Trump a rejeté l'accord de Paris mais les diplomates américains négocient toujours

  • AFP
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La semaine prochaine à Katowice, en Pologne, une discrète délégation de diplomates américains s'installera pour deux semaines de négociations internationales sur le climat, retrouvant leurs homologues européens, chinois et autres, qu'ils côtoient depuis des années.

Le fait que Donald Trump ait annoncé le 1er juin 2017 le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat signé en 2015 par son prédécesseur, Barack Obama, ne signifie pas que les Américains laissent leur chaise vide. Le retrait ne sera effectif qu'en 2020, et ils restent membres en attendant.

Mieux, "parmi les pays développés, les États-Unis ne sont pas du tout isolés", dit à l'AFP Alden Meyer, vétéran des négociations climatiques à l'Union of Concerned Scientists, à Washington. S'ils boudent le processus politique, les Américains font front commun avec les Européens et d'autres pays développés sur des sujets techniques indispensables à l'application de l'accord.

La Conférence des Parties n°24, "COP24" en raccourci, est la plus importante COP depuis celle de Paris. Cette fois, les 197 pays signataires ne doivent pas négocier sur une réduction des gaz à effet de serre, mais s'accorder sur le manuel d'application de l'accord, "rulebook" en anglais. "Paris doit encore voir le jour au sens opérationnel", explique Todd Stern, l'ancien négociateur climat de Barack Obama. Une page de l'accord concernant la transparence, par exemple, pourrait avoir besoin de 15 ou 20 pages de définitions techniques, selon lui.

Les pays doivent fixer une manière commune de comptabiliser leurs émissions. Mais faut-il utiliser une méthode internationale fixée en 2006, ou donner de la flexibilité à certains pays? Mais à qui? Qui évaluera les résultats nationaux? Sur le terrain ou depuis le secrétariat à Bonn? Et quand? Que faire lorsqu'un pays ne respecte pas ses engagements?

Sur ces sujets, les Américains ont des objectifs précis. Ils refusent que les pays développés soient soumis à des règles plus strictes que les pays en développement - une position tenue invariablement sous George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump.

Après Trump

Pourquoi les autres pays acceptent-ils de continuer de collaborer avec les Etats-Unis? Parce qu'ils anticipent un éventuel maintien américain dans l'accord... soit parce que M. Trump changerait d'avis, soit par un futur président. Tous savent que le retrait de Washington interviendra le 4 novembre 2020, le lendemain de la prochaine élection présidentielle américaine.

"La plupart des pays essaient de faire la distinction entre l'administration Trump et les Etats-Unis à long terme", explique Alden Meyer. "Il y a une certaine sympathie à l'égard des positions américaines, car ils ne veulent pas compliquer la tâche d'un futur président qui voudrait revenir dans l'accord". "Nous espérons que la position américaine évoluera avec le temps", dit à l'AFP Ovais Sarmad, numéro deux de l'organisme de l'ONU qui chapeaute les négociations.

La délégation américaine ne sera pas emmenée par un ministre ou une personnalité gouvernementale de haut rang, mais par une diplomate de carrière inconnue du grand public, Judith Garber, responsable du bureau des affaires environnementales et scientifiques du département d'Etat.

"L'équipe qui représente les Etats-Unis est composée de diplomates de carrière qui négocient sur ces sujets depuis des années et ont acquis une crédibilité considérable auprès de leurs collègues des autres pays", dit Elliot Diringer, directeur du think-tank C2ES.

Preuve du poids des Etats-Unis, ils ont bloqué, selon des ONG, les discussions à Bangkok en septembre sur la question des financements verts que les pays développés sont censés consentir aux pays plus pauvres. Les Américains refusent qu'une règle les oblige à s'engager des années en avance; les Européens seraient sur la même ligne.

À côté des négociateurs techniques, des "politiques" arriveront la seconde semaine, dont un représentant de la Maison Blanche, Wells Griffith, selon Alden Meyer.

Dès son arrivée, le conseiller énergie de Donald Trump devrait présider un événement de promotion des énergies fossiles et du charbon. Une provocation, pour certains, mais qui ne devrait en réalité pas empêcher les négociations de se poursuivre, en privé.

"Les Américains continuent à négocier de façon constructive", dit à l'AFP une source proche des négociations. "Bien sûr, il faut supporter le fait qu'ils viennent soutenir le charbon, mais pendant ce temps, on peut travailler tranquillement...".

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