Thierry Desmarest, le stratège qui a mené Total au sommet malgré les catastrophes

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Sous sa conduite de 1995 à 2010, Total est devenue l'une des principales compagnies pétrolières mondiales: brillant stratège, mais piètre communicant, l'ancien PDG de Total Thierry Desmarest est mort mercredi à 78 ans.

Son image reste entachée par sa gestion calamiteuse du naufrage de l'Erika au large des côtes bretonnes et de la marée noire qui s'ensuivit en décembre 1999, mais aussi de l'explosion de l'usine chimique AZF le 21 septembre 2001 à Toulouse.

Polytechnicien et ingénieur des Mines, ce chef d'entreprise parfois brutal, qui dissimulait une volonté de fer derrière une mine affable et un sourire mesuré, était plus à l'aise face aux analystes qu'aux journalistes.

"En réunissant Total, Fina et Elf, il est l'homme qui a bâti et fait de notre entreprise un groupe de taille mondiale dans le Top 5 des majors", lui a rendu hommage sur X l'actuel patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné.

"Nous ne serions pas ce que nous sommes sans sa vision et son esprit stratège", a-t-il ajouté, avant de conclure: "Merci cher président, merci Thierry."

Né le 18 décembre 1945 à Paris, Thierry Desmarest était fils d'un magistrat de la Cour des comptes. Il a débuté sa carrière en 1971 à la direction des mines de Nouvelle-Calédonie, avant de rejoindre en 1975 les cabinets de Michel d'Ornano puis René Monory aux ministères de l'Industrie et de l'Économie.

Il entre en 1981 chez Total comme directeur délégué de Total Algérie, puis gravit les échelons du très puissant et rentable pôle exploration-production: directeur Amérique latine et Afrique de l'Ouest en 1983, directeur Amériques, France, Extrême-Orient en 1988, puis directeur général en 1989.

Thierry Desmarest devient alors le bras droit du PDG de l'époque Serge Tchuruk, qui le surnomme "Monsieur sans-faute". Lorsque ce dernier quitte Total pour Alcatel-Alsthom en 1995, Thierry Desmarest prend la tête du groupe pétrolier. En quelques années, il va faire de la compagnie un des plus grands groupes mondiaux, aux côtés d'Exxon, BP ou Shell, et l'une des plus grosses capitalisations du CAC40.

Depuis 2010, il était président d'honneur de Total, devenu TotalEnergies en 2021, après avoir cédé la présidence à Christophe de Margerie qui avait déjà hérité de la direction générale en 2007. Selon Le Monde, il souffrait de la maladie d'Alzheimer depuis une dizaine d'années.

Thierry Desmarest avait brièvement assuré l'intérim après la mort de Christophe de Margerie en 2014 dans un accident d'avion en Russie. C'est Patrick Pouyanné, actuel PDG de TotalEnergies, qui avait pris sa suite.

- Contre vents et marées -

Désigné Stratège de l'année par La Tribune en 1998, puis Manager de l'année par le Nouvel Economiste en 1999, Thierry Desmarest réussit alors deux coups: la fusion - amicale - avec le groupe belge Petrofina en 1999, puis l'OPA - hostile - sur Elf Aquitaine, alors numéro un français du secteur, au terme d'un duel boursier de neuf semaines.

Malgré ces succès retentissants, sa présidence a été ternie par une gestion de crise désastreuse lors du naufrage de l'Erika en 1999. Il avait alors été perçu comme réagissant en froid technocrate face à l'émotion liée à la pollution des côtes bretonnes et vendéennes, minimisant la responsabilité de TotalFina et ne daignant pas se rendre sur place. Il avait reconnu ensuite avoir "sous-estimé au départ" l'ampleur de la marée noire.

Deux ans plus tard, il s'était rendu à Toulouse le jour même de l'explosion dans l'usine chimique AZF, propriété d'une filiale de Total. Il avait mis en place cellule de crise et numéros verts, alors que l'accident a fait une trentaine de morts et des milliers de blessés.

En septembre 2012, la Cour de cassation avait dans l'affaire Erika confirmé la condamnation de Total, qui avait déjà versé 171 millions d'euros aux parties civiles "à titre définitif" après le jugement de première instance en 2008.

Dans le procès AZF, la cour d'appel a rejeté en 2017 la demande des parties civiles qui voulaient voir juger Total en même temps que sa filiale. Le groupe pétrolier avait déboursé 2,5 milliards d'euros au titre de sa responsabilité civile.

La bataille judiciaire a duré 18 ans, aboutissant en 2019 à la condamnation définitive de l'ancien directeur de l'usine AZF et de la société exploitante, après le rejet de leurs pourvois en cassation.

Thierry Desmarest a par ailleurs été administrateur d'Air Liquide, Bombardier, Sanofi et Renault, se retirant pour le dernier en 2018 en invoquant des questions d'âge.

Amateur d'opéra et de ski, il était père de trois enfants.

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