Visite du président iranien Hassan Rohani à Bagdad sur fond de sanctions américaines

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Le président iranien Hassan Rohani rencontre lundi les dirigeants irakiens au premier jour d'une visite dans le pays pétrolier, sur lequel le grand allié américain fait pression pour restreindre sa coopération commerciale et politique avec Téhéran.

Dans un Moyen-Orient divisé entre pro-Américains et pro-Iraniens, Bagdad joue un difficile rôle d'équilibriste: ses deux principaux partenaires, l'Iran et les États-Unis, sont eux-mêmes grands ennemis.

L'Iran, deuxième fournisseur de l'Irak pour des produits allant de l'électroménager aux légumes en passant par les voitures et le gaz, souffre du rétablissement des sanctions de Washington après le retrait unilatéral américain de l'accord sur le nucléaire de 2015.

Relations incomparables

"On ne peut pas comparer la relation de l'Iran avec l'Irak avec celle qu'entretiennent les Etats-Unis" et Bagdad, a estimé M. Rohani avant d'effectuer sa première visite en Irak depuis son accession au pouvoir en août 2013.

Bagdad a obtenu une exemption temporaire lors de l'entrée en vigueur du dernier train de sanctions mais Washington ne cesse de l'appeler à diversifier ses fournisseurs.

M. Rohani va rencontrer le Premier ministre Adel Abdel Mahdi et le président Barham Saleh. Il ira ensuite à Kerbala et Najaf, villes saintes chiites où il doit rencontrer, selon Téhéran, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour la grande majorité des chiites d'Irak et certains chiites iraniens.

L'Irak, comme l'Iran, est majoritairement chiite alors que le monde musulman est principalement sunnite. Les deux pays se sont livré une guerre meurtrière de huit ans, mais leurs relations se sont largement développées à la chute de Saddam Hussein en 2003. Depuis, l'Iran devenant un grand partenaire commercial de l'Irak et il y soutient de nombreux partis et groupes armés.

Il a notamment joué un rôle majeur face au groupe État islamique (EI), contre lequel les États-Unis combattaient également avec la Coalition internationale qui a apporté un appui aérien crucial. "Nous avons soutenu le peuple irakien en des jours très difficiles et maintenant, en ces jours de paix et de sécurité, nous sommes encore à son côté", a ainsi rappelé M. Rohani.

Téhéran plaide pour que la reconstruction soit confiée à ses entreprises. Les échanges commerciaux entre les deux pays s'élèvent à 12 milliards de dollars par an - pour quasi-totalité des achats irakiens. M. Rohani a affirmé désormais viser 20 milliards. Pour cela, il va "discuter des moyens de faciliter les échanges commerciaux en dinar irakien ou en monnaies européennes via l'Allemagne ou la Grande-Bretagne pour contourner les sanctions", explique à l'AFP le politologue Hicham al-Hachémi.

Également au programme, l'électricité et l'eau dans une région où les barrages iraniens et turcs ont réduit les débits des cours d'eau d'Irak, connu comme le "pays des deux fleuves".

À l'approche de l'été, saison traditionnelle des manifestations dans un pays souffrant de sècheresse et affrontant des températures parmi les plus élevées du monde sans électricité parfois jusqu'à 20 heures par jour, l'Irak tente de trouver des plans d'urgence.

Énergie et politique

Il importe actuellement d'Iran 28 millions de m3 de gaz par jour et 1 300 MW d'électricité mais s'est engagé auprès de Washington à présenter un plan de réduction avant le 20 mars, date de la fin de l'exemption des sanctions.

"L'Iran ne souffre d'aucune compétition" dans l'énergie, a déjà tranché le ministre iranien de l'Energie Reza Ardakanian, cité par l'agence conservatrice Tasnim. Il a rappelé que Bagdad venait de signer un accord maintenant ses importations d'énergie pour une année.

Outre le commerce, M. Rohani entend insister sur les relations politiques. Symboliquement, il devrait être le premier président iranien à rencontrer le grand ayatollah Ali Sistani, à la tête de l'école religieuse de Najaf, grande rivale de celle de Qom en Iran.

En 2013, cet influent dignitaire chiite avait refusé de rencontrer son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad. La rencontre à Najaf vise, assurent des observateurs, à resserrer les rangs chiites face au royaume saoudien, grand rival régional de l'Iran. Ryad a en effet repris langue avec Bagdad ces dernières années avec son voisin, deuxième producteur de l'OPEP.

Elle pourrait "empêcher l'Arabie saoudite et ses alliés de semer la discorde" entre Irak et Iran, affirmait ainsi un dignitaire chiite de Qom, cité par le quotidien réformateur Ebtekar.

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