La ministre américaine de l'Énergie voit un « énorme potentiel » dans un petit poucet des énergies renouvelables...

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Encore confidentielle il y a quelques années, la géothermie devient un axe majeur de la transition énergétique pour les États-Unis, qui tablent sur des avancées technologiques récentes. La ministre américaine de l'Énergie, Jennifer Granholm, y voit "un énorme potentiel", et ses services évoquent une production qui pourrait dépasser, d'ici 2050, celle assurée aujourd'hui par l'hydroélectricité ou le solaire aux États-Unis.

Cette méthode, qui consiste à trouver une source de chaleur souterraine naturelle, ne pesait que 1,6% de la consommation d'énergie aux États-Unis en 2022.

Pour accélérer son exploitation qui permet surtout de produire de l'électricité et de chauffer des bâtiments, le gouvernement a investi, depuis 2018, dans un site expérimental de géothermie dite profonde dans l'Utah (ouest). Elle diffère de la géothermie de surface, utilisée pour chauffer ou climatiser avec l'aide d'une pompe à chaleur mais qui génère des températures insuffisantes pour produire de l'électricité.

Le site a permis de tester, en conditions réelles, la technologie dite EGS (Enhanced Geothermal Systems), proche de celle de la fracturation hydraulique utilisée pour le pétrole et le gaz de schiste.

Elle rend possible la géothermie sans avoir à trouver de nappe souterraine, en se servant seulement de la chaleur de la roche, souvent à plus de 3 km de profondeur, pour y injecter de l'eau.

"En théorie, vous pouvez faire de la géothermie partout", explique Francesco d'Avack, analyste de S&P Global Commodity Insights, et non plus se cantonner aux seules régions de l'Ouest américain où l'eau souterraine est suffisamment profonde pour dégager de la chaleur. "Cela réduit aussi le risque" de creuser pour rien, ajoute-t-il, un aléa qui justifiait, pour partie, la frilosité des investisseurs privés jusqu'ici.

Jennifer Granholm a rappelé lundi, lors de son passage à la grande conférence sur l'énergie CERAWeek, que le gouvernement américain autorisait la conversion d'un permis d'exploration gazière ou pétrolière en une licence géothermique, ce qui réduit le délai réglementaire.

Dans un rapport publié cette semaine, le ministère de l'Énergie (DOE) fait valoir que l'EGS utilise moins d'additifs chimiques que la fracturation classique, souvent dénoncée pour son impact environnemental. Il souligne également que les forages géothermiques ne libèrent pas d'hydrocarbures, contrairement à la fracturation.

À la différence de l'énergie solaire ou éolienne, la géothermie est une source d'énergie continue, dont la captation peut être, en outre, interrompue sans gâcher de ressources.

« Grosse avancée »

Quant au coût, le gouvernement américain le voit descendre d'une fourchette de 70 à 100 dollars le mégawattheure (MWh) à 45 dollars en 2035. L'utilisation de techniques existantes autorise un déploiement moins onéreux et plus rapide. "Nous avons pris des modèles opérationnels du pétrole et du gaz (...) et, de là, montré qu'ils étaient utilisables pour un tout autre objectif", décrit Jigar Shah, directeur du bureau des prêts au ministère de l'Énergie. "C'est une grosse avancée."

"Les États-Unis sont en pointe sur le plan des nouvelles frontières technologiques", estime Ajit Menon, du spécialiste de l'exploitation souterraine Baker Hughes, qui investit dans la géothermie.

Des sites EGS existent déjà ailleurs qu'aux États-Unis, notamment en France, mais sont considérés comme expérimentaux, même s'ils permettent de produire de l'électricité.

Outre son coût, le déploiement de cette énergie a été ralenti par les risques sismiques associés. Un projet de géothermie profonde en Alsace a ainsi été abandonné en 2020 après que des forages eurent provoqué plusieurs tremblements de terre.

Le ministère américain de l'Énergie a établi un plan de gestion des risques sismiques imposé à tous les opérateurs et finance des programmes de recherche sur le sujet. Il assure qu'aucun des projets subventionnés de géothermie profonde n'a eu d'impact sismique sur des zones d'habitation.

Plusieurs start-ups américaines et canadiennes cherchent à se positionner sur ce jeune marché et ont levé des centaines de millions de dollars auprès d'investisseurs.

Parmi elles, Fervo Energy vient de raccorder au réseau son site du Nevada (ouest), développé en collaboration avec Google, qui utilise l'électricité pour des centres de données. Mais il s'agit d'un petit projet (3,5 mégawatts).

L'offre arrive et la demande se manifeste aussi, à l'instar de Google, Microsoft et de l'aciériste Nucor,qui ont annoncé mardi s'associer pour acheter de l'énergie géothermique. "Vous avez ces trois entreprises qui disent vouloir acheter (...) et qui sont prêtes à payer plus cher" que pour d'autres sources d'énergie, relève Jigar Shah. "Cela plaît aux investisseurs privés."

"Le marché de nouvelle génération (EGS) est encore ouvert", considère Cindy Taff, patronne de la start-up Sage Geosystems, spécialisée dans la géothermie et le stockage souterrain d'énergie, "parce que nous n'avons pas encore vu d'installation de grande taille", même si plusieurs sont en préparation. "Le secteur est encore si petit que le premier objectif, c'est de le faire croître", estime Ajit Menon, "pas seulement pour soi, pour tout le monde".

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