L'État actionnaire se réaffirme comme garant de l'indépendance énergétique de la France

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Pour l'Etat actionnaire, il ne s'agit plus seulement de remettre à flots les fleurons de son économie - EDF et Air France-KLM en tête - ou d'empêcher des investisseurs étrangers d'en prendre le contrôle. Il faut désormais assurer l'indépendance énergétique et industrielle du pays.

La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont "poussé à réévaluer la doctrine d'investissement de l'État", affirme Alexis Zajdenweber, directeur général de l'Agence des participations de l'Etat (APE) en introduction de son rapport annuel. Les décisions de l'Etat actionnaire "sont fondées sur des logiques de souveraineté économique et de consolidation de filières au-delà des seuls enjeux patrimoniaux et de rentabilité, contrairement aux investisseurs privés", ajoute le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire dans ce texte annexé au projet de loi de finances 2023.

Pandémie et guerre "rendent le gouvernement non seulement sensible au caractère stratégique de certains actifs mais aussi au risque de pénuries", explique à l'AFP l'économiste Elie Cohen, citant notamment les médicaments et l'énergie.

La renationalisation d'EDF, avec une offre publique d'achat qui doit être lancée courant novembre, en est une bonne illustration: une entreprise en difficulté dont la dette devrait atteindre 60 milliards d'euros d'ici la fin de l'année. Et des objectifs industriels colossaux fixés par le gouvernement, tant en matière d'approvisionnement en électricité à court terme qu'en matière d'innovation pour développer le nucléaire à plus long terme.

"Il faut répondre à des besoins immédiats" en matière d'approvisionnement énergétique, il y a "une certaine forme d'urgence", a souligné vendredi M. Zajdenweber lors d'une présentation du rapport, évoquant la part prépondérante de l'énergie (50,3%) dans le portefeuille d'entreprises cotées de l'Etat.

L'APE, qui gère les 128,4 milliards de participations publiques dans plus de 80 grandes entités, est "le seul acteur qui conjugue un fort niveau de contrôle de l'État, une capacité à privilégier des objectifs stratégiques ou industriels avant les attentes de rendement", ajoute-t-il dans le texte.

La renationalisation "ne veut pas dire qu'il n'y a plus de direction chez EDF", a rappelé le nouveau directeur général de l'APE vendredi, précisant qu'il était attendu de l'entreprise qu'elle présente une stratégie pour le long terme.

« Hypocrisie couteuse »

Selon Elie Cohen, la renationalisation d'EDF, opération à 9,7 milliards d'euros, met un terme "à l'hypocrisie couteuse d'avoir une entreprise cotée en Bourse à qui l'État imposait des choses qui pouvaient aller contre son intérêt", comme celle de vendre plus de son électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents.

Sur l'enveloppe de 12,7 milliards prévue pour les opérations de soutien à des entreprises stratégiques françaises au second semestre, le sort des trois milliards restants n'a pas encore été décidé.

"Nous ne sommes pas obligés de les utiliser", a précisé M. Zajdenweber. D'autant que les dotations budgétaires sont, avec les cessions de parts, les deux seuls outils à la disposition de l'APE pour financer ses opérations.

Aucune cession n'étant prévue à court terme face à des conditions de marché "défavorables", l'Etat se réserve la possibilité d'intervenir en fonction de l'évolution de la situation, a-t-il ajouté, se disant "pragmatique" dans une période "pleine d'incertitudes".

La Cour des comptes avait averti dès le début de l'année sur les possibilités réduites de cessions et la perception de dividendes avec de l'autre côté des besoins d'intervention "potentiellement très élevés". "Il est clair que l'Etat ne va pas provoquer de séisme (dans les autres secteurs, ndlr) comme ce qui est en train de se passer sur le marché de l'électricité", conclut Elie Cohen.

Commentaires

Serge Rochain
Ah bon ? L'état garanti notre indépendance énergétique ? On a annexé le Kazhakstan qui nous fourni l'essentiel de l'uranium de nos réacteurs nucléaires ?
Serge Rochain
on a annexé le Kazhakstan ?
Denis Margot
Oui, vous ne le saviez pas ? On a pris la Russie en même temps, c'était pas si difficile que ça.
Hélène de la R…
Le Kazakhstan... et le Niger ! La France et son impérialisme intemporel qui pour se considérer indépendante énergétiquement - la bonne blague vu son retard en matière de développement des ENR par rapport à ses objectifs - n''a pas d'autres solutions que d'envisager le Niger comme une ancienne colonie... pathétique.
MXT
Notre France se retrouvera dans de beaux draps énergétiquement indépendants lorsque des pays à la stabilité douteuse refuseront de lui vendre leur uranium ou de lui vendre beaucoup plus cher ou encore préféreront le réserver à des pays diplomatiquement plus proches que le nôtre. Et à la manière d'un Denis Margot, apôtre de l'atome, fermons donc les yeux sur l'exploitation des gisements d'uranium qui n'est pas sans conséquences sur les populations et l'environnement. Depuis 2002, l’ONG Aghir In'man mène un combat pour que soient reconnues et prises en compte les conséquences environnementales et sanitaires de l'exploitation des mines d’Arlit. Son fondateur et président Almoustapha Alhacen pointe du doigt l'impact des activités d'extraction de l'uranium au Niger, dont près de 30% est exploité par la multinationale française par Orano (ex-Areva), et le silence qui règne sur la radioactivité qui persiste. Voici ce qu'il dit : "Nous avons constaté un certain nombre de maladies à Arlit et dans les campagnes environnantes. Ces maladies, qui touchent les personnes mais aussi les animaux, sont inhabituelles dans cette zone", explique-t-il. "Quarante ans après le début de l’exploitation, Arlit ressemble à des ruines et il y a des millions de résidus exposés à l’air libre, à moins de 5 kilomètres de la ville à vol d’oiseau. Nous avons hérité de la pollution durable", déplore Almoustapha Alhacen." D'ailleurs, le film "La colère dans le vent" de la réalisatrice nigérienne Amina Weira, revient sur la menace invisible qui plane dans cette ville ouvrière que l'on appelait autrefois "le second Paris".

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