Moratoire sur l'éolien et le solaire : les renouvelables sur le banc des accusés à l'Assemblée

  • Connaissance des Énergies avec AFP
  • parue le

Les députés se prononcent mardi sur une proposition de loi qui intègre un moratoire sur le solaire et l'éolien, disposition poussée par un front commun de la droite et de l'extrême droite, accusant les énergies renouvelables d'être trop chères, intermittentes, instables... Ces reproches sont-ils fondés?

Bataille de chiffres

Lors de l'examen du texte sur la programmation énergétique de la France, le Rassemblement national a soutenu un amendement LR suspendant tout nouvel investissement dans les énergies photovoltaïque et éolienne.

Cet amendement évalue un développement accru des énergies renouvelables (ENR) à 300 milliards d'euros d'ici 2035-2040, chiffre également brandi par le RN, mais calculé de manière "fallacieuse", selon le syndicat France Renouvelables.

Dans un post Facebook du 24 mars, le député RN Jean-Philippe Tanguy détaille : "ça va coûter plus de 100 milliards d'euros en subventions pour l'éolien et le solaire, à ajouter aux 200 milliards déjà prévus par RTE et Enedis pour raccorder toute cette politique absurde".

L'État garantit un prix d'achat de l'électricité afin d'assurer la rentabilité des projets, ce qui représente bien un soutien public de 100 milliards d'euros mais il s'agit d'"une estimation maximaliste" étalée "jusqu'en 2060", a expliqué début mai le Premier ministre François Bayrou.

13,7 milliards d'euros reversés par l'État en 2023

Lorsque les cours de l'électricité sur les marchés de gros sont supérieurs à ce prix d'achat, les producteurs reversent la différence à l'État. Les ENR ont ainsi "rendu" 13,7 milliards d'euros en 2023, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Les gestionnaires de réseaux RTE et Enedis ont bien engagé des plans d'investissement, respectivement de 100 et 96 milliards d'euros d'ici 2040, pour renouveler leurs lignes, les adapter aux aléas climatiques et accompagner la décarbonation de l'économie.

RTE va consacrer 53 milliards aux raccordements des futurs parcs éoliens en mer et des grandes centrales solaires, mais aussi des nouveaux réacteurs nucléaires, des nouvelles usines et des centres de données. Pour Enedis, sur les 96 milliards d'euros prévus, seuls 10 sont dédiés aux ENR.

Après Flamanville, pas de nouvel EPR avant 2038

La France dépend encore à 60% des énergies fossiles - quasiment toutes importées - pour ses besoins en énergie. Cette part doit être réduite à 42% en 2030 pour respecter ses objectifs de lutte contre le changement climatique.

L'enjeu : remplacer les énergies fossiles, à l'origine du réchauffement du climat, dans les voitures, l'industrie ou le chauffage.

Pour y parvenir, la feuille de route énergétique parie sur une forte croissance de l'électricité d'origine nucléaire, mais aussi éolienne et solaire, alors que le premier des six nouveaux réacteurs nucléaires programmés n'est pas attendu avant 2038.

En 2024, les importations de gaz et pétrole ont coûté 64 milliards d'euros à la France. La position du RN revient à "maintenir" la France dans une "dépendance aux énergies fossiles", venant notamment de Russie, a accusé le ministre de l'Energie Marc Ferracci.

L'intermittence en question

Autre reproche, leur caractère intermittent : sans vent ni soleil, elles ne peuvent pas produire d'électricité. A contrario, elles peuvent générer des surplus lorsque la demande est trop faible.

Un développement "excessif" des renouvelables ferait courir "le risque d'un black-out" comme celui qu'a connu l'Espagne fin avril, selon l'amendement. Mais cette piste n'a pas été avancée à ce stade par le gouvernement espagnol ni par un panel d'experts européen.

L'intermittence peut engendrer des prix négatifs sur les marchés de gros : les producteurs doivent alors payer pour injecter leur électricité dans le réseau. Pour en limiter le coût, les parcs éoliens en mer devront désormais s'arrêter en période de prix négatifs.

