Les plateformes maritimes d'hydrocarbures, des cibles tentantes et faciles

  • AFP
  • parue le

Les plateformes maritimes d'extraction d'hydrocarbures comme celles que vient de frapper l'Ukraine en mer Noire sont des cibles tentantes et faciles, mais les conséquences écologiques de leur destruction peuvent être potentiellement lourdes.

Selon le ministère russe de la Défense, lundi "à 8h00 du matin, des missiles antinavires et un (drone) Bayraktar TB2 ont attaqué les plateformes d'extractions de gaz BK-1 et Krym-1".

"Une frappe par missile de croisière Harpoon, comme l'indique la communication russe, est techniquement possible, puisque le site se situe à 71 kilomètres des côtes ukrainiennes, largement à portée. Deux chasseurs ukrainiens Su-27S ont été vus en vol dans ce secteur à ce moment. Ils ont pu sécuriser la zone face à des chasseurs russes, qui ont la capacité d'intercepter les Harpoon", relève le chercheur français Pierre Grasser, spécialiste de la Défense russe associé au laboratoire Sirice. "Un incendie puissant s'est déclaré sur la plateforme BK-1, créant une menace de catastrophe écologique", poursuit le ministère.

Le site FIRMS, lié à la Nasa et permettant la surveillance des incendies, montrait en effet qu'un incendie s'est déclaré en mer lundi et était encore actif mardi matin. L'AFP a croisé cette localisation avec une base de donnée européenne permettant de voir les structures d'extraction d'hydrocarbures : cela correspond à la plateforme Modu Tavrida, également appelé Boyko Towers, exploitée par Chernomorneftegaz.

Les installations de la mer Noire ont été saisies par les russes après l'annexion de la Crimée en 2014 et le gaz est consommé sur la péninsule où il est acheminé par gazoduc.

« Aussi idiot qu'occuper Tchernobyl »

Attaquer une plateforme, "ce n'est pas une chose très intelligente. C'est aussi idiot que d'aller occuper Tchernobyl", comme les Russes l'ont fait au début de leur offensive lancée le 24 février, explique Thierry Bros, expert sur l'énergie et le climat à Sciences Po, auteur notamment de "Géopolitique du gaz russe" (éditions l'Inventaire).

Les Russes "ont installé des petits contingents sur les plateformes. Ils ont déployé des systèmes de défense anti-aérien, y compris des radars, du matériel de reconnaissance. Ces plateformes sont devenues des sortes de fortifications qui ont aidé et continuent d'aider les Russes dans leur tentative d'avoir le contrôle total du Nord-Ouest de la mer Noire", a justifié mardi un porte-parole militaire de la région d'Odessa, cité par Interfax-Ukraine.

Une affirmation invérifiable par l'AFP. D'une manière générale, plus la Russie contrôle cette zone maritime, plus lourdes sont les menaces qui pèsent sur la façade maritime restante de l'Ukraine, et notamment Odessa.

D'un point de vue écologique, comme c'est une plateforme gazière, il n'y a pas de risque de marée noire, mais "vous avez des champs qui vont brûler, brûler, brûler, cela va émettre dans l'atmosphère du CO2 et du méthane, deux gaz à effet de serre".

D'un point de vue énergétique, l'impact est quasiment nul pour la Russie.

Les plateformes perdues par l'Ukraine en 2014 produisaient entre 2013 et 2015 de l'ordre de un milliard de m3 par an, "ce n'est rien par rapport à la production russe, qui est de l'ordre de 640 milliards de m3 par an", rappelle M. Bros.

En revanche, cela va peser sur la situation en Crimée. En effet, le gaz extrait est acheminé et consommé sur place en Crimée, rappelle le professeur.

Quoi qu'il en soit, les plateformes sont des cibles tentantes car immobiles et difficiles à protéger. Par le passé, elles ont déjà été attaquées dans des conflits, comme pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988), ou pendant la guerre du Golfe (1991). "Il est compliqué de sécuriser une plateforme face à un tel missile, car elle n'est pas optimisée pour recevoir un système sol-air d'autoprotection. Une couverture efficace ne peut venir que de bâtiments de surface", relève M. Grasser.

"En mer Noire, la Russie dispose de seulement 6 bâtiments armés pour intercepter ces missiles. C'est peu, compte tenu des retours aux ports à faire cycliquement, du maintien deux navires en protection de l'île des Serpents - dont la protection est prioritaire - cela laisse donc deux à trois unités pour couvrir tout le reste de la mer".

La pollution provoquée par destruction peut durer. "Si l'incendie a atteint le forage, cela va être plus compliqué", estime M. Bros. Au cas où la tête de puits serait détruite, une sorte de vanne au fond de l'eau, on est alors "face à une inconnue et les ingénieurs devront trouver une solution".

Commentaires

Lecteur101

Si un ou plusieurs puits sont touchés, avec vanne de sécurité +/-30m sous le fond marin, alors l'incendie s'arrêtera rapidement, si-non et en présence de puits éruptifs il faudra plusieurs mois le temps de réaliser les puits de secours nécessaire pour tuer les puits éruptifs en les interceptant proche du niveau réservoir.

Ajouter un commentaire

Suggestion de lecture