Le village de Saint-Vulbas et la centrale nucléaire du Bugey fêtent leurs « noces d'or »

  • AFP
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Le village de Saint-Vulbas (Ain) et la centrale nucléaire du Bugey vivent depuis 50 ans une lune de miel, avec dans la corbeille un projet de deux nouveaux EPR, faisant fi du débat de la présidentielle pour ou contre l'atome. Marcel Jacquin, le maire, 72 ans, élu depuis 1995, le revendique : "on est en parfaite harmonie et pourquoi pas même parler de noces d'or...".

Cinquante ans de mariage, on y est pile : le premier réacteur à l'arrêt depuis 1994 et en cours de démantèlement a été mis en service en 1972. Avant, Saint-Vulbas "c'était quatre vaches, cinq moutons et un camion-citerne venant chercher le lait depuis Lyon..." à 40 km. Le bourg comptait 370 habitants, contre 1 300 aujourd'hui. Le centre aux vieilles pierres restaurées est à 3 km de la centrale. Hormis un quartier situé littéralement au pied des quatre réacteurs, le site de 110 hectares entouré de champs et d'une carrière, borné par le Rhône, n'écrase pas l'habitant.

"Bugey", comme on l'appelle ici, fournit 7% de la production nationale d'électricité, 40% de la consommation de Rhône-Alpes. C'est aussi un lieu d'entreposage de déchets nucléaires. Soit 1 400 salariés et 600 prestataires à l'année: le premier employeur régional. Les visites décennales de la plus ancienne installation nucléaire française depuis l'arrêt de Fessenheim font actuellement grimper à 4 000 les effectifs. Le grand carénage, programme de grands travaux jusqu'en 2026-2027, a généré chez les sous-traitants locaux "1 500 emplois au long cours", affirme Pierre Boyer, le directeur.

L'activité est intense avec une intervention sur des sas métalliques, des travaux de voirie et partout des hommes en chasuble. Et deux food-trucks, dont celui d'Aurélie Varrel qui lui doit ses deux emplois et 50% de son chiffre d'affaire.

« Poumon »

Les recettes fiscales de ce "poumon", dixit le maire, ont bouleversé le quotidien de la commune. Elles représentent trois des 10 millions d'euros de son budget annuel ; la part communale de la taxe d'habitation est de 0,01%, celle de la taxe foncière 4,4%, contre 11,8% en moyenne départementale.

Autre manne : les deux millions de taxes des 185 entreprises (8 000 emplois) du parc industriel de la plaine de l'Ain, créé en 1976 pour, précisément, anticiper l'arrêt de la centrale. "Ca rend la vie confortable, mais nos équipements profitent à toute la région", sourit le maire, de fibre "gaulliste".

La commune compte donc une médiathèque, un centre de loisirs, un ensemble aquatique avec "rivière nordique" ou encore un "centre international de rencontres" où Johnny Hallyday s'est produit. Un spectaculaire boulodrome de 500 places accueille aussi le Sport Boules St-Vulbas, au joli palmarès international. La structure financée par la centrale via la commune est "incomparable en France", reconnaît son président, André Casella, fils d'un des constructeurs de "Bugey". Budget du "club phare" de St-Vulbas : 300 000 €.

Rares sont les voix critiques - à part les Suisses voisins, les écologistes et les antinucléaires. "Je suis le seul à m'opposer ou m'abstenir, ici le nucléaire est un fait acquis", constate Paul Vernay, maire EELV du village voisin de Pérouges. "Mais dans un département de droite très conservatrice, le consensus local esquive la question globale sur cette énergie", dit cet élu. "Les élus ne s'inquiètent ni des coûts, ni des risques. L'acceptation est totale, la centrale donne la pâtée...", déplore aussi Madeleine Chatard Leculier, du collectif militant "Stop Bugey".

Le canton de Genève, à 80 km, qui considère la centrale comme un danger, a demandé sa fermeture au pôle santé publique du TGI de Paris. Avec 120 communes, elle siège à la Commission locale d'information (CLI) de la centrale. "La centrale suscite l'inquiétude vu son âge", considère Joël Guerry, du réseau Sortir du nucléaire, qui siège aussi à la CLI. Le militant rappelle notamment la récente condamnation d'EDF pour une fuite de tritium datant de 2017.

« Confiance »

L'Autorité de sûreté nucléaire estime que les "performances" du Bugey en terme de sûreté "rejoignent l'appréciation générale portée" sur les centrales d'EDF, bien que "contrastées sur certains points".

Mais la présence d'anciens salariés EDF parmi les élus - maire ou conseillers municipaux -, leur implication ancienne dans le tissu associatif local contribuent "à donner confiance à la population", relève Pierre Boyer. "Le maître-mot, ici, c'est la sûreté !", affirme le maire. Et les procédures en cours pour le projet de construction de deux EPR ont logiquement été ponctuées de décisions favorables des collectivités.

"Bugey", pressenti, "se tient prêt" selon son directeur. La centrale "sécurise" son "foncier" et œuvre pour acquérir des terrains essentiellement agricoles en vue de l'extension de 150 hectares. L'accueil des EPR aurait "un vrai impact dans l'aménagement du territoire" avec 5 à 7 000 emplois attendus, anticipe le président du syndicat mixte BuCoPa (Bugey-Côtière-Plaine de l'Ain), Alexandre Nanchi (LR). La centrale "est un acteur historique du territoire", et" "cela va se poursuivre pendant encore très longtemps", assure Pierre Boyer.

Commentaires

Larderet

Il convient de souligner l’attitude du canton de Genève, situé à 80 km du site du Bugey, pour qui « la centrale suscite l’inquiétude vu son âge » et qui demande sa fermeture, sachant que la Suisse a sur son territoire la plus ancienne centrale nucléaire en activité au monde, celle de Beznau mise en service en 1969 !

Jean BLIN

Le rédacteur écrit en chapeau de son article "un projet de deux nouveaux EPR, faisant fi du débat de la présidentielle pour ou contre l'atome". Ben, puisque l'Assemblée interdit aux maires le droit de véto que le Sénat voulait leur donner sur les installations d'éoliennes, pourquoi un maire satisfait des retombées de la centrale nucléaire sur sa commune devrait s'interroger sur l'existence de Bugey 1 et hésiter ou s'insurger contre les nouveaux Bugey 2 et 3 en projet à propos d'un débat présidentiel toujours à venir et qui n'aura pas suffisamment de temps pour discuter et proposer le choix de la stratégie pour les 50 prochaines années ?
Il faut se souvenir de l'histoire de l'anti-nucléaire venu d'Allemagne dans les 70' à propose des Pershing et qui en France, faute de pouvoir contester la force de frappe atomique (le syndrome de la défaite de mai-juin 1940) s'est tourné contre le nucléaire civil a coup de manifs (à Creys Malville entre autres), écolos d'hier et d'aujourd'hui qui se disent progressistes par le refus de technologie nucléaire et l'enthousiasme pour les moulins à vent, dont on sait que c'est hyper progressiste ... quand y a du vent.

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