- Connaissance des Énergies avec AFP
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De l'industrie automobile à l'énergie, les réactions courroucées du monde des affaires britannique se multipliaient mercredi avant un recul attendu de Downing Street sur ses objectifs de neutralité carbone.
Espérant gagner les faveurs d'électeurs qui boudent son parti dans les sondages avant des législatives en 2024, le Premier ministre conservateur Rishi Sunak envisage de repousser de 2030 à 2035 l'interdiction des voitures à carburant fossile au Royaume-Uni, selon la BBC.
Face à ces révélations, la patronne de Ford au Royaume-Uni Lisa Brankin, ne mâchait pas ses mots. "Notre entreprise attend trois choses du gouvernement britannique: de l'ambition, des engagements et de la cohérence. Un relâchement des [objectifs] de 2030 irait à l'encontre des trois".
D'autant, assène-t-elle, que le secteur est déjà confronté à la crise du coût de la vie, à des droits de douane qui doivent entrer en vigueur en conséquence du Brexit et sachant que les infrastructures nécessaires à la production ou l'utilisation de véhicules électriques sont encore balbutiantes.
Le lobby britannique du secteur automobile, la SMMT, dénonçait pour sa part de la "confusion et de l'incertitude".
"Pour que les consommateurs passent" aux voitures électriques, "le gouvernement doit envoyer un message clair, cohérent, des incitations attrayantes, et [mettre à leur disposition] des infrastructures de chargement", poursuit-il.
Mike Hawes, le directeur de la SMMT, martèle que le secteur automobile "dépense des milliards de livres dans les nouveaux véhicules électriques".
Il rappelle aussi que Londres s'efforce depuis plusieurs années d'attirer des investissements dans des usines de batteries électriques, cruciaux pour l'avenir du secteur et la constitution de "hubs" de fabrication au Royaume-Uni.
Le gouvernement britannique subventionne ainsi largement l'usine de batteries électriques de Tata au Royaume-Uni, un projet à 4 milliards de livres au total dévoilé en grande pompe cet été.
Le montant injecté par Downing Street n'a pas été révélé, mais le FT mentionnait que Tata avait demandé un demi-milliard de livres.
Il y a quelques jours, c'est l'allemand BMW qui annonçait 600 millions de livres (700 millions d'euros) consacrés à l'électrification des Mini au Royaume-Uni, avec un investissement substantiel de l'État britannique.
« Une erreur »
Autre signal contradictoire: le gouvernement de Rishi Sunak injecte en parallèle quelque 500 millions de livres dans la décarbonation des aciéries de Tata Steel, tout en distribuant des centaines de nouveaux permis de forer des hydrocarbures mer du Nord.
Selon la BBC, les mesures envisagées, qui pourraient être officialisées mercredi lors d'un discours du Premier ministre prévu à 15H30 GMT, sont aussi moins ambitieuses sur l'objectif de remplacer toutes les chaudières à gaz à partir de 2035.
Semblant répondre à la ministre de l'Intérieur Suella Bravermann qui affirme qu'on ne "sauvera pas la planète en mettant en faillite les Britanniques", Chris Norbury, directeur exécutif de l'énergéticien E.ON, estime qu'un recul des ambitions vertes de Londres serait "une erreur à bien des niveaux" et déplore l'argument selon lequel la transition se ferait aux dépens des emplois.
Le gouvernement Sunak dit vouloir une transition énergétique plus "graduelle". Il semble avoir amorcé un virage en juillet sur la politique climatique, après la défaite surprise du Labour face aux conservateurs dans une élection locale de l'ouest de Londres.
Ce résultat a été mis sur le compte de la défiance des électeurs face à l'extension d'une taxe sur les véhicules polluants à l'ensemble du Grand Londres.
Depuis l'an dernier, la guerre en Ukraine et le retour sur le devant de la scène de l'indépendance et de la sécurité énergétiques avaient éclipsé la priorité donnée à la lutte contre le réchauffement climatique, où le Royaume-Uni s'était pourtant taillé une image de pionnier.
Au-delà de l'industrie, les critiques concernent aussi le secteur de la finance. L'ONG ShareAction relevait que "le Premier ministre a dit qu'il voulait faire de la City de Londres le premier centre financier neutre en carbone. Cette apparente volte-face envoie le message opposé à la communauté financière".
Tara Clee, analyste chez Hargreaves Lansdown, remarque que les "changements envisagées dans la politique climatique britannique envoient le message que rien n'est sûr, et que prendre des engagements pourrait s'avérer un risque majeur pour les entreprises".