supplémentaires, accumule retards et déboires.

Alors qu'il devait initialement entrer en service en 2012 pour un coût de 3,3 milliards d'euros, ce réacteur ne devrait finalement démarrer qu'en 2023 pour un coût total réévalué à 12,7 milliards d'euros.

Emmanuel Macron a annoncé le 10 février 2022 la construction de six autres réacteurs EPR, pour des mises en service à partir de 2035, ainsi que l'étude pour huit tranches supplémentaires.

La question des déchets

Les centrales nucléaires françaises ont produit environ 50 000 mètres cubes de déchets radioactifs "à vie longue" (actifs pendant plus de 300 ans) depuis leur entrée en service. Ces déchets sont traités à l'usine de retraitement d'Areva de La Hague: 95% sont recyclés en nouveau combustible et 5% sont transformés en déchets vitrifiés.

Le projet Cigéo prévoit de stocker à 500 mètres sous terre à Bure (Meuse) 85.000 m3 de déchets radioactifs, à partir de 2035, ce qui suscite une opposition locale.

Sources: AFP, EDF, ASN, Andra, Forum nucléaire suisse.

Commentaires

Th.Bretin

La Cour des comptes chiffre le surcout à un peu plus de 19 Mds

Leygonie

Il manque à cet article nombre d'éléments dont entre autres:
-l'EPR de Flamentville est une tête de série comportant d'importantes améliorations en matière de sûreté
-sa construction survient alors que notre pays n'exportait qu'insuffisamment pour maintenir les compétences tant en matière de génie civil que d'autres savoirs faire.

APO

A ajouter, que vue de manière hyper macro, on vide la poche droite pour la poche gauche (cela coute à EDF mais pas à la France échelle macro, cela doit faire des heureux).
Je m'explique: les surcouts en matières importées pour l'EPR de Flamanville doivent être quasi nulles ou du moins très faibles. Les surcouts doivent être surtout en personnel et "experts (en déplacement) et en mobilisation de prestataires divers avec quelques équipements... Le tout évidemment est très majoritairement complétés par des frais financiers qui doivent venir de banques françaises dans le cas présent de Flamanville...

Je viens de la construction et souvent les chantiers dans le rouge subissent des "audits permanents", la venue d'"experts" qui veulent tout revoir (mais changent souvent). Ces mêmes experts et auditeurs qui ne font quasi rien si ce n'est mettre une pression de débile sur du staff parfois déjà à saturation ou pas au fait des sujets (et qui vont donc devoir travailler/passer du temps pour s'apercevoir que les points soulevés ont déjà été revus). Cela finit par mettre des projets de construction davantage en retard du fait des syndromes de "réunionites aigues" et de "rapports de progrès hebdomadaires à rendre" qui ne laisse plus de place au travail réel...
Les nouveaux arrivants sur ce genre de projets dans le rouge ne pouvant être d'une efficacité qu'au bout de quelques semaines/mois du fait de la compléxité de l'affaire faute de temps du personnel présent pour leur faire une passation. Avec souvent en "Cerise sur le gateau", les défections et "burn-out" de cadres parfois clé car étant dans l'action sur le projet (mais qui du coup sont surchargés de travail), cela ne faisant que remettre du "bordèle"...
Quand à certains type de consultants, parfois très bien payés et installés sur le projet, ils font tout pour trouver des problèmes qui bien souvent n'existent pas et rajouter de la confusion tout en jurant d'oeuvrer au projet. Ils peuvent ainsi cumuler les mois de prestations. Démêler ce genre de situation est parfois plus que pénible (expérience vécue sur des projets à bien moindre échelle, j'imagine donc pour Flamanville...)... Enfin après un certain nombre de retard, les équipes terrain ne croient plus aux dates à venir et parfois un esprit nocif de nonchalance s'installe (expérience de terrain vécue également)...

APO

En matière de Génie Civil, il y a eu des ingénieurs/staff de Bouygues qui ont travaillé à Oklo/Finlande puis à Flamanville.
Ils ont vu les mêmes "conneries" faites 2 fois de suite, ils ont alerté parfois et n'ont pas forcément été écouté... Oui, il y a beaucoup d'amélioration possible !!!

