- Connaissance des Énergies avec AFP
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Les raffineurs indiens peuvent se détourner du pétrole russe après les sanctions imposées par le président américain Donald Trump aux deux plus grandes compagnies pétrolières de ce pays mais cela aura un prix, ont souligné vendredi des analystes.
Cette semaine, M. Trump a affirmé que le Premier ministre Modi a accepté d'arrêter les importations de pétrole russe, dans le cadre de l'accord commercial en cours de négociations. L'Inde n'a ni confirmé ni démenti ces propos.
Les relations entre les deux pays sont au plus bas depuis fin août quand l'hôte de la Maison Blanche a imposé une surtaxe de 50% sur l'ensemble des exportations indiennes. Le président américain a maintes fois reproché à l'Inde de financer la guerre en Ukraine à travers ses achats de pétrole à la Russie.
Vendredi, ni le ministère indien des Affaires Étrangères ni celui du Pétrole n'avaient réagi aux sanctions annoncées mercredi par Washington contre les géants russes.
"Le point crucial est de savoir dans quelle mesure M. Modi cédera à la volonté américaine," a déclaré à l'AFP Jorge Montepeque d'ONYX Capital. "Les premières réactions ont montré que les compagnies pétrolières publiques faisaient preuve d'une grande prudence", a-t-il souligné.
« Tout réajustement signifie... payer plus cher »
Les prix du pétrole ont bondi de plus de 5% après l'annonce des sanctions américaines. "Tout réajustement signifie... payer plus cher pour du brut alternatif", a affirmé M. Montepeque à l'AFP.
Selon lui, l'une des régions d'approvisionnement pourrait être "le Moyen-Orient et les prix augmentent rapidement".
Reliance Industries, principal acheteur indien de brut russe, a déclaré évaluer les implications des restrictions imposées par l'UE, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que sur les exportations de produits raffinés vers l'Europe.
"Nous respecterons les directives de l'UE concernant l'importation de produits raffinés en Europe", a déclaré un porte-parole de l'entreprise vendredi soir, ajoutant qu'elle se conformerait également à toute directive indienne. "Reliance a toujours adhéré aux objectifs de sécurité énergétique de l'Inde", a-t-il souligné.
L'entreprise s'est également dite confiante que sa stratégie d'approvisionnement en brut diversifiée et éprouvée continuerait à garantir la stabilité des opérations de raffinage afin de répondre aux besoins nationaux et à l'exportation, y compris vers l'Europe. L'Inde, un des plus gros consommateurs mondiaux de pétrole, importe de l'étranger 85% de ses besoins.
Pétrole contre droits de douane
Ses fournisseurs traditionnels se trouvaient au Moyen-Orient, mais en 2022, au début de la guerre en Ukraine, l'Inde s'est tournée vers la Russie pour acheter du brut à prix réduit et les importations en provenance de ce pays ont bondi.
La Chine et l'Inde sont devenus les principaux clients de Moscou. Selon la plateforme d'informations commerciales Kpler, New Delhi a importé en septembre autour de 1,6 million de barils de brut russe par jour.
Dans une note en date du 21 octobre, juste avant les sanctions annoncées par Washington, Kpler a affirmé que les aspects économiques étaient "convaincants". "Les barils russes restent profondément ancrés dans le système énergétique indien pour des raisons économiques, contractuelles et stratégiques", a-t-il déclaré. "Le pétrole brut russe demeure un pilier structurel pour l'Inde, représentant environ 34% de ses importations totales. Les rabais proposés sont si avantageux que les raffineurs ne peuvent pas les ignorer".
Les analystes estiment cependant qu'il ne sera pas techniquement difficile pour les raffineurs indiens de s'adapter.
Les États-Unis sont le principal partenaire commercial de l'Inde mais les deux pays n'ont toujours pas conclu d'accord. Le ministre indien du Commerce, Piyush Goyal, a déclaré jeudi, dans des propos rapportés par les médias d'État que les négociations avec Washington "progressent" et espérer un "accord juste et équitable dans un avenir proche".
Selon des analystes de Nomura, une hausse des prix du pétrole pourrait être compensée par un accord commercial. "Nous pensons que les coûts à court terme liés à une réorientation des importations de pétrole hors de Russie devraient être largement compensés par les bénéfices d'une réduction des droits de douane américains", ont-ils estimé vendredi.