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À défaut de les convaincre de vendre à perte, le gouvernement va essayer d'obtenir des distributeurs de carburants qu'ils les vendent "à prix coûtant" pour alléger la facture des Français à la pompe, lors d'une réunion mardi à Matignon, même si l'effet d'une telle mesure devrait être très limité.
La Première ministre Elisabeth Borne, qui accueille distributeurs, raffineurs, et fédérations professionnelles à 17H30 pour "veiller à la modération des marges", a affirmé mardi, lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, qu'elle attendait "une mobilisation exceptionnelle à la hauteur de l'enjeu".
Elle entend leur faire passer des "messages simples: baisser les prix, faire plus de transparence sur les marges, et aider les Français à trouver les meilleurs prix près de chez eux".
Auparavant, la Première ministre avait menacé devant la majorité à l'Assemblée de "légiférer" en la matière, sans donner plus de détails.
Le patron du comité stratégique du groupe de distribution E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc a devancé l'appel, annonçant à la mi-journée qu'à partir de vendredi, l'ensemble des stations-service des hypermarchés Leclerc "vendraient quotidiennement l'essence +à prix coûtant+" et "pas seulement les week-ends".
Pourtant, de l'aveu même du secteur, l'impact de prix coûtants risque d'être "assez marginal", car la distribution vend les carburants avec des marges de "quelques centimes", rappelle Patrice Geoffron, professeur à l'université Paris-Dauphine.
Evoquant des marges de "2 centimes en moyenne au litre", le patron de Système U, Dominique Schelcher, a confirmé sur BFMTV-RMC qu'il procèderait par "opérations". "Ca ne peut pas être du prix coûtant permanent".
Emmanuel Macron avait acté dimanche l'abandon de l'idée de vente à perte, rejetée par les distributeurs, et chargé sa Première ministre de réunir la filière.
Un calendrier
Cette réunion, au lendemain d'un Conseil de planification écologique, illustre la difficulté de l'exécutif à concilier réduction des émissions polluantes et préservation du pouvoir d'achat.
Sur le pouvoir d'achat, "l'écologie est la réponse", a répondu Emmanuel Macron dimanche. Tout en affirmant: "la bagnole, (...) moi je l'adore".
L'idée de vente à perte n'aura donc vécu qu'une semaine après son annonce par la Première ministre, accueillie avec réticence jusqu'au sein de la majorité.
Soucieux de faire oublier ce revers, le gouvernement espère un résultat rapide. "Si on trouve un calendrier, des volumes" lors de cette réunion à Matignon, "c'est positif", juge un conseiller ministériel.
Mais "monter le ton" auprès de la grande distribution, réputée coriace dans les négociations, "est d'autant plus efficace que c'est crédible", prévient un autre conseiller.
« Faire un coup »
Au-delà de la vente à prix coûtant, Emmanuel Macron a annoncé la reconduction en 2024 de "l'indemnité carburant travailleur". La mesure devrait coûter environ 500 millions d'euros, alors que le gouvernement présente mercredi un budget d'économies visant à désendetter le pays. Cette aide n'a pas convaincu les oppositions, qui dénoncent une "politique du chèque" et réclament en choeur des baisses de taxes.
Une option écartée catégoriquement par l'exécutif et qu'a qualifié de "triple aberration" le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant l'Assemblée: "C'est une aberration écologique, car c'est financer le fossile, c'est une aberration budgétaire parce que ça creuse le trou de la dette de l'Etat, et c'est une aberration géopolitique, parce que l'argent va tout droit dans la poche de M. Poutine".
"Le président de la République a dit +personne ne doit faire de marge+. Alors l'Etat non plus", a raillé sur LCI le président Les Républicains de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand. "C'est l'Etat, pas le prix du baril qui est responsable", s'est agacé le député RN Julien Odoul sur franceinfo.
Le député Renaissance (ex-LR) Eric Woerth a concédé sur Europe 1 que la majorité "cherchait des idées qui n'impactent pas les finances publiques". "Nous continuerons à tout faire pour protéger le pouvoir d'achat", a assuré Elisabeth Borne.
Au-delà, l'abandon de la vente à perte sonne aussi comme un désaveu du président à l'égard de sa Première ministre, avec laquelle il a déjà connu des frictions. Une ministre évoque "un truc monté pour (contrarier) la Première ministre" mais n'exclut pas non plus que l'exécutif ait "voulu faire un coup en allant vite".
Un cadre de la majorité ne voit pas de dissension entre les deux têtes de l'exécutif car la proposition de vente à perte était "forcément tamponnée par le président".