Daphné

Tout à fait d'accord avec Leygonie. Le projet est très intéressant en raison de l'amélioration de sa sûreté . Le problème urgent avec le nucléaire est que nous avons d'excellents ingénieurs de pointe dans le domaine nucléaire et qu'ils sont partis ou vont partir à la retraite et la relève n'est pas assurée. Nous avons négligé l'appel à une formation de travailleurs spécialisés, , chaudronniers, soudeurs, mécaniciens de précision, etc. qui manquent cruellement au point que l'entreprise fait appel à des travailleurs spécialisés étrangers. Si la France veut se relancer dans le nucléaire sans déboires, elle doit impérativement ,en urgence, créer une section de compagnons spécialisés quitte à en envoyer en stage à l'étranger sans fausse honte et réengager sur la base du volontariat les seniors à la retraite comme mentors des nouveaux. La première place du nucléaire français reposait sur la valeur des travailleurs et des cadres remarquables. Il faut environ 4 ans pour former un ouvrier spécialisé en commençant en septembre 2022 on finira en 2026. Les compagnons déjà en formation dans le domaine doivent être chouchoutés, avec des bourses rondelettes et après initiation, faire leur tour dans les pays où la formation professionnelle n'a jamais décliné, en Suisse, en Allemagne, dans certains pays de l'Est, dans les Balkans et autres.

APO

Pour les ressources humaines, une des "chances" vient peut-être de l'industrie pétrolière et para-pétrolière européenne qui va être (l'est déjà en fait) en déclin en Mer du Nord...
Il est certain que cela n'a pas été trop anticipé dans les salons parisiens... et hélas ce n'est pas forcément le seul secteur industriel et/ou productif impacté, tant "notre éducation nationale" a mis les métiers techniques et manuels au ban (pour ne pas dire au coin). Cela n'a jamais été le cas en Allemagne avec leurs diverses filières pour les enfants dès 10-11 ans - Technique, mixte technique et général, général... A 18 ans, les jeunes allemands de certaines filières techniques sont quasi déjà des ouvriers qualifiés...

Jacques PENIN

Nucléaire à l’heure des élections: Est-ce que par hasard nos politiques ne nous prendraient pas pour des demeurés, et je suis poli…

