Les Equatoriens approuvent l'arrêt d'un gisement pétrolier emblématique dans une réserve amazonienne

  • AFP
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C'est une "décision historique" se félicitent les défenseurs de l'Amazonie: une majorité d'Equatoriens a voté pour l'arrêt de la production pétrolière dans un gisement emblématique de la réserve amazonienne de Yasuni, dans l'est de l'Equateur.

Lors d'un référendum organisé dimanche, parallèlement à des élections générales anticipées, les Équatoriens ont dit oui à 59% à l'arrêt de la production du "bloc 43", selon les résultats publiés lundi matin et portant sur 93% des bulletins valides.

Réclamée par un groupe environnemental depuis dix ans, cette consultation nationale avait été finalement autorisée en mai dernier par la plus haute juridiction du pays.

Elle devait décider de l'avenir du bloc Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT), connu comme "bloc 43", d'où sont extraits 12% des 466.000 barils/jour produits en Equateur.

La question posée était la suivante: "êtes-vous d'accord pour que le gouvernement équatorien maintienne indéfiniment dans le sol le pétrole d'ITT, connu sous le nom de bloc 43?" Les électeurs ont répondu oui à 58,99% et non à 41,01%.

Le gouvernement, qui s'opposait à cette consultation, estimait les pertes à 16,47 milliards de dollars sur 20 ans si le bloc était révoqué.

- Isolement volontaire -

Réserve unique de biodiversité, le Yasuni s'étend sur près d'un million d'hectares de forêt humide et primaire. Il est aussi une terre indigène: territoire historique des Waorani, il abrite aussi des Kichwa, ainsi que les Tagaeri, les Taromenane et les Dugakaeri, dernières communautés vivant en isolement volontaire en Equateur et fuyant la civilisation moderne.

L'entreprise publique Petroecuador était jusqu'à présent autorisée à intervenir sur quelque 300 hectares du Yasuni. Elle dit en avoir à peine utilisé 80 hectares.

"Aujourd'hui, l'Equateur a fait un pas de géant pour protéger la vie, la biodiversité et les peuples indigènes!" ont célébré sur le réseau X (ex-Twitter) les deux principales organisations indigènes du pays, la Confeniae et la Conaie.

Le groupe environnemental Yasunidos, à l'origine du référendum, s'est aussi félicité: "Cette consultation, née des citoyens, démontre le plus grand consensus national en Equateur. C'est la première fois qu'un pays décide de défendre la vie et de laisser le pétrole dans le sol. C'est une victoire historique pour l'Équateur et pour la planète".

"L'Equateur devient le premier pays au monde à arrêter des forages pétroliers grâce à la démocratie climatique directe", ont célébré un collectif d'ONG, dont Amazon Frontlines, Yasunidos et Alianza Ceibo"

"Le résultat du référendum protège de façon permanente l'un des endroits les plus riches de la planète, marquant ainsi une victoire majeure pour les droits des peuples autochtones, la conservation de la forêt tropicale et la lutte contre le changement climatique", indique un communiqué conjoint.

Plusieurs stars et personnalités internationales avaient pris fait et cause pour l'arrêt du "bloc 43", dont l'acteur Leonardo Di Caprio et la Suédoise Greta Thunberg.

Lundi matin, ni le gouvernement ni Petroecuador n'avaient encore officiellement réagi.

D'autres blocs sont en exploitation depuis des dizaines d'années dans la partie nord du Yasuni, mais ils sont en fin de course, et le "bloc 43" était souvent présenté, pour l'importance de ses réserves et son potentiel, comme le joyau de la couronne de Petroecuador.

- Poumon de Quito -

L'exploitation du pétrole est un des piliers de l'économie équatorienne -dollarisée- depuis les années 1970. Le pétrole brut, premier produit d'exportation du pays, a généré des revenus de 10 milliards de dollars en 2022, soit environ 10% du PIB.

Ce sont près de 500.000 barils qui sont produits par jour dans toute la partie amazonienne du pays (nord-est), en contrebas de la cordillère des Andes et dans les jungles frontalières du Pérou et de la Colombie. Ce brut est transporté par oléoduc vers la côte Pacifique.

Dans toute la région, livrée à la colonisation économique menée par l'Etat depuis les années 1960, sur des millions d'hectares ce ne sont que puits, pipelines, tankers, camions-citernes, stations de traitement et torchères enflammées...

Cette industrie s'est avérée une bénédiction pour les caisses de l'Etat et le "développement" du pays, selon les autorités. Mais une malédiction synonyme de dette, pauvreté et pollution à grande échelle, accusent les activistes pro-environnement.

Le président conservateur sortant Guillermo Lasso (au pouvoir depuis 2021) entendait doubler la production nationale. Il quittera le pouvoir en octobre 2023, à l'issue du second tour de la présidentielle anticipée qui verra s'affronter une candidate socialiste et le fils d'un milliardaire, magnat de la banane.

Dimanche, dans une autre consultation, locale celle-là, les habitants du district métropolitain de Quito ont voté à 68% pour l'arrêt de l'exploitation minière dans six petites villes de la périphérie de la capitale, dans le territoire du Choco Andino, 287.000 hectares de forêts, déclaré réserve de biosphère par l'Unesco. La zone est souvent décrite comme le poumon de Quito et abrite notamment l'ours des Andes.

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