L'abondance de renouvelables peut aussi faire baisser les factures si l'on déplace les consommations vers les pics de production grâce à l'incitation des heures creuses/heures pleines, comme prévu à partir de cet automne.

Enfin, le stockage par batteries, encore embryonnaire, permet d'absorber la production en cas de surplus.

Quelle acceptabilité ?

Selon un sondage Ifop réalisé en avril 2025 sur un échantillon de 12.029 personnes pour Engie, lui-même producteur d'énergie renouvelable, le solaire est perçu favorablement par 89% des sondés, tandis que 78% ont une bonne image de l'éolien. Et 56% des Français affirment que la production électrique doit reposer sur un "mix" de nucléaire et de renouvelables.

Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), ce moratoire menace de rayer "d'un trait de plume les 160.000 personnes" travaillant dans les renouvelables en France.

Selon les Chambres d'agriculture, l'agrivoltaïsme (panneaux solaires sur des exploitations) procure un revenu de 800 millions d'euros par an pour le monde agricole.

Commentaires

EtDF
Enfin, le stockage par batteries, encore embryonnaire, permet d'absorber la production en cas de surplus = Dinosaurus embryonis manducare excessus!
Serge Rochain
Les ecretage correctifs consecutifs aux chutes de productions ne sont encore que de l'ordre de 5 à 10% de la production sur 4 à 5 heures xhaque jour ensoleillé, loin de constituer un problème et une perte dont la valeur ne justifie pas en core les investissements destinés à récupérer leur écretage.
ALAIN RIEHL
Votre exposé intéressant est néanmoins très inégal dans son approche et son analyse : 1. L'objection des acteurs du renouvelable n'est jamais objective : ils sont très intéressés financièrement ! 2. En injectant les puissances électriques produites pas les EnR sur le réeau, on ne remplace pas les énergies fossiles ... utilisées essentiellement la nuit et en hiver, mais on les substitue à la capacité de production des centrales nucléaires, tout à fait capables de produire aux heures d'été et avec une meilleure pilotabilité que les EnR. Pour réellement diminuer l'usage des énergies fossiles, c'est à dire celles utilisées par les transports, il faudrait n'utiliser les EnR que pour charger des grosses batteries mobiles capables ensuite de recharger les véhicules électriques (sans passer par le réseau!!!) 3.les producteurs éoliens qui s'effacent en période de prix négatifs sont quand même rémunérés sur les kWh non injectés !!! 4. Les sondages monternt surtout l'ignorance des populations sur l'impact des EnR (techniques et financiers) . Peu d'entre elles savent combien la CSPE a alourdi leurs factures depuis 15 ans ! Je tiens à préciser que mes observations n'ont aucun caractère politique, tous les élus , quels que soient leur bords politiques devraient se former avec des ingénieurs du réseau public pour comprendre les enjeux financiers !
Vincent
  1. L'objection vient des scientifiques eux mêmes
  2. C'est tout l'intérêt du rapport RTE d'avoir modélisé l'implantation des énergies renouvelables. Dans tous les pays développées où elles s'implantent, la consommation d'énergie fossile baisse.
  3. C'est au mieux un phénomène transitoire. L'éolien par ex a rapporté de l'argent aux finances publiques ces dernières années. Par ailleurs, les prix négatifs sont un signal que l'heure est venue de développer la flexibilité et le stockage, qui étaient les angles morts jusque là.
  4. 64milliards d'importation d'énergies fossiles qui financent des dictatures pas très sympathiques. Et c'est d'ailleurs assez intéressant de voir LR/RN défendre à ce point ces fossiles qui financent notamment des dictatures islamistes. Mais bon, l'argent achète tout, et c'est de toute façon pas l'incohérence qui les étouffe
