Ukraine : à la centrale nucléaire de Zaporijjia, la Russie se veut "protectrice" malgré les risques

  • AFP
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Empêcher une "prise par les armes" : les troupes russes déployées à la centrale nucléaire de Zaporijjia en Ukraine assurent se préparer à une attaque de Kiev, qui dément et accuse en retour Moscou d'utiliser le site comme "bouclier".

Des journalistes de l'AFP ont pu se rendre mercredi sur place à l'occasion de la présence du directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, dans le cadre d'une visite de presse strictement encadrée par l'armée russe.

Selon M. Grossi, l'AIEA cherche à obtenir un accord entre les deux belligérants sur plusieurs "principes" clés, notamment ceux de ne pas attaquer cette centrale nucléaire, la plus grande d'Europe, et de ne pas y déployer d'armements lourds.

L'Ukraine accuse la Russie d'avoir déployé au moins 1.000 soldats et des équipements dans le complexe pour les protéger des bombardements, Kiev envisageant de mener une contre-offensive dans cette région méridionale.

Mercredi, l'AFP a vu au moins cinq véhicules militaires légers sur le site, dont un placé sous des tuyaux installés en hauteur pour éviter d'être repéré du ciel, sans pouvoir établir si d'autres engins avaient été déployés sur place puis retirés avant cette visite de presse.

"Les unités de la Garde nationale remplissent l'objectif d'assurer la sécurité de la centrale", a lancé devant les caméras un soldat russe encagoulé, précisant que leur principale mission était d'"empêcher une prise par les armes" du site ou les opérations de "saboteurs" ukrainiens.

"Les tâches de notre unité consistent à garantir la protection contre les radiations, les interventions d'urgence. Nous sommes capables d'assurer l'évacuation du personnel par plusieurs voies et la désactivation des structures", a affirmé un autre soldat, posant près d'un blindé équipé d'un engin de détection de la radioactivité.

- Risques multiples -

L'armée russe a occupé cet immense complexe dès le 4 mars 2022. Il produisait auparavant 20% de l'électricité ukrainienne et a continué à fonctionner les premiers mois de l'offensive, malgré plusieurs bombardements sur le site, avant d'être mis à l'arrêt en septembre.

Depuis, aucun de ses six réacteurs VVER-1000, datant de l'époque soviétique, ne génère de courant.

Les deux camps se rejettent mutuellement la responsabilité des tirs ayant touché ces installations depuis que les forces russes les ont prises.

Pendant la visite de mercredi, les autorités d'occupation russes ont tenu à montrer les traces laissées par des frappes en novembre, dont des éclats ayant atteint le bloc de béton massif recouvrant le réacteur numéro 2. Des vitre soufflées par les explosions étaient toujours visibles autour.

Outre les tirs, se pose le problème des conditions de travail stressantes et du niveau de qualification des employés restants. Beaucoup d'ingénieurs sont partis vers les territoires sous contrôle ukrainien.

"On en a marre des bombardements", a affirmé mercredi Tatiana, présentée à la presse comme une employée du site.

"Toutes les recommandations concernant la sécurité sont appliquées", a toutefois affirmé l'actuel directeur de la centrale, Iouri Tchernitchouk. Par le passé, le géant russe Rosatom a dit avoir envoyé ses experts en renfort sur place.

Le site reste connecté au système énergétique ukrainien et consomme de l'électricité produite par celui-ci pour une tâche primordiale : continuer à refroidir les réacteurs à l'arrêt et ainsi éviter une surchauffe désastreuse.

Mais cette alimentation en électricité est instable. A six reprises, elle a été coupée, en particulier après des frappes, obligeant les employés à activer des générateurs d'urgence.

A la dernière coupure, qui a duré plusieurs heures, le 9 mars, Kiev a accusé la Russie d'avoir causé ce black-out en endommageant par des tirs la seule ligne électrique reliant encore ces installations au réseau ukrainien.

Moscou dément. "Dès que la Russie tire sur des infrastructures militaires, (les Ukrainiens) coupent la ligne électrique et disent que c'est le résultat de bombardements russes", a assuré mercredi à l'AFP Renat Kartchaa, un conseiller du directeur de Rosenergatom, une filiale du géant russe de l'énergie nucléaire Rosatom.

Autre risque : l'Ukraine redoute que la centrale ne manque d'eau pour son refroidissement après avoir constaté une baisse du niveau du réservoir de Kakhovka, vital pour alimenter le site et également sous le contrôle des militaires russes.

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