Ouvrir un nouveau terminal pétrolier, coup stratégique à plusieurs niveaux pour Téhéran

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L'inauguration jeudi d'un nouveau terminal pétrolier iranien dans un port sur la mer d'Oman devrait permettre à Téhéran de s'affranchir du goulet d'étranglement que représente le détroit d'Ormuz mais aussi de peser dans les négociations sur son programme nucléaire.

Le nouveau terminal du port de Jask (sud-est) "réduit la dépendance des exportations iraniennes de brut à l'égard du plus important goulet d'étranglement au monde pour le commerce du pétrole brut par voie maritime", à savoir le détroit d'Ormuz, explique à l'AFP Bjornar Tonhaugen, analyste de Rystad.

Ce détroit, qui relie le Golfe à la mer d'Oman, est une voie maritime étroite de moins de 40 kilomètres de large et le passage quasi exclusif reliant les producteurs d'hydrocarbures du Moyen-Orient aux marchés d'Asie, d'Europe et d'Amérique du Nord.

La nouvelle infrastructure iranienne, doublée d'un nouvel oléoduc de mille kilomètres depuis Goreh (sud-ouest), permet par ailleurs à Téhéran "de disposer d'une position stratégique pour maintenir une partie de ses exportations de pétrole vers le marché mondial en cas d'événement extrême" jamais à exclure dans le Golfe, poursuit M. Tonhaugen.

Elle permet également de gagner un à deux jours de mer par rapport au terminal existant de Kharg situé dans le Golfe, à l'aller comme au retour, note Homayoun Falakshahi, analyste de Kpler.

Son fonctionnement "envoie au marché le signal que l'Iran peut monter en puissance rapidement une fois les sanctions américaines levées", estime de son côté Chris Midgley, de S&P Global Platts.

- Coup politique -

Les marchés du brut ne réagissaient pourtant pas jeudi à cette annonce, les cours du Brent et du WTI affichant une faible hausse, peut-être à cause d'une première cargaison "relativement petite" à la destination "pas encore claire", reprend M. Midgley, interrogé par l'AFP.

Car cette annonce, faite en personne par le président iranien Hassan Rohani dans un discours retransmis à la télévision d'Etat, est aussi un signal politique, relève Helima Croft, analyste de RBC.

Elle témoigne que l'Iran est prêt à "pousser encore le bouchon un peu plus loin" avant la reprise des négociations sur son programme nucléaire en août, explique Mme Croft à l'AFP.

La République islamique est engagée depuis plusieurs mois dans des négociations difficiles impliquant la Grande-Bretagne, la Chine, l'Allemagne, la France et la Russie pour trouver un terrain d'entente avec les Etats-Unis et réintégrer ces derniers dans l'accord de 2015 encadrant le programme nucléaire de Téhéran.

La sortie des Etats-Unis du pacte en 2018, sous la présidence de Donald Trump, avait entraîné le rétablissement de sanctions économiques et financières sévères, dont un embargo sur l'industrie pétrolière, et provoqué en réaction le non-respect par Téhéran de ses engagements clefs.

La reprise des négociations rendues possibles par l'accession de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier et initiées en avril est prévue lors d'une septième session en août à Vienne, en Autriche.

- Production au ralenti -

Si Téhéran est actuellement hors jeu sur le marché de l'or noir, elle continue néanmoins de produire du pétrole et d'exporter sous le manteau, principalement vers la Chine.

Le pays a produit en juin 2,47 millions de barils par jour de pétrole brut, selon les derniers chiffres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dont le pays fait partie.

A titre de comparaison, l'offre mondiale sur ce même mois de juin est de 95,6 millions de barils par jour, selon les dernières données l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Ses exportations sont de l'ordre de 700.000 barils par jour cette année, soit deux fois plus que l'an passé, calculent les experts de Kpler qui surveillent par satellite les va-et-vient des navires.

Il y a exactement trois ans, avant l'avalanche de sanctions économiques et financières américaines, Téhéran produisait 3,79 millions de barils chaque jour.

Si les négociations venaient à aboutir, l'allègement des sanctions doublé de ces nouvelles infrastructures entraînerait le retour sur le marché d'un volume important d'or noir, estimé à 1,7 million de barils par jour d'ici début 2022, toujours selon les analystes de Kpler.

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