Un prototype de « l'Ecotrain » exposé à l'Elysée : de quoi s'agit-il ?

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Il faisait encore nuit noire vendredi matin quand un semi-remorque transportant un petit train unique en son genre a traversé Paris. Direction l'Élysée. Le prototype de la navette ferroviaire Ecotrain, tout juste sorti d'atelier, est montré pour la première fois au public.

Un train électrique à l'honneur de « Fabriqué en France »

La navette électrique, longue de douze mètres, est exposée jusqu'à dimanche soir devant le siège de la présidence de la République. Pour la cinquième édition de l'exposition "Fabriqué en France", l'industrie ferroviaire française est à l'honneur.

Autour des deux camionneurs qui l'ont conduite au cœur de Paris, un petit groupe se forme alors que le jour se lève sur la navette garée dans la rue.

Forme simple, graphisme épuré. Juste quelques courbes multicolores. "Elle est belle", dit Claire Bourguignon, étudiante thésarde âgée de 27 ans, dont le père Philippe, ancien cadre dirigeant d'Engie, a imaginé ce train "frugal" destiné à revitaliser le transport en zones rurales.

Conçu avec des chercheurs de Mines-Télécom et de IMT-Université de Lille, l'Ecotrain est l'un des cinq lauréats de l'appel à projets pour des "trains légers", soutenu et financé depuis 2022 par l'Ademe et le programme d'investissements France 2030.

Une navette avec 30 places assises

Sans conducteur, la navette à batterie électrique se veut "autonome, légère, modulaire et intelligente", présentée comme capable de freiner automatiquement si un animal ou un humain est détecté sur les voies. Des PME spécialisées dans le ferroviaire ont réalisé le prototype (Socofer, Stratiforme, Syntony GNSS et Clearsy). La navette doit accueillir 30 places assises et se déplacer à 100 kilomètres par heure au maximum.

Sensibilisé aux "énormes problèmes de mobilité du monde rural" lorsqu'il était basé en Bourgogne, "bien avant les gilets jaunes", le coordinateur du projet Philippe Bourguignon dit avoir une obsession : réutiliser les centaines de kilomètres de voies de chemins de fer abandonnées ou délaissées par la SNCF.

Pour que l'exploitation soit rentable, il souhaite que les mêmes équipes s'occupent de l'entretien du matériel roulant, des rails et des passages à niveau, comme les cheminots d'autrefois. Et que la navette serve aussi à transporter des marchandises localement. "Il faut que les gens s'approprient leur ligne, ce sont de vrais cheminots, si les rails sont dilatés avec la chaleur, c'est eux qui iront les régler". Et ce petit train automatique doit "pouvoir être construit partout".

Les « cadeaux laissés par les baby boomers »

"Nous avons reçu des marques d'intérêt en Pologne, en Belgique, en Argentine et au Canada", explique M. Bourguignon, qui compte vendre des licences pour encourager des fabrications locales. "Un modèle très différent de celui d'Alstom".

Le géant industriel de la construction ferroviaire a lui même participé à trois des quatre autres projets de trains légers soutenus par l'Ademe.

En France, l'équipe Ecotrain discute avec les régions Occitanie, Nord, Grand-Est, Nouvelle Aquitaine et Centre. Mais les bras manquent dans ce petit groupe de passionnés qui vient juste de se constituer en société SAS basée dans les Hauts-de-France, près de Stratiforme qui a réalisé la cabine en matériaux composites.

Depuis plusieurs années, Philippe Bourguignon a mis tout son temps de jeune retraité dans la coordination de l'aventure, afin de garder l'estime d'une de ses filles qui se plaignait auprès de lui "des cadeaux laissés par les baby boomers" : "des retraites à payer et les températures qui augmentent".

Une prochaine levée de fonds de 2 ou 3 millions d'euros

"Au début, on ne le prenait pas au sérieux lorsqu'il s'est mis à calculer l'empreinte carbone de chaque matériau", se souvient sa fille Claire.

"Il ne parlait que de train et s'est investi à 100% dans le projet, aujourd'hui on a un premier résultat", dit-elle à l'AFP, consciente néanmoins de "tout le chemin qui reste à faire" pour que ce train soit réellement utilisé, essais positifs, homologation, contrat de vente...

La startup compte sur la visibilité qu'elle obtiendra lors de l'exposition à l'Élysée pour l'aider à mener sa prochaine levée de fonds (deux ou trois millions d'euros) dans l'espoir de pouvoir lancer une première ligne test grandeur nature.

Commentaires

Pierre 29
Riche et belle initiative ! La desserte rurale, quand elle n'a pas disparu, est assurée par de gros bus qui font "l'intervilles" mais aussi du ramassage nsur petites routes. Ce serait bien de retrouver trains et petits bus, + transport à la demande pour le "capillaire". Ceci dit, le "sans conducteur" ne me va pas. OK en lieu balisé comme le métro mais risqué en pleine campagne, même avec plein de sécurités automatiques jamais parfaites !
Philippe
Le "sans conducteur" était sans doute impossible en 1950 et risqué en 1980 (Orlyval est une voie fermée) . Aujourd'hui, c'est une option beaucoup plus sûre qu'avec conducteur : Détection d'obstacle a 200 m même en pleine nuit sous pluis battante et arrêt en 80 m ...
Pierre 29
p.s. Malgré la construction de quelques milliers de km de lignes GV, la longueur totale du réseau ferré français en service a été divisée à peu près par 2 au 20e siècle !
Philippe
Parfaitement vrai. le moment est venu d'en récupérer une partie : 8000 kilomètres en France, 50000 pour toute l'Europe. C'est la politique du "tour voiture" qui est à remettre en cause
Guy
La SNCF a trop dépensé pour 1) les salaires et avantages annexes 2) le prestige des trains à grande vitesse. Ces derniers roulent parfois plus ou moins lentement sur des lignes créées par le Second Empire ! Cet Ecotrain est une bonne idée, mais qui en restera à ce stade, au pays désargenté des brillants rêves bureaucratiques.
Régis de Nîmes
"...les salaires des cheminots et avantages annexes..." Les salaires des chauffeurs polonais ou bulgares, le dumping social, fiscal, environnemental, c'est moins cher ? Les accidents routiers, la pollution et les maladies générées , les nuisances, les infrastructures routières dégradées par le transport routier, tout cela ne coute rien à la collectivité nationale ? Et si tout cela était pris en compte dans les coûts de transport ? Vous verriez que la SNCF deviendrait très compétitive ! Cordialement.
Philippe
Très boonne remarque, il faudrait toujours prendre en compte les impacts . Le salaire des cheminots n'esta pas un problème. Ils sont la chance d'avoir un statut protecteur et c'est très bien. Le problème vient de l'absence s'innovation et de l'absence d'investissements
Philippe
Ce serait oublier que les investissements lourds (autoroutiers, par exemple) sont portés sous le régime de la concession. C'est la solution de référence pour relancer le ferroviaire sur ces petites lignes, car je suis d'accord que les montants déjà prévus sur le réseau structurant sont trop faibles

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