17 réacteurs nucléaires sur 58 étaient à l’arrêt au 31 décembre 2021, un tiers du parc, alors que nous sommes en hiver, période de l’année où le demande électrique est la plus forte. Malchance ? Non. Logique ? Oui.
En 1981 paraissait « Voyage au cœur des centrales nucléaires » de Dominique Pignon. Constat d’un journaliste scientifique d’investigation qui pronostiquait il y a quarante ans ce qui nous arrive aujourd’hui. Perte de compétences liées au transfert de plus en plus important de tâches d’agents EDF titulaires vers la sous traitance. Utilisation en yo-yo de centrales conçues pour tourner à plein régime, entraînant une usure prématurée de l’ensemble de l’outil de production. Voyons maintenant les choses en face concernant l’état du parc nucléaire.
Pour raison de sécurité évidente, contrôle technique décennale obligatoire avant autorisation de remise en route. Comme pour une voiture qui a fait son temps, les coûts de prolongation s’avèrent et s’avéreront faramineux pour une prolongation qui est loin d’être sûre. Le bilan est sans appel tant les dysfonctionnements et non conformités majeures sont nombreux : déficiences mécaniques, usure, corrosions, systèmes de secours hors services ou défaillant. Malgré tout, l’autorisation de remise en route est accordée, sous réserve de ! Permettre la prolongation des centrales au-delà de ce qui était prévu est irresponsable et dangereux.
J’ai 70 ans. L’usure est là. Certes, comme les centrales, j’ai été pas mal rafistolé ces derniers temps, mais qui parierait un copec sur mon avenir ? Personne sans doute et avec juste raison. Sauf qu’en matière de nucléaire, il s’agit de l’avenir de notre pays. Les promesses électorales nous engagent pour demain, après demain et plus encore pour des générations. Aujourd’hui tout comme hier le choix du nucléaire n’a jamais fait l’objet de débats citoyens. Un certain nombre de questions ne sont jamais posées ni débattues.
- Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 qui aurait du nous alerter sur notre niveau de dépendance, nous avons tout misé sur le nucléaire. Nous en sommes au même point. Ayant épuisé nos réserve nationales, nous dépendons à 100 % d’uranium importé.
- Ce que ne savent pas l’essentiel des Français, c’est que leurs biens immobiliers, entre autres, ne sont pas assurés en cas d’accident technologiques liés à la fusion ou fission d’atomes. Les centrales le sont, elles, assurées pour 750 millions d’Euros par réacteur, l’état en assurant autant. Un milliard et demi d’€, autant dire que le nucléaire roule sans assurance et avec la bénédiction de l’état. Fukushima, c’est une facture estimée entre 500 et 1000 milliards d’euros, et encore, les effluents vont finir dans l’océan. Chez nous, avec un vent d’Ouest dominant, la pollution se retrouvera chez nos voisins et partenaires. Italie, Suisse, Allemagne… Si un tel accident arrivait chez nous, la facture serait telle que celle du Covid passerait pour un rhume saisonnier, montant à rajouter à l’ardoise d’EDF qui s’élève actuellement à 42 milliards d’Euros…
La sécurité des centrales ? Un leurre.
- Il y a l’accident technologique majeur, toujours possible, mais grandissant avec le vieillissement du parc.
- Les circonstances naturelles exceptionnelles, crue centennale ou millénaire, rupture de barrage, sécheresse, secousse sismique (2 au dessus de 5 en 2ans).
- La défaillance humaine perte de compétence ou le sabotage de l’installation par malveillance.
- L’intervention tardive des systèmes ou des équipes de secours défaillants.
- L’acte terroriste externe, relativement « facile » pour qui a la connaissance de faiblesses structurelles de certaines centrales. Faiblesses qui me seront confirmées, d’homme à homme, par un responsable sécurité lors d’une rencontre officielle autour de l’avenir énergétique de la France.
Passionné de sciences, j’ai visité la centrale de Saint Maurice l’Exil il a un dizaine d’année. La jeune guide ne sachant pas quoi répondre à une question technique m’a conseillé d’écrire au directeur de la centrale qui, après relance, m’a orienté vers l’IRSN. Retour via la gendarmerie : Secret Défense ! J’aurai ma réponse, plus tard, par d’autres biais.
- Le choix du nucléaire civil rend aussi indéfendable notre pays sur plan militaire.
Un accident majeur en France, quelle qu’en soit l’origine, nous ferait plonger dans les tréfonds du classement économique avec son lot de répercutions sociales et mettrait en péril l’Union Européenne.
Je n’ai traité ici que de l’aspect technique des sites de production au présent. Tout cela en dehors de l’approvisionnement en uranium et de la gestion des déchets à long terme . L’enfouissement des déchets tenté par les USA (WIPP) se solde aujourd’hui par un échec technologique, écologique et financier dont la France devrait tirer les leçons.
Pour le démantèlement des centrales, le coût sera faramineux EDF n’ayant que tardivement commencé à le provisionner pour un montant délibérément sous-estimés.
La facture devra être réglée par les générations futures.
Reste la perspectives de constructions d’EPR de deuxième génération, elles ne sont pas pour rassurer, les premiers n’ayant pas fait leurs preuves.
- L’EPR Finlandais avec 17 ans de retard de construction et un coût exorbitant tournera peut-être, au ralenti, dès le mois de juillet 2022.
- L’EPR de Flamanville souffre de malfaçons majeurs alors qu’il n’a pas encore démarré et l’on espère qu’il n’y aura que sa facture pour « exploser ».
- Pour les EPR Chinois construits en partenariat avec EDF, ce n’est pas mieux. Le premier est à l’arrêt pour raison de sécurité, malgré le relèvement notable des autorisations de rejets atmosphériques. Comptes tenus des éléments majeurs incriminés, gaines combustibles défectueuses, il est fort probable que le deuxième réacteur sera rapidement mis à l’arrêt aussi.
La Cour des Comptes estime aujourd’hui le coût de la construction des nouveaux EPR à 64 milliard d’Euros, hors dérive exponentielle des coût réels ! Prospective sans accident et sans le passif d’EDF.
Une telle manne financière investie dans la performance énergétique et les énergies renouvelables aurait un impact plus que positif dans l’économie réelle et une réduction de la demande énergétique future. La suppression du risque dans une technologie du passée, ou plutôt qui sera rapidement dépassée.

On pourrait aussi parler de coût moyen aujourd’hui en €/MWh… aujourd’hui :
- Gaz 50/66 €
- Éolien Terrestre 50/71 €
- Éolien maritime 44 €
- Hydroélectrique 32 €
- Solaire. en baisse rapide pourrait concurrencer le nucléaire d’ici 2030.
- Nucléaire classique 50 €
- EPR 120 €. Le temps de les construire, ils seront déjà dépassés par la concurrence
et l’évolution à la baisse des énergies renouvelables. Ce choix français est petit, chauvin, dangereux et recroquevillé sur lui même. Il faudrait à l’Europe une vision globale incluant les pays méditerranéens aux capacités de production solaires infinies, réduisant d’autant les raisons économiques de l’émigration depuis l’Afrique sub-saharienne. L'énergie la plus verte est celle que l'on ne consomme pas.
Manifestement mes inquiétudes et le doute ne touchent pas la majorité des candidats à la Présidence de la République, y compris ceux qui seraient censés me représenter. C’est vrais qu’ils ne sont élus que pour 5 ans…

Jacques PENIN Cuisinier retraité et passionné de sciences.

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