Rachat controversé d'Uramin par Areva : la Cour de cassation annule une partie des poursuites

  • Connaissance des Énergies avec AFP
  • parue le

L'enquête sur le volet comptable du rachat controversé par Areva de la société minière Uramin a connu mardi un tournant avec l'annulation par la Cour de cassation d'une partie des poursuites d'Anne Lauvergeon et d'anciens responsables. Une décision qui intervient au cœur d'un bras de fer entre le parquet financier et les juges d'instruction.

En 2007, Areva, géant du nucléaire devenu Orano, rachète pour 1,8 milliard d'euros la société minière canadienne, Uramin, détenant trois gisements d'uranium en Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique, pour diversifier ses approvisionnements.

Près d'un milliard d'euros supplémentaires sont investis pour développer les gisements et construire une usine de dessalement d'eau de mer en Afrique australe. Mais des difficultés surviennent dans l'exploitation des gisements et la teneur en uranium se révèle moins importante qu'escompté : l'acquisition tourne au fiasco. Fin 2011, quelques mois après le départ d'Anne Lauvergeon, le groupe divise par cinq la valeur d'Uramin et est contraint de passer de lourdes provisions de 1,5 milliard d'euros.

Après un signalement de la Cour des comptes en 2014, deux informations judiciaires sont ouvertes l'année suivante sur le rachat controversé d'Uramin : l'une porte sur des soupçons d'escroquerie et de corruption lors de l'acquisition de la compagnie minière ; l'autre sur les provisions inscrites par Areva. Dans ce volet comptable, les magistrats soupçonnent des responsables du groupe d'avoir présenté des comptes inexacts pour masquer l'effondrement de la valeur d'Uramin.

Anne Lauvergeon, présidente du directoire du géant du nucléaire de 2001 à 2011, est mise en examen pour "présentation et publication de comptes inexacts" et "diffusion d'informations trompeuses". L'ancien n°2 d'Areva, Gérald Arbola, et l'ancien directeur financier du groupe Alain-Pierre Raynaud sont également mis en examen. En revanche, l'ancien dirigeant de la filiale des mines, Sébastien de Montessus, est placé sous le statut plus favorable de témoin assisté.

Bras de fer

En mars 2017, les trois juges d'instruction cosaisis du volet comptable annoncent la fin des investigations. Un bras de fer s'engage lorsqu'ils refusent, deux mois plus tard, de suivre le parquet national financier (PNF) qui réclame des mises en examen supplémentaires.

Le parquet soutient que des dirigeants d'Areva ont caché des informations - notamment des notes de la division mines sollicitant de très lourdes dépréciations des actifs Uramin - aux commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes du groupe. Anne Lauvergeon "a eu connaissance de ces entraves (...) et les a même encouragées", estime le ministère public, mais les juges considèrent quant à eux que les experts de l'audit "ont eu accès à tous les documents légaux".

L'ancienne patronne du nucléaire, qui n'a pas été reconduite à la tête du directoire en 2011 après deux mandats de cinq ans, s'est toujours défendue d'avoir elle-même déterminé le montant de la dépréciation, affirmant qu'il avait été défini par les commissaires aux comptes sans qu'elle ait donné la moindre instruction.

Le PNF conteste alors le refus des magistrats instructeurs devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris qui, le 29 octobre 2018, fait "injonction" aux juges de prononcer ces nouvelles poursuites. Mme Lauvergeon, M. Arbola, M.Raynaud et Thierry Noircler, ancien responsable de l'audit du groupe nucléaire, sont donc mis en examen en 2019 pour "délit d'entrave". M. de Montessus et son directeur financier Nicolas Nouveau sont, quant à eux, mis en examen pour "complicité de présentation de comptes inexacts", "complicité de diffusion d'informations trompeuses" et "délit d'entrave".

Mais mardi, la Cour de cassation a annulé toutes ces mises en examen supplétives, retenant "l'excès de pouvoir" de la cour d'appel. Cette décision représente un tournant procédural après plus de six ans d'instruction. "Je ne peux que me féliciter de la décision de la Cour de cassation qui a suivi (les arguments) que nous avions soulevés", a réagi auprès de l'AFP l'avocat de M. de Montessus, Patrick Maisonneuve.

Les autres avocats en défense contactés par l'AFP n'ont pas souhaité réagir. La cour d'appel doit désormais réexaminer l'appel du parquet contre le refus des juges d'instruction d'ordonner de nouvelles poursuites, mais l'audience ne sera pas fixée avant plusieurs mois.

Commentaires

Zamur
Eh oui, cela va s'arranger entre les gens de bonne compagnie. L'argent ? Vous savez, ça va ça vient.

Ajouter un commentaire