Bref, tout ça pour dire que vous vous trompez de combat. Le problème ne vient pas des ENRi, mais de la trop faible augmentation de la demande en électricité, condition sine qua non pour décarboner notre économie. Plutôt que de défendre les fossiles, mettez plutôt votre énergie pour défendre l'électrification: véhicules électriques, pompes à chaleur, électrification des procédés industriels, etc, autant de choses contre lesquelles lutent ces députés (enfin ceux qui ont voté pour le moratoire, dont le but est évidemment de maintenir une consommation importante d'énergies fossiles, en utilisant le nucléaire comme paravent pour avoir le vote des nucléocrates, prêts aux alliances les plus sordides pour défendre leur bifteck).
aeropelu
M'interressant du sujet et le suivant depuis longtemps pour moi l'utilisation des moyens de productions intermittents d'électricité, et non les "énergies renouvelable" ce qui est un nom trompeur cachant la caractéristique principale défavorable, sont utilisés de telle façon que c'est une arnaque. Cela a d'ailleurs été utilisé pour permettre l'augmentation du tarif de base comme en Allemagne (en 2017 0,17€/kwh pour la France 0,31€/kwh pour l'Allemagne, voir les prix actuels...) mais cela n'a aussi bien fonctionné... Je me souviens avoir étudié la possibilité d'une installation aux environs des années 2000. C'était l'équivalent d'un placement à 7% les assurances vies étaient à +ou- moins 5% !!! Depuis les subventions ayant baissées c'est devenu moins rentable, ça commençait à devenir scandaleux !!! surtout que cela se fesait en grande partie sur les plus pauvres, les plus nombreux (environ 140€ de CSPE sur une facture de 1000€ de mémoire), y compris même ceux qui avaient du mal à finir le mois... !!!....
Jean
"Lorsque les cours de l'électricité sur les marchés de gros sont supérieurs à ce prix d'achat, les producteurs reversent la différence à l'État. Les ENR ont ainsi "rendu" 13,7 milliards d'euros en 2023, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE)." Intéressant ce paragrahphe : les énergéticiens et brokers de l'éolien et du solaire ont rendu 13,7 milliards d'€ à l'Etat en 2026, 13,7 Mds d'€ encaissés précédemment sur nos factures d'électicité des clients résidentiels et professionnels. L'Eta a encaissé ces 13,7 mds pris sur les factures électriques des français. Comment l'Etat compte t-il nous les rendre, par des ristournes sur nos factures électriques à venir ?
ALAIN RIEHL
Bonjour, apparemment, une légère baisse de l'accise sur l'électricité ... https://www.impots.gouv.fr/actualite/consommation-denergie-tarifs-normaux-des-accises-en-2025#:~:text=Au%20cours%20du%20mois%20de,%C2%BB%20et%20%C2%AB%20Haute%20puissance%20%C2%BB.
aeropelu
"L'accise sur l'électricité est une taxe recouvrée par la Direction générale des Finances publiques depuis 2022. Elle remplace la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) également connue sous son ancien nom de contribution au service public d'électricité (CSPE)." Autrement dit c'est la taxe prévu depuis le début pour compenser le surcoût des energies intermittentes. Or depuis le début elle n'a jamais compensé totalement le surcoût des enr. C'est une patate chaude depuis longtemps en 2010 le président d'EDF avait demandé une augmentation du prix de l'électricité qui lui a été refusée car il allait y avoir des élections...!!! Cela c'est produit plusieurs fois et au total il y avait plus de 10 milliards d'€ accumulés et reportés ... Par ailleurs l'ont peut remarquer que ce sont les "petits" consommateurs les plus nombreux et surtout les plus pauvres pour lesquels cette taxe est la plus élevée 33,70 €/MWh pour la catégorie « ménages et assimilés jusqu'au 31/07/2025 et 29,98 €/MWh du 01/08/2025 au 31/12/2025 (3 centimes par kw/h)...
ALAIN RIEHL
juste un petit détail, car le reste est parfaitement exact : 3€/MWh correspondent à 0,3c€/kWh (et non 3c€ ... je corrige également l'unité d'énergie qui n'est pas le "kw/h" ;-)
aeropelu
Oui, merci mais je suis parti de 29,98 €/mwh arrondi à 30€/kwh et non de 3€/mwh. Si je ne fait pas erreur 30/1000=0.03€/kwh car je parlais de ce que représente pour les "ménages et assimilés" le coût de cette taxe par kw ?! (pas de la réduction de cette taxe de 3,72€/mwh).
aeropelu
Effectivement j'avais écrit par erreur kw/h au lieu de kwh !

Ajouter un commentaire

Suggestion de lecture